Cet article a initialement été publié sur le site de Politique en avril 2019.

Le vieillissement de la population

Un des principaux problèmes auquel la Wallonie va être confrontée dans sa gestion future de la mobilité est celui du vieillissement de la population. C’est un aspect de la problématique qui est rarement pris en compte et pourtant … en 2027, dans moins de dix ans donc, la Wallonie comptera plus d’un million de personnes âgées de soixante ans ou plus, soit près de trente pourcents de la population, et même plus de deux cent mille personnes de quatre-vingts ans et plus. Il sera donc primordial de prendre au sérieux les besoins de mobilité de ces aînés ainsi que les problèmes qu’ils rencontrent dans leur mobilité quotidienne. En effet, BELDAM[1], la dernière enquête nationale de mobilité, a ainsi montré que la part des seniors éprouvant des difficultés à utiliser l’un ou l’autre mode de transport ou même étant dans l’impossibilité physique de recourir à certains moyens de transport est loin d’être négligeable : rouler à vélo n’est pas envisageable pour plus de 40% des 75 ans et plus, plus de 10% des 65-74 ans et plus de 20% des plus de 75 ans ont des difficultés à accéder aux arrêts de tram ou de bus, plus de 10 % de ces 75 ans et plus ne savent  pas accéder à une gare ou à une station de métro ou bien enfin plus de 30% de cette tranche d’âges éprouvent des difficultés à monter dans un bus ou un train.

Bref au moins un mode de transport est impossible à prendre pour la moitié des personnes de 75 ans et plus. Par ailleurs, l’enquête de santé menée par l’ISP[2] en 2013 a épinglé qu’en Wallonie 21,8% des 75 ans et plus notent des restrictions dans leurs possibilités de mobilité. Des politiques de mobilité durable telles que le transfert modal vers les transports en commun demanderont donc à l’avenir de se préoccuper du sort des aînés si on ne veut pas les exclure de la mobilité et donc de la vie sociale, culturelle ou économique. Cela demandera notamment des véhicules adaptés (comme certains bus le sont d’ores et déjà) voire des travaux, parfois importants, ou des aménagements  permettant de rendre les infrastructures accessibles à tous. Il faut bien reconnaître que cela n’a pas toujours été le cas par le passé. Sans remonter loin dans le passé, il suffit de penser par exemple à la gare d’Ottignies dont, pourtant, l’inauguration ne date que de 2000.

Le climat

Une autre problématique dont il faut tenir compte dans de futures politiques de mobilité est bien entendu celle du caractère durable des déplacements et ce d’abord du point de vue environnemental. L’état de l’environnement wallon 2017 nous indique que le transport routier est responsable de 24,1% des émissions atmosphériques de gaz à effet de serre en Wallonie. Et ce qui peut encore interpeller davantage c’est que si, en général, ces émissions ont baissé de 36,6% entre 1990 et 2014, par contre, celles causées par ce transport routier ont, elles, augmenté de 28,4%. Et il ne faut pas oublier que l’objectif wallon pour 2020 est de -14,7% par rapport aux émissions de 2015 pour les secteurs ESD[3] dans lesquels on retrouve le transport. La vision FASST[4] de la Wallonie a notamment pour objectif des transferts modaux ambitieux à l’horizon 2030 (le but à atteindre serait le partage modal suivant : marche 5%, vélo 5%, bus 10 %, train 15 %, voiture 60 %  avec une charge moyenne de 1.8 personnes) mais beaucoup de mesures tant sur la gouvernance que les investissements et surtout les modifications de comportements restent encore à mettre en œuvre pour y arriver.

La Stratégie régionale de la Mobilité (SRM) est sensée être le guide pour opérationnaliser les objectifs de la vision FASST. Mais seul le volet 1 relatif à la mobilité des personnes est disponible et soumis à la consultation d’un ensemble d’acteurs institutionnels. Néanmoins, dans leurs avis, certains s’inquiètent de l’adoption d’un document de si grande importance en fin de législature. Il faut souligner que le volet 2 relatif aux marchandises est aussi attendu. Il semble souhaitable voire nécessaire que les bases de cette stratégie de la mobilité en Wallonie soient reprises dès le début de la prochaine législature et soient dès lors opérationnalisées le plus rapidement possible.

