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L’énergie à l’épreuve des inégalités sociales

La bataille des idées s’impose plus que jamais dans notre environnement individualisé et traversé par un capitalisme offensif Comme le défendait feu François Martou, inspirateur, avec d’autres, des débats ici présentés. Avec cinq organisations d’éducation permanente, Politique s’est engagée dans un cycle de débats. Des débats sans tabou qui dépassent le clivage social sur lequel la gauche s’est construite. De fait il ne suffit de supprimer la domination sociale pour supprimer la domination masculine, mais il ne suffit pas d’œuvrer à construire l’égalité entre hommes et femmes, pour éradiquer les dominations sociales. De même, il ne suffit pas de revendiquer l’accès à l’emploi et au salaire sans y inclure la question écologique de nos modes de développements économiques en même temps que les revendications liées aux transformations climatiques ne peuvent se faire sans les analyser au regard des inégalités sociales. Ces différentes questions montrent la nécessité d’une réflexion commune entre les différentes expressions de gauche. C’est pourquoi les partenaires L’association pour une taxation sur les transactions financières pour l’aide aux citoyens (Attac Wallonie-Bruxelles), le Centre d’éducation populaire André Genot (Cépag), le Centre d’animation et de recherche en écologie politique (Etopia), l’Institut Emile Vandervelde (IEV), le Centre d’information et d’éducation populaire (Ciep-Moc) et Politique du cycle de débats coordonné par la revue, ont décidé de poursuivre en commun leur réflexion, en la centrant sur les enjeux sociaux des problèmes énergétiques Une réflexion quui se poursuivra d’ailleurs au-delà de la parution de ce dossier. Toutes les forces de gauche intègrent ces questions dans leurs projets et actions. Mais elles y travaillent et se mobilisent souvent de manière contradictoire, voire dans la controverse. Ces débats menés en commun ont l’ambition de dégager des clefs d’analyse commune sur cette thématique en tant que question multidimensionnelle qui n’évacue pas ses différentes complexités économiques, sociales et environnementales. L’énergie représente à la fois un symptôme et l’une des causes centrales de la crise à laquelle nous sommes confrontés. Tout notre développement économique, social, notre organisation spatiale, nos relations aux pays du Sud sont conditionnés par le rapport que nous entretenons avec son approvisionnement, son coût, son mode de production. Et si le réchauffement climatique est un problème qui peut parfois sembler très provisoirement lointain et peu appréhendable, l’accès à l’énergie, le choix du type d’énergie, son prix, sont au contraire des questions quotidiennes pour tout un chacun. Le développement de nos sociétés industrielles est basé sur l’utilisation d’une très grande quantité d’énergie et par voie de conséquence, sur la croissance illimitée de son empreinte écologique. Nous savons depuis un certain temps que ce modèle n’est pas durable à long terme. La nouveauté, c’est que nous découvrons de plus en plus qu’il ne l’est pas davantage à très court terme. Non seulement parce que ses conséquences écologiques commencent à se faire ressentir mais également parce qu’il radicalise et renouvelle la question des inégalités sociales. La question se pose en tout premier lieu à l’échelle internationale. En effet, l’extension à l’ensemble des habitants de la planète du mode de développement des pays riches est à priori incompatible avec la survie de l’espèce humaine. La nouvelle équation Nord-Sud implique que nous fassions tout pour un monde plus juste et plus solidaire en oeuvrant vers une égalité entre l’ensemble des peuples dans l’accès aux ressources et dans leurs impacts respectifs tant au niveau social qu’en termes environnementaux. Rappelons aussi que la maîtrise des ressources énergétiques est l’une des principales causes de guerre et d’oppression des populations dans le monde. Ceci implique des transformations radicales dans nos manières de consommer et de produire. Ce ne pourra se faire que si nous respectons les exigences de justice sociale dans les politiques que nous devons mener à l’intérieur de nos propres structures. Nous savons que la réduction inéluctable des stocks d’énergies fossiles et la lutte contre le changement climatique nous obligent à la fois à développer les énergies renouvelables et à réduire nos consommations. L’énergie est donc un enjeu complexe de redistribution au niveau planétaire comme au niveau national. Elle concerne autant notre rapport aux générations futures que les rapports Nord-Sud ou les rapports sociaux entre les citoyens à l’intérieur de nos sociétés. Jean-François Fauconnier, pour Etopia, introduit la notion de responsabilité historique et sociale dans le débat. L’application des normes de Kyoto en matière de diminution de gaz à effet de serre ne peut se réaliser de manière linéaire. Elle doit au contraire introduire les responsabilités passées et la dette en carbone accumulée par une économie intensive de plus d’un siècle. Ceci implique une approche solidaire au niveau mondial et local, étayée par Johan Decrop, du service d ‘étude de la CSC (Ciep-Moc), approche qui devrait être portée par les pouvoirs publics sous forme d’une cotisation-climat qui serait affectée aux nouvelles formes de vivre ensemble, au développement des énergies renouvelables, à la modernisation écologique du tissu industriel et à un fond de transition qui respecte les travailleurs dans leurs compétences et les temps sociaux nécessaires aux reconversions. Dans la même perspective, Franco Carminati, d’Attac, plaide pour le maintien de notre système fiscal, mais en appelant la révision de l’application de la progressivité de l’impôt inversée pour les plus hauts revenus. Révision également de l’impôt indirect afin qu’il devienne à la fois, un outil utile aux reconversions énergétiques et des modes de consommation tout en étant utilisé dans l’investissement des programmes de recherche et développement. En ce qui concerne le logement, Guillaume de Walque et Guillaume Lepère, de l’IEV, proposent un vaste programme public dans les logements sociaux et les bâtiments publics. L’action des pouvoirs publics comporte un caractère d’entraînement et doit être ambitieuse. Elle intervient sur plusieurs facteurs, à la fois, environnementaux, économiques (rénovation) et de recherche d’autonomie énergétique. L’action publique en matière d’écologie, doit être sociale et conçue afin éviter de nouvelles sources d’inégalités. Si l’écologie doit être sociale, elle ne peut faire l’impasse de ses répercussions sur l’activité économique. C’est le développement étayé par Eric Buyssens pour le Cépag. Si certaines politiques urbaines prennent en considération les questions de mobilité, elles mettent l’accent sur le transport individuel en accordant peu d’importance aux mobilités liées aux activités économiques. Une Région telle que Bruxelles devrait tenir compte des particularités des activités économiques de service, de commerce de proximité qui s’exercent par le recours à des déplacements multiples et variés. C’est un traitement global assorti d’une planification territoriale, en matière de transport et de logistique qui devrait être développé en Région bruxelloise.