Politique
Sans « nous » cela a été effectivement pire
05.04.2019
Le rétrécissement du champ des possibles dans le domaine de la politique en Europe amenuise la capacité de l’électeur de s’enthousiasmer véritablement pour les scrutins auxquels il est convoqué. Depuis la crise de la dette souveraine à la fin de la première décennie du XXIème siècle, il a fallu prendre acte du fait que dans les états membres de l’Union Européenne, la démocratie est figée. La phrase qui résume le plus l’immobilisme institutionnalisé que les citoyens européens ont à subir est celle du président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker :« Il ne peut pas y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ». Dès lors, tant les promesses des candidats que les espoirs des électeurs sont voués à se fracasser sur de multiples textes désormais érigés en rocs dogmatiques. Cet état de fait constitue vraisemblablement l’une des explications de la montée en puissance du populisme de droite. Le peuple, dépossédé de sa liberté de choisir son destin, a malheureusement tendance à s’en remettre à des bonimenteurs qui affirment vouloir défendre son identité supposément menacée. En Belgique, la stagnation en politique peut aussi, outre par les traités européens, être encouragée par les divergences communautaires. Dès lors, en plus d’invoquer les injonctions européennes il est toujours possible de pointer la situation politique de l’autre communauté pour justifier ses errements ou ses renoncements. Cela rend difficile un haut degré d’adhésion des électeurs à l’offre politique existante tant la prise sur le réel par le biais d’un vote tous les cinq ans semble aléatoire.
Mais le vote reste tout de même un moment important de défense de ses intérêts propres. Surtout pour les couches de la population les plus éloignées des lieux de décision réels notamment dans les milieux économiques. Le politique peut encore œuvrer, malgré les contingences européennes et communautaires, en faveur du maintien de mécanismes de solidarité et de redistribution même dans un contexte assez peu favorable. La formation politique belge qui constitue à ce jour le meilleur (ou le moins mauvais choix) pour mener le combat contre les inégalités structurelles et tendancielles reste le Parti Socialiste. Et cela, en raison tant de sa base populaire que de sa vocation gouvernementale. Bien sûr, le superbe glaive d’antan, celui des conquêtes sociales du prolétariat belge de la première moitié du XXème siècle, n’est guère plus affilé. Même le solide bouclier derrière lequel les travailleurs de ce pays purent s’arc-bouter du temps de la splendeur internationale de Reagan et Tchatcher est aujourd’hui perceptiblement fendillé. Il n’en demeure pas moins que ce parti, peut-être avec moins de témérité et d’enthousiasme que par le passé, reste disposé à combattre ceux qui veulent faire passer les profits individuels devant le bien-être collectif. Il se trouvera des esprits particulièrement chagrins à l’approche des élections pour rappeler que le PS c’est aussi le vote de lois qui excluent des chômeurs et de traités européens qui imposent l’austérité avant 2014. A l’époque, certains au PS se défendaient en faisant de longs argumentaires sur la difficulté de trouver des compromis, l’importance de sauver le pays ou en assenant simplement cette formule lapidaire « Sans nous, ce serait pire ». Ce qui a changé en cinq ans, c’est qu’on a eu le loisir de vérifier l’incontestable véracité de cette sentencieuse prévision. Saut d’index, augmentation de l’âge de la pension, dégressivité accrue des allocations de chômage… Cette législature sans le PS a dû sembler bien longue aux travailleurs même parmi ceux qui, il y a cinq ans ne percevaient pas l’intérêt de prolonger la longévité de ce parti au pouvoir. Certains diront que même avec la participation du PS, un gouvernement fédéral de coalition aurait pris également quelques mesures anti-sociales compte tenu des contingences précitées. Cela est possible mais même les PS-Bashers les plus frénétiques reconnaitront probablement que la régression sociale n’aurait jamais atteint l’ampleur de celle que nous venons de subir.
Evidemment, la perspective de vouloir connaitre une législature « moins pire » n’est pas en soi très mobilisatrice pour l’électorat progressiste. Soyons de bon compte, le PS, depuis 2014, cela n’a pas été qu’une opposition toujours critique et souvent inspirée au Parlement fédéral. C’est aussi des combats victorieux menés à d’autres niveaux de pouvoirs. Le plus emblématique étant celui de Paul Magnette, alors Ministre-Président Wallon, contre le CETA. Cette lutte suscita l’étonnement mâtiné d’admiration de nombre de partis socio-démocrates européens qui n’ont depuis longtemps que la résignation pour unique horizon. Dans une époque marquée par la terreur armée et la crainte légitime qu’elle inspire au sein de la population, il convient également de saluer l’action de Rachid Madrane à l’aide à la jeunesse. Même sur un enjeu délicat comme la « radicalisation », il a eu à cœur de ne pas sombrer dans la démagogie sécuritaire et de privilégier les approches préventives et le soutien aux travailleurs de terrain. Choix vraisemblablement efficace à long terme et indubitablement courageux politiquement à court terme.
En guise de conclusion je souhaiterais relativiser une critique souvent faite au PS à savoir son manque de renouvellement. Cela est sans doute beaucoup moins fondé aujourd’hui. Outre les figures historiques sur le départ, il y a désormais plusieurs nouveaux visages qui apparaissent. Au risque de vexer certaines personnes de qualité, On peut citer à l’Europe, la quatrième effective, Coline Maxence, dirigeante mutualiste et féministe engagée, Melissa Hanus, Echevine de la Jeunesse d’Etalle, tête de liste à 26 ans et au niveau régional, l’anderlechtois Lotfi Mostefa, Vice-Président de la STIB qui s’était distingué par un combat contre une limitation à l’accès à la propriété pour les classes populaires envisagée par le Gouvernement de Charles Michel.