Vie politique
Qui veut encore sauver la région bruxelloise ?
07.01.2025
Alors que les négociations pour former un gouvernement dans la capitale sont au point mort, la pression se renforce sur les partis pressentis pour former le futur attelage régional.
Les politologues belges ont pris l’habitude de souligner qu’en Belgique, les électeurs et les électrices fixent les rapports de force, mais qu’aux partis revient la décision de choisir la coalition qui montera au pouvoir. La formation d’un gouvernement fédéral pourrait être effective fin janvier. En revanche, 7 mois après les élections, la situation bruxelloise est au point mort, entre ukases et veto, dans certains cas, contre certains partenaires ou, dans d’autres, contre toute participation à des négociations.
Cas particulier à la règle énoncée précédemment, à Bruxelles, les fédérations bruxelloises des partis négocient directement, en relative indépendance des états-majors nationaux. Le blocage persistant, certains proposent de faire appel au niveau supérieur en convoquant les présidents nationaux. Ainsi, l’organisation patronale flamande VOKA, par la voix de son président, estime que « si les politiques qui ont été élus à Bruxelles ne sont pas en état de trouver un accord (…), cela doit se résoudre au niveau national, fédéral ».
Pour réussir, il n’y a généralement pas de mode d’emploi. Et quand des lignes directrices sont prévues, elles peuvent parfois générer plus de complications qu’autre chose. Il suffit d’observer la difficulté de formation de certaines majorités communales en Flandre, où le calendrier et le leadership des négociations sont désormais imposés par décret.
Dans le cas de Bruxelles, résumons en disant qu’il n’y a qu’une règle : obtenir une majorité dans les deux groupes linguistiques. Une coalition minoritaire, comme cela a été tenté au fédéral pendant la crise sanitaire, n’est donc pas envisageable. Pour constituer une majorité, peu importe qu’on prenne les partis sortis les premiers des urnes ou des partis ayant perdu des sièges suite à l’élection. Il suffit d’un accord entre différents partis pour gouverner ensemble et arrêter un programme.
Les ingrédients d’une bonne coalition
La confiance d’un partenaire se gagne. Le braquer, d’emblée ou plus tard dans le processus, est contre-productif.
Il n’y a pas de recette miracle pour former une coalition, mais on sait que quelques ingrédients sont nécessaires : la volonté d’entendre les autres et d’entrer en négociation, la capacité de mettre de l’eau dans son vin et d’arriver à un compromis, la confiance, le respect, la discrétion et le souci du développement régional. À l’inverse, les obstacles sont, dans le désordre et de manière non-exhaustive, l’individualisme, l’incapacité à se mettre à la place des autres, la politique de la chaise vide, les fuites dans la presse, ou encore la stratégie politique visant à anticiper les résultats de l’élection suivante au lieu d’assumer les problèmes actuels. La confiance d’un partenaire se gagne. Le braquer, d’emblée ou plus tard dans le processus, est contre-productif.
Évidemment, un gouvernement de plein exercice, mais bloqué en permanence ne serait pas, en termes d’effets, plus efficace que la situation actuelle d’affaires courantes et risquerait de mener à l’ingouvernabilité potentielle. Ajoutons encore qu’à Bruxelles, comme dans les autres entités fédérées belges, retourner aux urnes n’est pas – légalement – une option.
Le risque pour Bruxelles
Au-delà de l’implication des présidents de partis nationaux, il y a plus grand péril pour les Bruxellois et Bruxelloises. En effet, tout le monde s’accorde désormais à reconnaître que le mode de fonctionnement de la Région bruxelloise est lourd et fastidieux avec, notamment, l’exigence de double majorité et de représentation minimale garantie. Si le dispositif tel qu’il fonctionne aujourd’hui n’était pas à proprement parler délibéré, il a néanmoins été mûrement réfléchi pour donner des garanties suffisantes à différents acteurs et permettre en 1989, soit 9 ans après les autres Régions, aux Bruxellois et aux Bruxelloises de prendre une partie de leur destin en main. Or, modifier ces règles est tout à fait possible et ne dépend absolument pas – il faut certainement le rappeler – de la population de Bruxelles, ni même de ses mandataires politiques. Peu importe qu’il y ait un gouvernement à Bruxelles, il « suffit » d’une majorité spéciale au fédéral pour tout revoir, sans droit de véto possible pour les parlementaires de la capitale.
Le prochain danger est là : la limitation de l’autonomie de la Région.
Sans vouloir jouer les Cassandre, le prochain danger est là : la limitation de l’autonomie de la Région. Plus on rechigne à former une majorité régionale, plus on risque que désormais les choses soient directement négociées au fédéral, que ce soit au cas par cas, dans les bagages des négociateurs fédéraux, ou carrément en modifiant la loi spéciale sur les institutions bruxelloises.