Politique
Souveraineté alimentaire et luttes paysannes
02.12.2011
Une série d’accords bilatéraux ou multilatéraux sur les investissements, différents traités de libre commerce, représentent une menace pour la souveraineté alimentaire, l’environnement et les droits humains des pays concernés. Via ces accords, les acteurs privés multinationaux bénéficient, dans les faits, de mécanismes d’encouragement au pillage des ressources naturelles. Ils s’accaparent chaque année, avec la complicité des pouvoirs en place, de millions d’hectares de terres et de forêt, souvent dans les zones qui présentent la plus grande biodiversité naturelle. Ni les producteurs locaux, ni les PME nationales, ni les acteurs de la société civile ne sont généralement associés à la définition des politiques agricoles et foncières et aux conditions de mise en œuvre des accords de commerce. Des politiques de libéralisation et de privatisation, paradoxalement soutenues par des institutions financières censées promouvoir l’aide et la coopération (la Banque mondiale et le Fonds monétaire international !) démantèlent une série de secteurs vitaux des pays les plus pauvres, dont l’agriculture, en favorisant le commerce extérieur des pays riches. L’Union européenne négocie également ses aides budgétaires en fonction de ses propres priorités. La réforme de la Politique agricole commune pour sa part ne satisfait pas les agriculteurs européens qui ont, eux aussi, du mal à survivre dans ce contexte de libéralisation croissante des échanges. La dépendance des États les plus pauvres à ces différentes institutions et leur redevabilité par rapport à des prêts accordés sous conditions compromettent leur développement économique interne. L’objet du présent dossier est de questionner les mécanismes qui mettent en péril la souveraineté alimentaire des États ou de communautés spécifiques et la sécurité nutritionnelle des populations. L’examiner également à quelles conditions l’agriculture familiale locale est viable et garante de leur sécurité alimentaire. Des compromis sont-ils possibles entre agriculture moderne et cultures traditionnelles, entre « agrobusiness » et réforme agraire ? Au fil de ces pages, nous vous proposons une série d’exemples concrets de situations vécues dans différents contextes par les paysans et aussi des analyses de ces mécanismes qui sabotent les agricultures du Sud mais également du Nord, où les petits producteurs, malgré des politiques de subside, n’arrivent plus à concurrencer les grands conglomérats de l’industrie agro-alimentaire. Mais nous voulons surtout vous présenter les stratégies développées par les mouvements sociaux paysans contre le rouleau compresseur du néolibéralisme et de cette forme à peine voilée de néocolonialisme. Car, depuis environ deux décennies, les organisations paysannes se structurent, se professionnalisent et se coordonnent en réseaux nationaux et internationaux (le plus connu étant sans doute Via Campesina né en 1993). Ces derniers constituent progressivement une force de pression politique dont il n’est plus tout à fait possible d’ignorer la voix au sein des conférences intergouvernementales ou des instances internationales consacrées à l’agriculture ou à l’alimentation. Beaucoup de chemin reste encore à faire manifestement afin qu’elle soit réellement entendue et surtout prise en compte. Au côté d’autres acteurs de la société civile, Solidarité Socialiste est convaincue pour sa part que si le changement est possible en matière de justice sociale, ces dynamiques y ont un rôle fondamental à jouer et qu’il faut par conséquent les soutenir et les encourager.