Politique
Rendez-vous en 2017
15.06.2007
Des mots en D et des mots en R
Toute synthèse des textes publiés dans les pages qui suivent serait impossible et d’ailleurs pas souhaitable. Ce qui éclate à la lecture c’est précisément l’extraordinaire diversité des points de vue, des approches, des styles et des positionnements. Réflexion politique à partir d’un expérience vécue et/ou d’une analyse idéologique, prisme du «je» ou du « nous» sans compter les «eux» et les «ils», proximité du local et champ du monde…Cette diversité est tout à la fois le résultat de notre volonté et le témoignage des doutes et des contradictions qui animent les gauches contemporaines. Actualité oblige, de nombreuses contributions font référence aux élections présidentielles françaises mais l’allusion est aussi symbolique de l’ampleur des remises en question qui attendent l’ensemble des gauches européennes. Les mots utilisés reviennent obsédants au fil des pages. «Doute, désarroi, désillusion, désenchantement, déclin, déconstruction, disparition mais aussi désir, décision, dénonciation : des mots en «D» qui font face à d’autres mots en «R». Ou plutôt en «Re», préfixe qui selon les linguistes implique l’insistance en dépit des doutes et des obstacles. « Rénovation, reconstruction, réinvention, refondation et aussi évidemment révolte, réforme, révolution»… pas renoncement. Tout aujourd’hui à gauche est à débattre mais dans la permanence d’une valeur toujours fondatrice de son identité — et plus que jamais remise en cause dans son concept même par le nouveau capitalisme — : l’égalité, la passion d’égalité qui traverse tous les textes qui suivent quel que soit l’angle choisi par les auteurs. Il y a un autre leitmotiv dans les interrogations qui nous assaillent tous : il porte sur les effets de la mondialisation et de la question environnementale. Données évidemment bien plus intégrées dans les tentatives d’analyse qu’il y a dix ans mais qui demeurent trop souvent à l’état de posture ou de pure (d)énonciation. Bien sûr le monde n’a pas attendu la gauche pour changer. Il nous faut prendre acte de ces changements, les intégrer dans nos débats sans pour autant les accepter pour inexorables. Enfin, dernière idée également partagée : pour que la gauche puisse changer la société il faut d’abord que la gauche change. À partir de ce constat unanime mille et un changements sont suggérés qui vont de la restauration à l’invention. La nécessité d’un débat plus large émerge de ces paroles libres, la nécessité de la politique s’impose à chaque ligne.
Un défi pour «Politique»
Si le mot n’était pas si galvaudé et le concept si instrumentalisé, on dirait que ces 51 contributions pourraient être comme les prémisses d’Etats Généraux de la gauche et soulignent le besoin d’une réflexion collective qui ne trouve pas sa place dans les structures ou organisation de tous genres. Nous ne voulions pas dans cette introduction privilégier une citation ou un texte particuliers. Admettons toute de même une exception car ces lignes concernent directement le rôle de la revue dans l’avenir. Une contribution Abraham Franssen, page 40 s’achève sur ces phrases: «Plus que de la politique, c’est l’heure du politique. Que la revue qui porte ce nom (au masculin et au féminin ?) et s’est donnée, il y a dix ans, la gauche (l’ancienne ou la nouvelle ?) comme ambition puisse y contribuer est sans doute aujourd’hui une des conditions pour que «la gauche change la société». Répondons à ces interrogations et à cet augure : oui, «Politique» au masculin et au féminin, oui, la gauche est à la fois ancienne et nouvelle, oui le sens même de la revue est de tenter de contribuer à ce double changement de la gauche et de la société. Nous n’aurions pas eu l’impudence de le formuler de cette manière mais nous en acceptons le défi avec tous ceux qui voudront bien continuer le débat, comme auteurs et comme lecteurs. Malgré nos passions impatientes les dix prochaines années ne seront pas de trop pour progresser: rendez-vous donc en 2017 pour un autre bilan.