Politique
Penser la place politique des images
21.10.2011
Si Marc Augé a mené une brillante carrière d’anthropologue sur le terrain africain, il a aussi privilégié l’observation de notre société (Paris, le métro, la mort de Lady Di et les médias) et de notre monde de l’information et de la communication. « Je suis devenu mon propre indigène », aime-t-il à dire. Et à la question sur l’existence de deux formes de récits : ceux d’auteurs où l’auteur dit qu’il est là et ceux de nos récits médiatiques assujettis au réel (ou prétendu tel), Marc Augé rappelle cette exigence fondamentale d’être « amené sur cet exemple des écritures médiatiques à comprendre que l’analyse des faits et celles des écritures qui en rendent compte sont indissociables. Cette liaison entre l’événement dont on rend compte et la manière dont on en rend compte est évidente dans l’image, et elle l’est sans doute dans l’écriture ». C’est bien précisément parce que la plupart des acteurs des médias ne se posent pas cette question – volontairement ou non – que l’on assiste à toutes les dérives de l’information contemporaine. De son côté, Georges Didi-Huberman insiste sur la notion essentielle, elle aussi, de montage en tant qu’il produit « un effet sur notre connaissance : les rapprochements d’images, si différentes soient-elles, produisent (cependant) une modification, une ouverture de notre regard. Ce sont les montages sensibles qui servent souvent à poser de nouvelles questions d’intelligibilité. On s’aperçoit qu’ils ne le font jamais mieux que lorsqu’ils parviennent à composer un rythme particulier et à nous montrer à l’œuvre les “battements vitaux” – les rythmes anthropologiques – du monde des images ». Et Georges Didi-Huberman d’ajouter ce qui pourrait être la forte conclusion de ce petit ouvrage : « L’entreprise de l’historien des images, aussi modeste soit-elle – car les images ne sont que des vestiges de l’histoire, traces, symptômes –, s’apparente donc, non seulement à une archéologie, puisqu’elle désenfouit ce que la représentation médiatique tend à recouvrir, mais encore à une prise de position Voir aussi à ce sujet G. Didi-Huberman, Quand les images prennent position, L’œil de l’histoire, 1, Paris, Paradoxe, Les Éditions de Minuit, 2009 critique visant à faire lever une mémoire dans l’actualité ou une actualité dans l’histoire. C’est en effet, ajoute Didi-Huberman, ce qu’on pourrait appeler le caractère intempestif de toute analyse conséquente des images ». Autant de réflexions et d’analyses, en cette courte centaine de pages, qui sont indispensables pour nous garder des images, pour en garder d’autres et nous aider ainsi à façonner notre vision du monde.