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Pour une écologie vraiment populaire (3/3). Raoul Hedebouw (PTB)

Illustrations : Simpacid
Illustrations : Simpacid

Comme Paul Magnette et Marie Lecocq, Raoul Hedebouw affirme que la question écologique est une préoccupation forte de la population. Il convient cependant de situer la cause du problème. 

La question écologique est une question populaire. En effet, une majorité de la population belge est préoccupée, à raison, par la situation du climat et de l’environnement. La multiplication des événements météorologiques extrêmes ou des scandales liés aux polluants rend concrète la crise climatique et environnementale et l’urgence d’agir. Les dernières perspectives de l’ONU, qui parlent d’un réchauffement de la planète jusqu’à plus de trois degrés, sont alarmantes. Et les premiers touchés sont les travailleuses et les travailleurs, comme on l’a vu chez nous, lors des inondations en 2021 dans la vallée de la Vesdre ou plus récemment dans la région de Valence.

Avec le PTB, nous sommes aux côtés de celles et ceux qui se mobilisent pour réclamer des actions concrètes pour lutter contre le changement climatique et la pollution, tant dans des mobilisations nationales que des actions locales (pollution au plomb, à l’amiante, PFAS,…). Par contre, les politiques menées ces dernières années au nom de l’écologie – comme le Green Deal de la Commission von der Leyen – créent souvent des contradictions fortes dans les classes populaires.

Les politiques menées ces dernières années au nom de l’écologie créent souvent des contradictions fortes dans les classes populaires.

Aujourd’hui, on semble faire payer cette crise écologique systémique aux seuls travailleurs et à leurs familles. Par exemple, en rendant le fait de se chauffer, de se déplacer ou de sortir ses poubelles plus chers. Pendant ce temps, les multinationales du pétrole et du gaz, de la grande distribution ou de l’extraction minière, qui sont les vrais responsables de la dégradation de notre environnement, sont épargnées, continuent à recevoir des subsides substantiels et font des profits records.

La politique industrielle belge et européenne en matière de transition climatique est complètement inefficace. Ainsi, pour les travailleurs d’Audi, Van Hool, AGC ou Umicore, la transition climatique et écologique va de pair avec une mise en danger de leur emploi, alors qu’il n’y a pas de réelles avancées au niveau de la politique climatique.

Cette politique environnementale basée sur les logiques de marché et de taxes injustes est impopulaire.

Cette politique environnementale-là, basée sur les logiques de marché et des taxes injustes, est impopulaire. Ce rejet est souvent récupéré et instrumentalisé par les mouvements réactionnaires qui trouvent une nouvelle porte d’entrée vers les classes populaires. En Belgique ou en Europe, les partis de droite défendent une baisse des normes environnementales, voire une mise en pause de la lutte contre le changement climatique, attribuant tous les problèmes actuels à cette politique tout en mettant à l’abri les multinationales. Or, l’austérité et la casse des services publics qu’ils veulent imposer vont aggraver la crise sociale et environnementale. Pour éviter cela, il est urgent de rompre avec ces politiques et d’aller vers une écologie populaire.

Au PTB, nous pouvons partager avec Écolo et le Parti socialiste des valeurs et des combats progressistes, notamment en matière d’environnement. Des convergences peuvent et pourront se mettre en place sur plusieurs thèmes, dans et en dehors des parlements face à l’agressivité de la droite. Comme combattre les politiques antisociales et anti-écologiques au niveau local, national ou européen.

Pour avoir un mouvement populaire pour l’environnement, il nous paraît indispensable de rompre avec les politiques prises au nom de l’environnement qui touchent les travailleurs et leurs familles avec des mesures impopulaires et inefficaces.

Mais nous avons parfois des divergences sur la manière de mener le combat environnemental pour qu’il soit porté et soutenu par les classes populaires. Pour avoir un mouvement populaire pour l’environnement, il nous paraît indispensable de rompre avec les politiques prises au nom de l’environnement qui touchent les travailleurs et leurs familles avec des mesures impopulaires et inefficaces.

J’aimerais prendre un exemple concret. PS et Écolo ont voté pour l’extension du marché européen du carbone aux carburants, au gaz et au mazout au Parlement européen. À partir de 2027, la majorité des familles risque donc de payer plus cher pour se chauffer ou se déplacer, souvent sans pouvoir se permettre une alternative. C’est une taxe carbone qui ne dit pas son nom.

Si on veut se passer des énergies fossiles et des monopoles qui en tirent profit, c’est en reprenant notre production énergétique de leurs mains et en rompant avec le marché de l’énergie, qui a prouvé son inefficacité au cours des dernières années, que nous y arriverons. C’est aussi en investissant publiquement dans des alternatives. Certainement pas en faisant payer plus cher celles et ceux qui n’ont pas les moyens de s’en passer individuellement. Est-ce que les autres partis de gauche sont prêts à nous suivre sur cette voie, pour s’attaquer aux causes et pas aux conséquences ?

Des convergences peuvent et pourront se mettre en place.

Pour mon parti, la politique écologique doit être populaire, portée par la classe travailleuse, contre le trio austérité, marché et taxes injustes. Ce n’est pas un slogan, mais une ambition concrète. Cela veut dire des investissements publics dans des transports en commun et la rénovation des bâtiments. Ces mesures ont prouvé leur efficacité et leur popularité. Au Luxembourg, les transports publics gratuits et réinvestis attirent 40 % de voyageurs en plus et c’est la même chose pour les trains de nuits publics autrichiens. L’Allemagne et sa banque publique d’investissement, qui prend en charge les travaux d’isolation, ou Vienne et son parc public de logements, montrent le succès de la rénovation du bâti, rue par rue, quartier par quartier.

Ensuite, une écologie populaire exige une reprise en main publique du secteur énergétique. Investir publiquement dans la production, la distribution et le stockage d’énergie et reprendre le contrôle des prix pour ne plus laisser les Engie ou Total dicter notre politique et développer une énergie abordable et écologique, indispensable pour les familles et pour donner un avenir à l’industrie.

Investir publiquement dans les technologies et infrastructures de demain et fixer le cap de la transformation de la production.

En parallèle, nous voulons un pilotage public de la transition industrielle qui garantit le maintien de l’emploi et de la production. Investir publiquement dans les technologies et infrastructures de demain et fixer le cap de la transformation de la production pour que des situations comme celle d’Audi Forest (qui produit des voitures électriques) ou Van Hool (qui avait la technologie de produire des bus à hydrogène) ne se produisent plus.

Enfin, le partage des technologies vertes avec les pays du Sud est essentiel, en contradiction avec les politiques néo-impérialistes, comme on le voit par exemple dans l’importation de l’hydrogène produite dans le Sud.

C’est en prenant cette voie, en rompant avec les politiques inefficaces écologiquement et injustes socialement, que nous pourrons rendre le combat environnemental populaire.