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Une Wallonie trop à droite pour les nationalistes flamands ?

Miel Pieters. CC BY-SA 2.0
Miel Pieters. CC BY-SA 2.0

« Keine Experimente » : c’est à peu près la teneur du discours de Bart De Wever (N-VA) à l’annonce des résultats électoraux. Le président de parti avance ce que le premier chancelier ouest-allemand Konrad Adenauer proposait en 1957 : des changements tangibles, mais ni saut dans l’obscurité, ni dangereuse expérience révolutionnaire. D’autant que la nouvelle situation au sud du pays ne lui simplifie pas les choses.

Ainsi donc, la Flandre s’est résolument tournée vers la droite ce 9 juin, mais pas de la manière irréfléchie et spectaculaire que de nombreux sondages avaient prédite. La domination de De Wever se perpétue donc, mais l’ambiguïté de la victoire est palpable. Certes, De Wever domine à tous les niveaux de pouvoir importants, mais il n’a aucune garantie que son rêve d’indépendance se réalisera.

Cette ambiguïté des résultats électoraux a presque tout à voir avec ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière linguistique. Depuis des années, les sondages indiquent qu’en Wallonie, l’opinion publique suit la courbe générale de la population européenne. Le leader de la N-VA, Theo Francken, est par exemple populaire auprès de l’électorat wallon.

Comme ailleurs, la domination incontestée du Parti socialiste (PS) se désagrège progressivement, du fait notamment du vieillissement de ses militants. Le président du MR a quant à lui pu constater que la dynamique d’extrême droitisation pouvait se canaliser au sein d’un parti plus classique comme le sien. Dans le même temps, le PTB PVDA s’impose comme la quatrième force à la Chambre, rapprochant son score en Flandre de celui qu’il atteint en Wallonie.

Les deux parties du pays se rapprochent donc. Conséquence : la nouvelle répartition en sièges au fédéral rend peu évidentes les aspirations indépendantistes. Comme ont pu le rappeler de nombreux médias du Nord et du Sud, la divergence entre les deux « cultures politiques » belges a longtemps constitué l’argument ultime en faveur de la scission du pays.

Aujourd’hui, c’est plutôt une convergence des droites qui semble s’imposer, et ce de manière beaucoup plus marquée que sous le gouvernement Michel.

La NVA prise dans ses contradictions

Aujourd’hui, c’est plutôt une convergence des droites qui semble s’imposer, et ce de manière beaucoup plus marquée que sous le gouvernement Michel (2014-2019). Ce qui a pour effet d’accentuer les contradictions au sein de l’alliance historique que représente la N-VA. En effet, le parti abrite toujours deux âmes : celle de la Volksunie et celle du Voka, Flamingants d’une part et libéraux de l’autre, qui ont chacun une vision sensiblement différente de l’indépendance. D’un côté, l’aile du Voka considère davantage l’autonomie flamande comme un outil pour mettre en place des politiques économiques de droite. La Flandre ne pouvait pas les imposer dans le cadre du carcan fédéral en raison du veto implacable posé par le PS. Pour cette aile-là, la montée du MR est donc une bonne nouvelle.

En revanche, l’aile Volksunie cherche l’indépendance pour elle-même. Son alliance avec le Voka, au sein de la NVA, est plutôt le fruit d’un calcul : la présence de la puissante organisation patronale est censée compenser le fait qu’un électorat aisé se soit distancié du mouvement flamingant. Dans cette perspective, le mariage de convenance entre les deux forces doit permettre d’ouvrir la voie au confédéralisme en tant qu’objectif.

Mais aujourd’hui, le MR peut à nouveau réduire à néant les arguments en faveur d’une telle réforme de l’État. En effet, pourquoi se diviser davantage, si la Flandre et la Wallonie sont sur la même ligne politique? Pour un parti qui souhaite également adopter une telle orientation de droite dans sa région, le confédéralisme n’est en aucun cas avantageux. Pire : il prive le MR d’alliés de droite, de l’autre côté de la frontière linguistique. Et le Voka a désespérément besoin de sécurité juridique et de main d’œuvre, même au détriment de l’autonomie flamande. D’où l’idée de « mise au frigo communautaire », et le dilemme : soit De Wever « sauve » la Belgique sur le plan budgétaire et devient le nouveau Jean Luc Dehaene (CD&V), soit il reste un personnage uniquement flamand.

Le Vlaams belang en embuscade

Le bloc nationaliste, qui dispose à présent de 62 sièges au Parlement flamand, se trouve donc dans une position inconfortable. Le Vlaams Belang avait espéré forcer la N-VA à entrer dans une coalition flamande contre-nature avec les Verts, pour ensuite ouvrir une brèche définitive dans le cordon sanitaire cinq ans plus tard. Ce scénario n’aura pas lieu.

Cela ne signifie pas que le Vlaams Belang est resté stable : le maintien de la N-VA s’est accompagné d’une forte croissance de l’extrême droite. Dans de nombreux domaines politiques, la distance entre les partis se réduit. Et au niveau international, les cartes électorales s’assombrissent de brun, de la France à l’Allemagne. Pendant ce temps, tant au Vooruit qu’à la N-VA, le programme s’est résolument déplacé vers la droite par rapport à 2019, alors que les Verts rêvaient d’un « barrage de gauche ». Mais est-ce le bon moyen de faire reculer l’extrême droite ?

Si le Vlaams Belang s’abstient à nouveau d’aller au pouvoir et poursuit patiemment l’opposition à tous les niveaux jusqu’en 2029, il pourra de nouveau dans cinq ans confronter Bart De Wever à ses promesses non tenues. Une chose est certaine : le Vlaams Belang a le temps.