Politique
Quand « bouger » rime avec « inégalités » – Présentation
02.12.2022
Si pendant longtemps, en Belgique, le train a semblé être une alternative en matière de mobilité durable, aujourd’hui bien d’autres solutions s’offrent aux usagers et usagères et le choix se fait plus large. Il est par ailleurs certain que tout le monde ne se déplace pas de la même manière ; notre mobilité est le fruit d’inégalités qui engendrent en retour d’autres inégalités bien spécifiques : pensons par exemple à l’hyper-mobilité des nantis, à la dégradation de l’environnement qui en résulte et aux conséquences pour les plus démuni·es. « Métro-boulot-dodo ». Pour nombre de personnes, c’est ainsi que se résume la mobilité. « Moi, je suis confinée toute l’année, je me déplace uniquement pour travailler, je ne voyage pas et je n’ai pas accès aux loisirs », nous confiait récemment une mère monoparentale surendettée.
Si l’injonction à la mobilité dans une société ultra-libérale (n’est-on pas obligé·es de « se bouger », contre le risque d’être accusé·es de paresse ?) a déjà été décryptée[1. C. Mincke, B. Montulet, La société sans répit : La mobilité comme injonction, Editions de La Sorbonne, 2019.], Philippe Buchez soulignait dans un récent article[2. P. Buchez, « De la ville à la campagne, la mobilité est source d’inégalités », Politique, n° 114, décembre 2020. (En ligne.)] pour Politique que la mobilité est source d’inégalités et de questionnements sur l’exercice de la démocratie. Il faut ajouter à ce sujet qu’aussi bien la mobilité que l’environnement mobilisent différents niveaux de pouvoir dans notre pays, rendant l’évolution dans ces matières encore plus complexe.
En outre, l’analyse s’est longtemps effectuée (et le reste largement) sous l’angle de l’usage de la voiture et la possession – ou l’absence de possession – de celle-ci, et nous aborderons ce sujet plusieurs fois dans ce dossier. Au sein de la gauche, la remise en question du modèle social de la voiture individuelle pose question, c’est le cas pour des familles à revenu modeste pour lesquelles l’usage d’une voiture procure bien des utilités et signe un commencement de réussite sociale. Les vifs débats sur la fiscalité de la mobilité (où l’on observe des convergences surprenantes entre MR, PS et PTB), sur les voitures de société, vaches sacrées de ce début de XXIe siècle[3. Pourtant, les voitures de société sont fréquemment épinglées pour créer des différences entre les travailleur·euses et être un frein à la transition écologique. En Belgique, le principe de la voiture de société est une exception fiscale unique au monde pour des automobiles à usage professionnel.], tout comme sur la lutte contre les fortes émissions de particules dans l’atmosphère en sont des illustrations parmi d’autres.
Des décisions fortes ont pourtant été prises à ce sujet ces derniers mois par l’Europe concernant notre mobilité. Le Parlement européen a approuvé, malgré une farouche opposition de la droite, la proposition de réduire à zéro les émissions des automobiles neuves à partir de 2035, n’autorisant de facto que la vente de véhicules électriques, et relançant les débats sur l’électrification du parc automobile.
En attendant, le constat est là : il incombe aux pouvoirs publics de stimuler la co-existence de mobilités motorisées classiques et de mobilités douces. C’est aussi l’un des objectifs de ce numéro : nous sommes allé·es à la rencontre d’expert·es et de mouvements d’usagers et d’usagères pour expliquer les raisons de ces changements qui touchent directement à la mobilité.
Des débats sur le métro 3 à Bruxelles jusqu’à la question de l’utilisation du vélo en Wallonie, embarquez avec nous dans ce dossier qui emprunte de nombreuses routes !