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Vive la suédoise ! ?

Ils sont sortis du bois pour se plaindre auprès de Benoît Lutgen : le CDH qu’il préside aurait commis une erreur historique en refusant de monter dans la coalition fédérale « suédoise » avec les libéraux, le CD&V et la N-VA. Qui sont-ils ? La presse[1.Le Soir, 14/15 août 2014.] cite Olivier Lefebvre, CEO de la société Xylowatt, patron de la Bourse de Bruxelles et d’Euronext, Henri Bogaert, ancien patron du Bureau du plan (UNamur). Luc de Brabandere, du Boston consulting group, cabinet-conseil pour entreprises et multinationales (UCL), l’inévitable Étienne de Callataÿ, chief economist à la Banque Degroof (UNamur, UCL), Philippe Donnay, actuel patron du Bureau du plan, ex de la Banque Degroof et de la FEB, Baudouin Meunier, patron de la clinique Mont-Godinne, ex Bpost et Belgacom (UNamur), Baudouin Velge, ex-chief economist de la FEB et directeur du Cercle de Lorraine (UCL), Luc Willame, ancien patron de Glaverbel et de la SDRB.

Mais, au moins, en face, une opposition pourra se reconstruire en retrouvant des chemins d’action oubliés.

Présentés comme des économistes et des experts au-dessus de la mêlée, on laisse entendre que leur démarche ne saurait être inspirée que par le souci de l’intérêt général. Leur parcours témoignerait d’ailleurs de leur qualité de grands commis de l’État : presque tous, ils ont servi dans des cabinets ministériels (en l’occurrence de sensibilité sociale-chrétienne : Maystadt, Dehaene, Wathelet, Milquet), ils ont siégé dans des conseils d’administration d’entreprises publiques, ils enseignent à l’université. Presque tous, aussi, ils ont transité par de grandes entreprises privées qui leur ont assuré un honorable standard de vie ainsi qu’une certaine propension à mélanger les genres. Enfin, parmi eux, pas une seule femme, pas un seul nom à consonance quelque peu exotique. Confirmation que la lutte proclamée contre les discriminations n’est pas près de toucher l’aristocratie des importants qui s’érigent en consciences de la gouvernance publique. Scandaleux ? Pas du tout. Cette sortie nous ravit. En alignant ses supporters, la coalition « suédoise » annonce bien la couleur. Fini d’amuser la galerie avec du communautaire. Les masques tombent et les camps politiques se reforment sur des fondamentaux socio-économiques et quelques problèmes vitaux de société. Ainsi, les termes de droite et de gauche vont pouvoir retrouver le sens que 25 années de participation socialiste au niveau fédéral avaient fini par embrouiller complètement. C’est pourquoi on avoue son incompréhension quand Écolo s’en prend à la «stratégie confédéraliste du PS .…. qui risque de rendre la Belgique ingouvernable ». Les Verts auraient-ils préféré que, au prétexte de « sauver la Belgique », les socialistes entrent en coalition avec la droite à tous les niveaux de pouvoir ? On a trop critiqué le mantra du « sans nous ce serait pire » pour ne pas se réjouir que, cette fois-ci, prenant acte du mauvais rapport de force sorti des urnes, le PS n’ait pas fait dépendre ses options régionales d’un compromis forcément imbuvable au niveau fédéral. Alors, « vive la suédoise » ? Le menu prévisible n’a rien d’alléchant. Cure d’amaigrissement des services publics, sécurité sociale sous pression, tripatouillage de l’index, réforme fiscale inégalitaire, dumping salarial au nom de la compétitivité, limitation du droit de grève dans les transports publics, relance du nucléaire… Mais, au moins, en face, une opposition pourra se reconstruire en retrouvant des chemins d’action oubliés. Le PS aura l’occasion de recoller à sa base électorale, Écolo de se guérir de cette peur panique de déplaire qui a conduit à sa déconvenue du 25 mai, le PTB de démontrer son aptitude à relayer utilement les aspirations populaires sans tirer la couverture à lui. Enfin, les mouvements sociaux, privés d’une partie de leurs relais politiques traditionnels, devront réinventer des formes de mobilisation adaptées à notre temps. On verra bien, dans cette conjoncture inédite, le rôle exact qu’endosseront les gouvernements wallon et bruxellois sous direction socialiste. Et, du coup, si l’année qui s’ouvre sera pire ou meilleure que les précédentes.