Elections 2024 • Partis politiques
Quel vote à gauche pour 2024 ? (2/3) « Il faut voter PTB, par conviction et par réalisme »
27.05.2024
Pour les élections du 9 juin 2024, la revue Politique a demandé à des citoyens et citoyennes de gauche, proches de partis politiques, de défendre leur choix de vote. Pour Hugues Le Paige, les multiples crises auxquelles nous sommes confrontés appellent un choix de rupture.
L’état du monde ici et ailleurs exige un choix de rupture. Quel que soit le point de vue avec lequel on l’observe, jamais, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ce monde n’a été aussi malmené par le capitalisme prédateur. Le climat déboussolé, la montée des inégalités, le règne sans partage de la richesse, les conquêtes sociales bafouées, les migrant·es criminalisé·es, la démocratie malmenée au profit d’une extrême droite triomphante, une Europe soumise aux lobbys et à l’atlantisme et complice des massacres israéliens à Gaza et en Cisjordanie.
Voilà ce monde auquel sont confrontés les électrices et les électeurs de ce mois de juin 2024. L’heure n’est plus aux petits calculs pour savoir comment « limiter les dégâts » dans des coalitions hétéroclites comme la Vivaldi et qui sont toujours in fine contrôlées par la droite.
La question n’est plus de savoir qui aura le « courage de se salir les mains » pour sauver les débris d’un système social.
Voilà cet univers en danger de mort qui exige de nous un choix de rupture. La question n’est plus de savoir qui aura le « courage de se salir les mains » et de ne « pas rester au balcon » pour sauver les débris d’un système social que le capitalisme voudra bien abandonner après avoir détruit son sens même.
Malgré tout, des luttes se poursuivent au Nord comme au Sud. Des femmes et des hommes, des peuples refusent d’abdiquer. À côté des luttes sur le terrain, des luttes écologiques, syndicales, féministes, associatives, les scrutins du 9 juin sont le terrain de la lutte politique.
Depuis 2014, les élu·es du PTB ont fait la preuve de leur utilité et de leur capacité à agir au sein des institutions parlementaires.
Voilà pourquoi il faut voter. Et voilà pourquoi il faut voter PTB, même si, comme c’est mon cas, on ne partage pas l’ensemble de son programme. Depuis 2014, les élu·es du PTB ont fait la preuve de leur utilité et de leur capacité à agir au sein des institutions parlementaires (par leurs initiatives législatives ou leur indispensable soutien à des propositions démocratiques et progressistes) tout en menant les luttes quotidiennes et prioritaires sur le terrain.
Arithmétiquement et politiquement, pourrait se poser la question de la participation au pouvoir du parti de la gauche radicale en Wallonie et à Bruxelles ou des majorités PS-Écolo-PTB pourraient être possibles. Gouverner est certes l’objectif suprême de l’action politique, mais il s’agit moins ici d’une question de principe que de rapport de force et d’hégémonie culturelle. On ne peut que partager l’espoir du président de la FGTB, Thierry Bodson, qu’au lendemain des élections, des négociations sérieuses soient engagées entre le PS, Écolo et le PTB. Mais les positions prises par les uns et les autres durant la campagne n’augurent pas d’accords faciles ni même possibles.
Gouverner est certes l’objectif suprême de l’action politique, mais il s’agit moins ici d’une question de principe que de rapport de force et d’hégémonie culturelle.
Très logiquement, le PTB met comme conditions à sa participation au pouvoir des éléments de rupture avec les politiques précédentes. Des conditions que Le Soir ne jugeait d’ailleurs pas « extraterrestres »1. Comme, par exemple, l’abrogation de la loi de 1996, qui bloque de fait les augmentations de salaire. Réponse de Paul Magnette : « c’est juste pas possible, quel autre parti soutient cela ? » On pensait justement que le PS aurait pu « soutenir cela », comme le demandent les syndicats. On s’est trompé. Idem pour le retour à la retraite à 65 ans. De même, pas question pour les socialistes de sortir des traités européens d’austérité, alors que la France ou l’Italie n’hésitent pas à revendiquer leur déficit budgétaire qui transgresse les règles européennes. Mais Paul Magnette fixe clairement sa ligne stratégique : « Le PTB, cela ne m’intéresse pas » déclare-t-il au Soir2.
Écolo n’est pas en reste. Jean-Marc Nollet abonde dans le même sens : « Avec le PTB on perd son temps » dit le coprésident des Verts3. Rien d’étonnant quand on sait combien Ecolo refuse de sortir de la logique du marché et se trouve dans l’impossibilité de définir une réelle écologie populaire4.
Ce n’est pas par hasard non plus, que ces deux partis n’assument pas une politique de rupture quand l’occasion s’en présente. On a vu ainsi le PS et Écolo voter, avec la droite, la loi honteuse qui autorise désormais Frontex à faire la chasse aux migrant·es sur le territoire belge. Bref, les conditions d’une majorité PS-Écolo-PTB sont loin d’être réunies. D’autant que les deux premiers ne cachent pas leur préférence pour un « Olivier » avec Les Engagés. On se demande cependant ce qu’ils feront avec un président des Engagés qui refuse « des chômeurs CDI » et veut, après deux ans de pointage, les envoyer « ramasser les déchets de la société »5…
Dans la perspective d’une négociation ou dans le maintien dans l’opposition, il est essentiel de renforcer le rapport de force en faveur des candidat·es de la rupture.
On peut cependant espérer que malgré tout, en fonction des résultats, de véritables négociations auront lieu entre socialistes, écologistes et gauche radicale. Quoi qu’il en soit, dans tous les cas de figure, dans la perspective d’une négociation ou dans le maintien dans l’opposition, il est essentiel de renforcer le rapport de force en faveur des candidat·es de la rupture.
De même, il importe de consolider la gauche européenne, au moment où la droite et l’extrême droite envisagent des alliances au Parlement et alors que l’on risque une réélection (avec le soutien des socialistes et des écologistes européens ?) de la présidente de la Commission, qui s’est pourtant distinguée par sa liquidation du Green Deal, l’adoption du Pacte Migratoire inspiré par Giorgia Meloni et son soutien inconditionnel à Israël, sans oublier l’absence totale d’initiative diplomatique dans la guerre en Ukraine.
Voilà pourquoi, à tous les niveaux, le vote en faveur du PTB répond aux exigences d’une gauche véritable et aux nécessités de l’utilité en politique.