Politique
Police et citoyenneté
24.12.2021
Il nous a fallu bien du temps pour connaître l’existence et la compétence des conseils de police, et surtout pour apprendre que leurs séances étaient publiques alors même qu’il était très difficile de savoir quand et où
elles avaient lieu. En fait, les conseils de police concernent une zone de police qui regroupe souvent plusieurs communes. Dans la Région bruxelloise, il y en a six et celle de Schaerbeek regroupe encore les communes d’Evere et de Saint-Josse-ten-Noode, soit environ 200 000 habitant·es. Le conseil de police rassemble un certain nombre de conseiller·es délégué·es par les conseils communaux (Schaerbeek en avait 17, Evere 5 et Saint-Josse-ten-Noode 3) chargé·es de gérer la zone de police concernée : elle traite des affaires générales, des finances (comptes et budgets), des marchés publics et du personnel.
Les séances sont préparées par un collège restreint comprenant notamment les bourgmestres et le chef de corps de la zone de police. Elles connaissent à Schaerbeek deux commissions dont font théoriquement partie tous·tes les conseiller·es : une commission générale (qui ne se réunit pratiquement jamais) et une commission financière (qui prépare l’examen des comptes).
En pratique, un intérêt fort réduit…
Démocratie schaerbeekoise a été présente au conseil de police pendant une dizaine d’années (de 2009 à 2019) et constituait le plus souvent le seul public en tant que représentant de la « presse libre et non subventionnée » selon les dires du bourgmestre de Schaerbeek. Il faut savoir que, au conseil de police, les interpellations citoyennes ne sont pas autorisées, de sorte que seul·es les conseiller·es peuvent relayer des préoccupations de la population et que la publicité qui en serait faite dépend des relais éventuels des médias, mais qui le sait ?
Ce qui m’a frappé les premières fois que j’ai assisté aux séances du conseil, c’est leur brièveté, surtout s’il n’y avait pas d’interpellation. En une demi-heure, l’affaire était bouclée : les points à l’ordre du jour défilaient à la vitesse de l’éclair d’autant plus qu’ils n’étaient guère explicités et suscitaient donc peu de commentaires. Qui plus est, les votes des différents points étaient regroupés en fin de séance et étaient généralement acquis à l’unanimité des membres présents : ceci peut s’expliquer par le fait que les différents partis étaient représentés dans la majorité d’au moins une des communes concernées et comme tout cela était déjà bien ficelé au niveau du collège, on ne voyait pas d’où pourrait venir l’opposition. Même s’il y avait quelques réflexions critiques, tout rentrait dans l’ordre au moment du vote. Ce dont le président du conseil était très fier !
… et pourtant !
Avec le temps, et peut-être la pression de Démocratie schaerbeekoise, certaines choses ont changé. Un premier détail, c’est que la date de la séance du conseil a parfois été affichée quelques jours à l’avance ainsi qu’un très bref rapport de celle-ci. Lors d’une assemblée de Démocratie schaerbeekoise, l’attention de certain·es conseiller·es a été attirée sur l’intérêt de relayer au conseil les préoccupations, conseils ou suggestions de citoyen·nes et de rendre publiques les réponses apportées par le collège. C’est ainsi qu’ont pu être abordées des questions relatives à la sécurité routière, à certaines interventions musclées de la police ou encore la suite à donner à des agressions ou à des cambriolages à répétition.
Notons à cet égard que les réponses apportées par le chef de corps étaient souvent précises et complètes. Certaines initiatives ont donné lieu à des débats plus développés, notamment à propos de l’acquisition de nombreuses caméras de surveillance (pour surveiller quoi et où ?) et surtout à des questions plus gênantes relatives au retard apporté à l’approbation de comptes annuels suite à la « découverte » de graves anomalies comptables remontant parfois à plusieurs années.
Enfin, à partir de 2016, l’habitude a été prise de commencer la séance par un exposé thématique complet et bien documenté. Ont ainsi été abordés le fonctionnement général de la zone, les initiatives prises en matière de radicalisation, l’analyse stratégique permettant d’élaborer un programme d’actions, le déploiement et l’utilisation des caméras de surveillance… Tout cela a eu pour effet de prolonger sensiblement la durée des conseils de police. Il a été suggéré dans ce cadre de procéder aussi à un exposé relatif aux finances, mais il a été répondu que cela était abordé en commission et que ceulles qui étaient intéressé·es auraient pu y assister.Dernier changement depuis le début de la dernière législature (2019) : la participation d’un conseiller et d’une conseillère PTB dont le parti ne participe à la majorité d’aucune commune et qui se sentaient plus libres de déroger à la bienheureuse unanimité, d’où l’espoir de voir se développer davantage de débats au sein du conseil ?
Transparence et vigilance
Il n’en reste pas moins vrai que la présence de Démocratie schaerbeekoise au conseil de police constituait en quelque
sorte les yeux et les oreilles de la population, surtout si l’information recueillie pouvait être répercutée quelque part. Cela pouvait aussi encourager les conseiller·es à prendre leur rôle au sérieux en se faisant les relais des préoccupations de la population. De plus, la présence fidèle aux séances du conseil permettait de mieux connaitre les conseiller·es, d’être reconnu·e par les administratifs, de recevoir des documents pouvant nous intéresser : budget de la zone, note annuelle de politique générale…
Cela nous permettait aussi d’avoir une meilleure vue de la façon dont se déterminaient les priorités, la coopération avec les autres zones de la région, l’intérêt d’une fusion totale ou partielle des six zones bruxelloises, les tensions avec le niveau fédéral (dotations, suivi de la justice…). Comme quoi, la transparence et la vigilance sont les mamelles de la démocratie car celle-ci « ne s’use que si on ne s’en sert pas » mais qui pourra remplacer Démocratie schaerbeekoise à cet égard ?