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Un président démocrate vraiment multilatéraliste ?

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25040347813_c6a4d02db2_b © Stern Matty
9 juin 2021 : « America is back » répète en boucle Joe Biden aux dirigeants européens lors de son premier déplacement à l’étranger

Cet article a paru dans le n°117 de Politique (septembre 2021).

Chaque fois qu’un président du Parti républicain laisse les clefs de la Maison blanche à un Démocrate, les commentateurs saluent le retour au multilatéralisme et aux alliances traditionnelles, la fin de l’isolationnisme, de l’égoïsme et du repli sur soi. L’histoire récente en témoigne lorsqu’on se remémore la couverture médiatique francophone quasi-hystérique qui a suivi l’arrivée de Barack Obama et le départ de George Bush (fils) en janvier 2009, et plus récemment l’élection de Joseph Biden et la fin du mandat de Donald Trump en janvier 2021. En novembre dernier, après le scrutin présidentiel, certains journalistes ont osé évoquer la fin de l’America first en citant les propos de Biden en personne : « America is back ».

Il n’en est rien ! Tout cela, c’est du storytelling de campagne, du travail de l’opinion et de la mise en scène, notamment autour d’Antony Blinken parce qu’il parle français et qu’il a vécu quelques années à Paris… Pour des raisons mystérieuses, les journalistes francophones ont toujours pensé que les Démocrates étaient comme les Européens alors que les Républicains étaient plutôt des cow-boys illettrés. Blinken colle avec le stéréotype du Démocrate pro-européen, mais ses choix en tant que numéro deux de l’exécutif en charge de la politique étrangère ne doivent tromper personne : ce sont les intérêts de l’Amérique uniquement qui vont compter, c’est-à-dire l’America first.

Malgré une rhétorique guerrière, Donald Trump n’a pas vraiment isolé les États-Unis pendant quatre ans. Il a certes secoué le cocotier et testé les alliés européens, mais c’est surtout son successeur qui, pour la première fois depuis des décennies, parle désormais exclusivement des intérêts américains. C’est passé de façon anodine car invisibilisé par le chaos autour de l’aéroport de Kaboul, les attentats et les exfiltrations, mais rarement un président démocrate a assumé aussi clairement sa volonté d’investir uniquement dans les pays où l’intérêt des États-Unis était engagé. En clair, cela signifie précisément la fin du multilatéralisme ! Comme l’ont amèrement constaté les alliés de l’Otan livrés à eux-mêmes en Afghanistan, incapables de persuader Joe Biden de reporter la date de retrait des troupes.

Le multilatéralisme, c’est souvent du soft power, c’est-à-dire, pour une nation, obtenir ce que vous voulez grâce à votre prestige, à votre diplomatie, à vos soutiens financiers multiples, à vos investissements à l’étranger (notamment dans le nation building en Afghanistan), à votre armée qui multiplie des bases autour du globe, à votre contribution au budget de l’Otan avec la participation directe (financement de l’organisation) ou indirecte (engagement de ses forces armées dans un conflit ou une mission de maintien de la paix). Le hard power, c’est l’inverse, vous obtenez ce que vous voulez en déplaçant des chars, en faisant exécuter des gens, en fermant des frontières ou encore en jouant sur l’accès de vos ennemis à l’énergie (gaz, pétrole, etc.), c’est la force brute !

En précisant que les Américains n’avaient jamais voulu construire une nation démocratique en Afghanistan (mensonge), qu’ils n’ont plus aucun intérêt dans ce pays, et qu’on ne peut pas se battre pour les Afghans s’ils ne veulent pas se battre eux-mêmes, Biden et Blinken s’inscrivent dans la logique de l’Amérique d’abord initiée par Donald Trump depuis 2016.

(Image de la vignette et dans d’article sous CC-BY 2.0 ; photographie de Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, prise en 2016 par l’U.S. Embassy Jerusalem.)