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Un nouveau mensonge de PPDA dans « Le Soir » ?

Patrick Poivre d’Arvor a été interviewé par Le Soir, ce 20 avril 2013. Cet entretien est titré par un extrait de son interview : « Certains journalistes ne font pas leur métier »… alors qu’une de ses déclarations y démontre que cela fait bientôt 22 ans que le célèbre journaliste utilise publiquement, et de façon répétée, la fourberie ainsi que le mensonge par omission pour tenter de nier l’existence de sa « vraie fausse » interview de Fidel Castro qu’il présenta au JT de 20h de TF1, le 16 décembre 1991. Que déclare-t-il au Soir à propos de cet entretien avec le leader cubain ? « Je l’ai rencontré, je suis désolé, il y a même des photos qui l’attestent .Le Soir publie d’ailleurs une photo de cet entretien où l’on voit côté à côté PPDA et Castro.. On a fait l’amalgame entre cette interview, que j’ai faite de lui en 1993, et une rencontre que nous avions eue un an auparavant et à l’issue de laquelle j’avais diffusé un extrait de la conférence de presse à laquelle je participais. On en a diffusé deux minutes que j’ai présentées moi-même comme un extrait d’une conférence de presse improvisée au moment de l’inauguration d’un hôtel (…) ».

Décryptage

Cette astuce du « j’ai bien rencontré Castro » (mais à une autre occasion, bien plus tard), il l’a déjà servie à Paul Germain, le 28 mars 1996 (JT Soir, RTBF) et à Michel Denisot, le 5 février 1998 (À part ça, sur Canal+). Mais, à l’inverse de ce que déclare PPDA, il n’y a aucun amalgame ! En effet, ce qui restera dans l’histoire de la déontologie de la presse, la fameuse « vraie fausse interview de Castro », se déroule bien avant cette autre rencontre avec prise de photo et doit s’analyser en tant que telle.

Quel symbole de la mauvaise foi de quelques (beaucoup ?) journalistes (…). Voilà pourquoi l’autorégulation est impossible dans les métiers de l’information. Exigeons la régulation !

PPDA, avec son réalisateur Régis Faucon (qui montera la séquence), étaient les seuls Français à assister à une conférence de presse donnée par Castro principalement pour des médias latino-américains. N’ayant pas réussi à décrocher un entretien, ils filmeront, dans un deuxième temps, PPDA posant ses questions, seul face caméra. Ils monteront ces images à des extraits des réponses de Castro données lors de la conférence de presse. Le problème est triple. 1/ À l’époque, il était très rare que Castro accorde une interview à la presse française. Il s’agissait donc quasi d’une exclusivité historique. La « faute » aurait été vénielle si PPDA s’était contenté de piquer les questions de ses confrères et de simplement de les traduire littéralement pour sa « réinterprétation » face caméra. Ce n’est pas du tout le cas. Certaines questions sont carrément réinventées et donc, après, le montage propose une déclaration de Castro qui n’est pas une réponse à la question réellement posée en conférence de presse. D’autre part, pour s’accaparer les propos de Castro, PPDA lance ainsi une de ses propres questions : « Que diriez-vous à la télévision française (…) ». Alors que les propos de l’interviewé n’ont jamais été adressés au public français. Il y a montage… et montage fallacieux. 2/ Il ne faut pas sous-estimer de la part de l’employé de Bouygues un autre éclairage de type plus « idéologique », bien intéressant ! PPDA tente de dévaloriser Castro, tant dans le lancement qu’il lira à l’antenne avant la diffusion du reportage (voir plus loin) que dans le « droit de réponse » mensonger qu’il contraindra Télérama de publier : l’affirmation fantasmée par PPDA du fait que Castro aurait été « irrité » par ses questions (puisqu’il n’y a pas eu d’interview !). En effet, c’est cet hebdo culturel qui a levé le lièvre et il publiera, le 15 janvier 1992, une lettre du journaliste-vedette où celui-ci déclare : « Nous avons pu approcher Fidel Castro et lui poser au cours d’une conférence de presse quelques questions qui semblent l’avoir irrité ». 3/ PPDA tente de se dédouaner par l’annonce de la séquence qu’il aurait faite lors de la diffusion du reportage au JT de 20h. Le problème, c’est qu’il invente un autre contenu à cette annonce. Les journalistes qui l’interviewent n’imaginent jamais qu’il pourrait être d’aussi mauvaise foi et ne vont jamais, hélas, vérifier ce qui a été vraiment diffusé aux téléspectateurs. Ainsi, au Soir, ce 20 avril 2013 : « On en a diffusé deux minutes que j’ai présentées moi-même comme un extrait d’une conférence de presse improvisée au moment de l’inauguration d’un hôtel (…) ». Au JT Soir de la RTBF, à Paul Germain, le 28 mars 1996 : « J’ai annoncé : lors d’une conférence de presse improvisée, une équipe de TF1 a pu rencontrer Fidel Castro ». Mais voici comment PPDA a réellement annoncé son reportage, dans le JT du 16 décembre 1991 : « Fidel Castro essaie de sortir de son isolement économique, mais il n’et pas prêt à aucun renoncement idéologique. L’une des équipes de TF1 l’a interrogé hier à Cuba ». La preuve ? Vous pouvez retrouver cette annonce au début du reportage magistral (5 minutes) de Pierre Carles programmé en 1992 par Thierry Ardisson dans son émission Double Jeu sur Antenne 2 (qui deviendra France 2). C’est brillantissime ! Un extraordinaire travail d’éducation aux médias dont la vision ne laisse personne indemne, même vingt ans plus tard.

La régulation, pas l’auto-régulation

En fait, le plus grave, et le plus signifiant, ce n’est pas cette fausse interview… mais bien la manière dont un journaliste professionnel qui, chaque soir, s’adressait à des millions de téléspectateurs, a osé pendant plus de vingt ans, quasi maladivement, nier son erreur (ou sa faute) et continue… Quel symbole de la mauvaise foi de quelques (beaucoup ?) journalistes quand ils doivent rendre des comptes. Voilà pourquoi l’autorégulation est impossible dans les métiers de l’information. Exigeons la régulation !