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Négociations fédérales : une supernote pour les super riches
29.10.2024
Avec sa proposition de supprimer purement et simplement la tranche supérieure d’impôt sur le revenu de 50%, le président de la N-VA donne surtout un cadeau fiscal aux plus aisés – ainsi qu’au MR, qui est demandeur d’une telle mesure. Une proposition à contre-courant de l’idée de justice fiscale, qui creuserait le déficit public de 9 milliards d’euros supplémentaires. Décryptage par Julien Desiderio, chargé de plaidoyer sur les questions de justice fiscale et d’inégalités pour Oxfam Belgique.
Dans sa note de négociation, De Wever justifie la suppression de la tranche d’imposition de 50 % en affirmant que personne ne devrait payer plus de la moitié de son salaire en impôt. Si cette affirmation semble à première vue évidente, elle repose sur une interprétation fallacieuse du fonctionnement de l’impôt progressif.
Rappelons d’abord qu’historiquement, les taux supérieurs de l’impôt sur le revenu n’ont pas toujours avoisiné les 50 %. Avant les années 1980, des taux d’imposition avoisinant les 90% étaient appliqués sur les plus hauts revenus aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni.
Est-ce que cela signifie que l’ensemble du revenu était taxé à 90% ? Bien sûr que non. Car le taux supérieur s’applique sur une fraction du revenu, à partir d’un certain seuil. Il en est de même pour le taux de 50% en Belgique. Le taux de 50% s’applique sur le premier euro qui dépasse le seuil de 48 320 euros brut annuel. Le véritable problème est que le seuil est atteint trop rapidement. On commence donc à être taxé au taux de 50% autour du revenu médian. Pour rappel, en 2004, la Belgique supprimait déjà le taux de 55% de son système fiscal.
Avec la suppression de la tranche supérieure d’imposition, les 10 % des plus hauts salaires gagneraient environ 2 400 euros de plus par an.
Quelle serait pourtant la conséquence, pour le portefeuille des Belges, de la réforme fiscale de De Wever ? Selon Matthias Somers, économiste au think tank Minerva, cette réforme offrirait un gain annuel de 660 euros par an pour un travailleur à temps plein avec un revenu inférieur ou égal au salaire médian. Cependant, cela ne serait pas lié à la suppression du taux de 50 % mais au relèvement de la quotité exemptée d’impôt.
Selon Somers, grâce à la suppression de la tranche supérieure d’imposition, les 10 % des plus hauts salaires gagneraient environ 2 400 euros par an. Près de quatre fois le gain des plus pauvres. Les 5 % des plus hauts salaires verront un gain de près de 3 000 euros par an, soit cinq fois plus que les travailleurs au salaire médian.
Plus le salaire est élevé, plus le bénéfice augmente
Quelqu’un au salaire médian verra ainsi son revenu net après impôt augmenter de 2%. Mais aucun groupe ne verra son revenu après impôts augmenter plus fortement que les 10% des plus hauts revenus (avec plus de 5% d’augmentation pour les 5% des plus hauts revenus).
Parmi les principaux gagnants d’une telle réforme fiscale, on retrouvera vraisemblablement les présidents de parti de la coalition Arizona, dont les revenus annuels dépassent les 100 000 euros.
Typiquement, il s’agit donc d’une mesure fiscale régressive. L’addition pour les pouvoirs publics est estimée par Somers à 9 milliards d’euros. Une opération dont les plus hauts salaires seraient de loin les principaux bénéficiaires. On notera d’ailleurs que, parmi les principaux gagnants d’une telle réforme fiscale, on retrouvera vraisemblablement les présidents de parti de la coalition Arizona dont les revenus annuels dépassent les 100 000 euros. Les conseilleurs seront donc vraisemblablement les encaisseurs. Est-ce justifiable alors que le déficit budgétaire est déjà important ?
De plus, supprimer la tranche d’imposition de 50% ferait que la nouvelle tranche d’imposition la plus élevée s’appliquerait à 95% des travailleurs et travailleuses à temps plein. Ce qui ne ferait que renforcer l’idée selon laquelle les impôts payés en Belgique sont trop élevés.
(Un)tax the rich ?
Si l’objectif d’une réforme fiscale est de mettre plus de gens au travail en rendant le travail plus « attractif », on n’y est pas du tout. Cette opération s’avère inutile, étant donné que la majorité des ressources de cette coûteuse réduction d’impôts est fixée sur les plus hauts revenus.
Les bas salaires bénéficieraient le moins de la réforme. On créerait donc un déficit budgétaire supplémentaire, impossible à financer, pour offrir un cadeau fiscal, destiné surtout aux plus hauts revenus.
En fait, le problème n’est pas la tranche de 50% mais le fait qu’elle s’applique trop vite. Il serait plus sérieux de conserver les taux, de relever la quotité exemptée et d’élargir les tranches pour rendre le système fiscal plus progressif sans générer des milliards de déficit supplémentaires.