Les interactions avec les autres territoires

Malheureusement, la Wallonie n’est pas seul maître de sa mobilité. En effet, beaucoup de déplacements sont orientés vers des pôles attracteurs qui se situent en dehors de la région : Bruxelles au nord, le Grand-duché de Luxembourg au sud et, dans une moindre mesure, la métropole lilloise à l’ouest et la région d’Aachen à l’est. Il est donc nécessaire de prévoir des coordinations non seulement inter-régionales mais aussi internationales pour œuvrer ensemble vers de meilleures solutions de mobilité. Et on ne peut pas dire qu’actuellement les autorités des différentes régions, des différents pays se concertent toujours avant de décider de politiques de mobilité ou même plus prosaïquement de certains aménagements comme des exemples récents l’illustrent encore : quel rôle bénéfique peut jouer une bande réservée au covoiturage si elle s’arrête à la frontière ? Comment encourager les déplacements en bus d’Arlon vers Luxembourg quand les autorités grand-ducales refusent que les bus TEC pénètrent dans Luxembourg-ville ? D’un point de vue inter-régional, un dossier fait aussi actuellement l’objet de controverses : faut-il instaurer une taxe kilométrique (version de la Flandre) ou une vignette (vision de la Wallonie) pour taxer le trafic routier.

En plus la Wallonie est à la croisée des sillons de transport de marchandises, entre l’est et les ports français, entre le port d’Anvers et le sud, etc. Un important transport de fret transite donc par le réseau autoroutier wallon contribuant à augmenter la congestion sans vraiment amener une plus-value économique à la région. Même si le système de taxe kilométrique appliqué aux camions de plus de 3,5 tonnes tente à « rentabiliser » ces nuisances, il est clair que ce n’est pas au niveau de la Wallonie mais bien au niveau européen que des mesures peuvent être prises en vue de réduire la pression routière des camions.

La ruralité

Ces défis doivent en plus être relevés dans le cadre géographique spécifique de la Wallonie caractérisé par beaucoup d’espaces ruraux. De nombreuses mesures destinées à accroître la durabilité de la mobilité trouvent naturellement à se développer dans les territoires urbains : meilleure offre de transports en commun, recours accru au vélo, etc. Elles ne peuvent donc s’appliquer telles quelles sur l’ensemble de la Wallonie et il importe de trouver des solutions innovantes pour éviter d’en arriver à une Wallonie à deux vitesses où des politiques de mobilité durable ne toucheraient que les villes et où les campagnes seraient dénigrées pour leurs impacts négatifs sur l’environnement. A contrario, il faut néanmoins noter que certains problèmes de mobilité épargnent généralement les territoires ruraux : ainsi les congestions sont essentiellement l’apanage de nos agglomérations urbaines. Il convient donc d’appréhender la mobilité en Wallonie sous ces deux aspects : villes et campagnes.

Et les solutions convenant pour l’urbain ne sont pas (toujours) adaptées au rural et vice-versa. Pour les villes les échanges de bonnes pratiques sont courants et des pistes de mesures qui pourraient être adaptées dans nos métropoles existent ; c’est moins vrai pour le rural et c’est peut-être dans ce secteur qu’il faut le plus faire preuve de créativité, d’innovation, d’imagination. Un bon exemple de réflexion pertinente pour les campagnes est le développement, et la mise en réseau, de centrales de mobilité qui permettent aux citoyens d’accéder à une diversité de services de mobilité dont ils ignorent parfois l’existence. Terminons donc sur cette note positive qui montre que la Wallonie s’embarque elle aussi vers ce courant novateur du MAAS[5] dont on espère qu’il pourra apporter sa pierre à l’édifice d’une mobilité mieux vécue et plus durable.

 

[1] www.beldam.be

[2] Institut de Santé Publique

[3] Effort Sharing Decision CE/406/2009

[4] Fluidité – Accessibilité – Sécurité – Santé – Transfert modal

[5] Mobility As A Service