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Plus d’égalité et de démocratie (conclusion et glossaire)

Comment faut-il imaginer l’avenir du travail culturel ? Ce dossier, sans prétendre répondre définitivement à la question, propose des pistes et explore des réponses. Certes, la pandémie et les confinements ont secoué le secteur et ont renforcé des tendances, en particulier celle de la précarisation, déjà bien présentes. Certes, il est devenu évident que l’influence d’un certain imaginaire managérial et marchand est devenu dominant dans le chef de la classe politique. « Moins essentiel » que le commerce, la culture a été traitée, et l’est toujours, comme un dossier tertiaire ; comme un secteur qui ne mérite pas qu’on le caractérise à part entière et qu’on l’autonomise de l’industrie des services.

Mais on a aussi pu lire dans les pages précédentes toute la détermination des travailleurs et des travailleuses de la culture. Celles et ceux qui la font au jour le jour n’ont pas perdu la foi – l’assurance que leur travail a un sens, au contraire essentiel, et qu’il mérite d’être défendu et respecté. Ainsi, il y a eu des occupations, des mouvements, des groupes, des fédérations… Face à l’adversité et à l’arbitraire politique, des liens et des espaces communs ont été créés ; des rapports de force réengagés. Les terrains n’ont pas été abandonnés et malgré la distanciation, le « contact » a été réinventé pour ne pas être perdu.

Paradoxalement, les restrictions sanitaires ont été l’occasion de relancer le débat autour de plusieurs sujets sensibles comme le statut des artistes. On a pu lire que si des avancées ont été obtenues, elles ne satisfont pas encore l’entièreté du secteur qui espère faire pencher la balance encore un peu plus lors de la reprise des travaux parlementaires. Mais on peut croire que ces discussions et, d’une manière générale, la repolitisation à laquelle on assiste au sein du champ culturel va être l’occasion pour les partis de gauche d’échanger et, rêvons, d’avancer ensemble vers des solutions favorables aux travailleur·euses ? Que les syndicats profiteront aussi de cette dynamique pour mieux embrasser la spécificité du secteur et ainsi mieux le représenter.

Si on tourne le regard vers l’avenir, il faut alors penser aux réformes nécessaires. À celle de l’inclusivité, pour que des politiques véritablement ambitieuses favorisent la juste répartition des postes, notamment des plus élevés, aux femmes et à toutes les personnes spoliées ou discriminées. À celle, plus générale, qui devrait lutter contre la précarité galopante et inverser la pente qui voit l’État se désinvestir de plus en plus et pousser les structures vers l’auto-financement et le mécénat. À celle, plus culturelle que politique, de diffuser et de faire sentir le besoin de culture, de cultures diverses, démocratiques, ouvertes à tous·tes et essentielles.

Ce dossier ébauche surtout deux grands chantiers de réflexions et d’actions. Le premier concerne justement la nature du travail culturel et les inégalités parfois violentes entre certaines activités ou au sein d’une même activité. Il existe un gouffre entre la « grande » culture et les cultures populaires, gouffre qui s’élargit encore quand la culture dans son ensemble est dépréciée et réduite à un rôle purement distractif. Le travail culturel, comme tout travail, est régi par des rapports de force et de classe ; une étude la plus exhaustive possible de ceux-ci et de la particularité du secteur culturel manque et permettrait aussi de mieux comprendre les rapports de solidarité (ou de manque de solidarité) en son sein.

Le second chantier est celui du rôle démocratique de la culture. Ici, qu’elle soit « grande » ou populaire, ancrée dans un territoire ou itinérante, elle remplit toujours une fonction fondamentale dans la construction et la reproduction de la démocratie. Il ne s’agit pas seulement de la considérer comme une forme d’éducation (permanente) mais aussi comme un laboratoire où se coconstruit la représentation du monde et de soi ; donc, aussi, des rapports politiques, des rapports d’égalité… des rapports démocratiques. « Moins essentielle » que la bonne marche de l’économie, elle nous semble au contraire tout à fait essentielle quand il s’agit de donner aux citoyen·nes des espaces de discussions, de réflexions, de débats, de formations et, surtout, de réalisations individuelles et collectives.

Politique ne manquera pas de suivre et de s’investir avec celles et ceux qui vont défricher ces terrains. Parce qu’au-delà des politiques de la culture, la politique est aussi une culture, qui peut être démocratique, autoritaire, émancipatrice ou dominatrice. Le travail culturel est aussi un travail politique même s’il est souvent loin, très loin, de ses formes les plus institutionnelles ou bureaucratiques. Il faut croire que la crise actuelle, loin d’être un chant du cygne, se révélera plutôt un grand moment de revitalisation, de nouvelles luttes et de nouvelles promesses.


Glossaire – Qui est qui ?

Il ne vous aura pas échappé à la lecture de ce dossier que le secteur du travail culturel est un domaine complexe dans lequel entrent en jeu de multiples acteurs, notamment institutionnels. Pour s’y retrouver, nous vous présentons certains d’entre eux.

Le Conseil national du travail (CNT) est un organe interprofessionnel national et paritaire, c’est-à-dire composé à part égale de membres mandatés par les organisations des travailleurs et des employeurs. Il adresse les avis des interlocuteurs sociaux tant à l’intention du gouvernement que du Parlement. Ces avis peuvent être émis d’initiative ou à la suite de saisines officielles. Le Conseil national du travail peut également conclure des conventions collectives de travail pour l’ensemble de l’économie ou pour un des secteurs d’activités économiques.

Les commissions paritaires sont des organes institués au niveau des différentes branches d’activités économiques. Elles forment un lieu de négociations sociales composé de représentants du patronat et de représentants d’organisations syndicales à nombre égal.

La commission Artistes (Artist@work) a été instituée en 2002. Hébergée au sein du SPF Sécurité sociale, la commission délivre la carte artiste, le visa artiste et la déclaration d’activité indépendante aux artistes qui en font la demande, après examen de leur dossier. Elle donne également des avis sur les projets de lois ou d’arrêtés qui lui sont soumis. La commission se compose d’une chambre francophone et d’une chambre néerlandophone, avec un seul président bilingue. L’analyse des dossiers est répartie par rôle linguistique.

Les bureaux sociaux pour artistes (BSA) sont majoritairement des bureaux d’intérim avec une licence spéciale qui leur permet d’intervenir pour accompagner des artistes. Ils font alors fonction d’employeur. Il en existe une dizaine en Belgique.

« Working in the Arts (Wita) » est une plateforme digitale qui facilite et soutient la consultation du secteur culturel depuis 2020. Le projet est initié par le gouvernement en vue de réformer et d’améliorer le statut des artistes. En collaboration avec les cellules politiques emploi, affaires sociales et indépendants, c’est le SPF Sécurité sociale qui la gère.


De quel statut parle-t-on ?

Le statut (social) de l’artiste désigne les dérogations et assouplissements qui tentent de tenir compte de conditions de travail souvent précaires et fluctuantes des travailleuses et travailleurs du secteur. La commission Artistes est la structure d’accompagnement et l’organe régulateur du statut des artistes. Ce statut est en cours de réforme.

L’article 1bis du statut (social) de l’artiste est un aménagement prévu par la loi permettant aux artistes qui travaillent à la commande d’être considérés comme salariés même si toutes les conditions du contrat de travail ne sont pas remplies. Pour pouvoir faire application du régime « 1bis », il faut au préalable demander un « visa artiste » auprès de la commission Artistes.