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Pour une écologie vraiment populaire (2/3). Marie Lecocq (Ecolo)

Illustrations : Simpacid
Illustrations : Simpacid

Si Marie Lecocq déplore les résultats de son parti aux dernières élections, la coprésidente souligne la nécessité d’un changement de normes et de comportements face au « défi du siècle ». Encore faut-il, selon elle, les accompagner et les rendre possibles.

Écolo a connu sa pire défaite électorale au mois de juin. C’est un fait, et c’est à partir de là que (re)commence notre chemin en tant que parti. Faut-il pour autant mélanger destin d’un parti politique, et analyse sociale de la popularité d’une pensée, voire d’une pratique ? Parle-t-on ici de l’écologie telle que la grande majorité des parents l’enseigne à leurs enfants ? Fermer le robinet en se brossant les dents, ou éteindre la lumière en quittant une pièce sont des gestes que l’on pourrait qualifier d’« écologistes » et qui sont particulièrement populaires, fort présents dans nos quotidiens. Indépendamment de leur impact sur des dynamiques plus larges ou de la nécessité d’un changement plus structurel, il faut reconnaître que ces gestes ne sont pas motivés uniquement par un souci d’économie.

S’il est facile d’identifier que lors des dernières élections, Écolo ne fut pas un choix populaire, on ne peut que constater que les questions écologiques le sont particulièrement.

Les questions environnementales sont partout autour de nous, les conséquences du dérèglement climatique se donnent à lire dans chaque journal, les catastrophes naturelles s’enchaînent à la télévision. Les citoyennes et citoyens nous parlent de leurs craintes face aux risques d’inondations qui menacent les albums photos rangés dans leurs caves, de l’explosion des maladies respiratoires dans les quartiers denses, et de ces pommes et ces tomates qui n’ont décidément plus le même goût qu’avant.

S’il est facile d’identifier que lors des dernières élections, Écolo ne fut pas un choix populaire, on ne peut que constater que les questions écologiques sont quant à elles particulièrement populaires et déjà ancrées dans nos quotidiens. Plusieurs enquêtes d’opinion placent d’ailleurs l’écologie dans le top 3 des priorités des Belges. À partir de cette adhésion individuelle à l’écologie, il est urgent de (re) faire éclore la politisation des questions écologiques. En d’autres mots, nous devons réussir à en faire des enjeux collectifs où des rapports de force se lisent et s’expriment. Nous ne sommes ni tous responsables, ni tous victimes de la même manière. Et pour ça, nous avons besoin de l’ensemble de la gauche.

Qu’importe le battement de cil participationniste de l’un, éco-socialiste de l’autre, nous peinons depuis de nombreuses années à voir comment le PTB et le PS quittent leur productivisme fondateur pour intégrer dans leur logiciel, comme dans leurs pratiques – et politiques publiques dans le cas du PS , la question environnementale comme l’un des facteurs majeurs d’inégalités entre les humains. Ce faisant, en invisibilisant ces risques et conséquences déjà présentes qui visent prioritairement les plus vulnérables, ils empêchent la transformation sociale environnementale.

Nous peinons à voir comment le PTB et le PS quittent leur productivisme fondateur pour intégrer la question environnementale.

Une phrase entendue à de nombreuses reprises reste dramatiquement vraie pour décrire les politiques menées par les exécutifs : « Sans les écologistes, pas d’écologie. » Il y a certes les programmes électoraux, mais l’analyse des positionnements doit aussi se faire sur leur mise en actes. Quelle que soit la raison (élections trop proches ? budget pas suffisant ?), les propositions intégrant l’écologie en leur cœur sont, au mieux, périphériques. Or, face à l’hégémonie d’une pensée qui nous mène à l’extinction, ne pas en faire une priorité, c’est assurer des reculs.

D’autre part, il n’existe pas d’alliance plus brillante que celle de l’ensemble du spectre politique – gauche et droite rassemblées dans une union sacrée – vent debout pour dénoncer la moindre virgule environnementaliste. C’est particulièrement parlant en matière d’aménagement du territoire en zone urbaine. Un exemple : lorsque socialistes et communistes s’entendent avec la droite pour hurler aux démons contre l’ouverture d’une bande de bus ou la suppression de quelques places de parking, doit-on comprendre que la propriété privée d’un véhicule individuel déposé sur la voie publique collective peut (et doit) contraindre les solutions collectives de mobilité ?

Il n’existe pas d’alliance plus brillante que celle de l’ensemble du spectre politique vent debout pour dénoncer la moindre virgule environnementaliste.

Alors, nous diront-ils, il s’agirait d’une question de temps et de priorité, et il faudrait d’abord résoudre les inégalités en capital économique. Chiche ! À quand une position forte du PS sur l’aberration économique, sociale, territoriale et environnementale que sont les voitures de société par exemple ? Face à un monde qui vit de plus en plus les conséquences dramatiques du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, le combat culturel que les écologistes mènent doit être porté par la gauche entière. Il faut d’urgence cesser de nier l’importance vitale des politiques écologistes à des fins court-termistes et électoralistes. À la fin, c’est la droite qui gagne. Participons ensemble, chacun dans nos singularités progressistes, à redessiner ce qui est vraiment punitif et ce qui est vital pour les gens.

Écolo se bat pour un monde plus vert et plus juste, une écologie populaire qui répond aux besoins du quotidien, pour les générations présentes et futures. Notre écologie politique ne se contente pas de faire face aux enjeux environnementaux et climatiques, elle trace les lignes d’une société démocratique vivante, égalitaire et pleine d’espoirs. Ce qui met aujourd’hui l’écologie politique en tension, c’est l’ampleur et l’urgence des mesures à mettre en œuvre. La mobilisation massive de moyens publics sera nécessaire, mais pas suffisante, pour répondre à ce défi du siècle. Des changements de normes et de comportements majeurs seront également nécessaires, et c’est ici que le chemin se complique. Si nous ne prenons pas en compte que ces transformations impacteront de manière inégalitaire les uns et les autres, nous courrons à la faute et à l’échec.

Participons ensemble, chacun dans nos singularités progressistes, à redessiner ce qui est vraiment punitif et ce qui est vital pour les gens.

Au contraire, nous avons besoin d’un réel État social-écologiste. Seuls des services publics forts et une société civile ancrée et propositionnelle peuvent apporter une réponse collective et concrète aux besoins vitaux des gens : un travail de qualité, une alimentation saine, un logement confortable. Justice fiscale et investissements massifs sont les clefs de voûte du système de protection sur lequel repose notre écologie populaire. De nouvelles menaces apparaissent, de nouveaux droits, ceux qui permettent et protègent, doivent émerger.