Fin avril, des membres du mouvement VEGA ont annoncé la création, avec d’anciens du Mouvement de Gauche, de Demain, un mouvement écosocialiste et de gauche radicale. Des assemblées auront lieu dans plusieurs villes, une rencontre s’est tenue en mai à Liège.

Début mai, François Schreuer, conseiller communal de VEGA (la coopérative politique liégeoise créé en 2012, pas le mouvement fédéral VEGA) diffusait une lettre ouverte actant du silence d’ECOLO Liège face à la proposition de la coopérative de constituer une liste citoyenne pour les élections communales de 2018. Les tensions entre la coopérative VEGA et le mouvement VEGA mériteraient une analyse à elles-seules, mais entre conflits de personnes et égos surdimensionnés, il est préférable que certaines luttes intestines restent localisées.

3ème acte. Fin mai, ECOLO Liège annonce le lancement d’un mouvement éco-citoyen pour constituer une liste pour octobre 2018. S’inspirant de Grenoble et Barcelone, les écologistes liégeois espèrent les mêmes résultats et invitent les citoyen-e-s à se mobiliser et à les rejoindre autour d’un manifeste, même s’ils sont membres d’un autre parti (ou coopérative ou mouvement politique).

Trois actes, trois mouvements revendiquant une forte dimension écologiste et susceptibles de présenter des listes électorales à Liège en octobre 2018, à charge pour les électeurs de saisir les nuances fort probablement anecdotiques entre les trois (surtout en regard des programmes précédents de leur structure cousine aux élections communales, régionales et/ou fédérales de 2012 et 2014). Les élections présidentielles et législatives françaises ayant démontré de manière parfois brutale les effets de la dispersion des voix, en particulier sur les partis de gauche et écologistes, une analyse sur cet aspect est inutile. Mais cette multiplication citoyenno-écologiste a d’autres conséquences, pas tant sur le petit microcosme politique écologiste liégeois, mais plutôt sur deux préceptes écologistes : la personnalisation et le renouveau démocratique.

Personnalisation

Les écologistes belges revendiquent leur attachement au principe « on vote pour un programme ». L’un-e ou l’autre édile a bien dépassé ce principe, mais, dans l’ensemble, ils privilégient le programme, à tel point qu’il est souvent difficile de citer le nom des conseillers communaux, des députés voire même parfois des co-présidents. Lors des campagnes électorales, les affiches et tracts personnels sont limités et les dépenses sont collégiales et équitablement réparties. Ce n’est donc pas un principe anecdotique mais une valeur importante. La coopérative VEGA s’est elle aussi lancée en respectant ce principe collectif, en tout cas dans les mots. Ce choix de non-personnification a souvent fait du tort. L’électorat cherche à s’identifier à des personnes et les médias préfèrent les candidat-e-s connu-e-s qui attireront un peu plus les auditeurs ou susciteront la polémique. Considérant que les programmes de ces trois partis risquent d’être fort proches et que le panachage de voix est interdit, la sélection pour les adeptes de l’écologie politique à Liège risque de se faire à la tête du client. Qui aura la meilleure tête ? Qui est connu et qui sera en tête de liste ? Le défi consiste alors principalement à se démarquer en fonction de candidats bénéficiant d’une aura même petite et/ou présentant un profil original.

Pour permettre à l’électorat de comprendre les différences entre les trois projets, les candidat-e-s vont probablement consacrer un temps important à se différencier de leurs concurrents directs. Parce que, soyons honnête, même si les critiques des uns envers les autres sont compréhensibles, ce sont avant tout des problèmes personnels, des inimitiés et beaucoup d’égo qui empêchent ces personnes de travailler ensemble. Au jeu de qui est le plus vert, le PTB pourrait être le grand gagnant, même s’il n’a pas joué.

Renouveau démocratique

A côté de ce danger de la personnalisation, les trois mouvements ont, à un moment ou à un autre, revendiqué leur envie de renouveler la classe politique et de faire souffler un vent nouveau. Aux dires de certains, les citoyens se mobiliseraient plus et seraient davantage demandeurs de participation et de construction de la société.

La campagne présidentielle française a montré que cette assertion à une plus grande participation n’est pas évidente. Macron et Mélenchon ont revêtit l’habit d’homme providentiel de manière plus ou moins assumée et ont attiré l’électorat, notamment jeune, en misant avant tout sur leur personne. Les références à De Gaulle, Giscard d’Estaing et Mitterrand ont été légion tout au long de la campagne. La victoire de Macron correspond à un renouvellement de la classe politique, dans un positionnement hors-parti. Trump, tout comme Fillon, ont aussi joué cette carte hors-système, avec des conséquences variées. Une grande partie des candidats de la République En marche pour les élections législatives françaises des 11 et 18 juin sont des néophytes de la politique, en tout cas dans la présentation et le gouvernement est composé principalement de personnalités n’ayant jamais occupé de fonctions ministérielles précédemment. Etc. Etc. Etc.

La question à se poser est alors : qu’entendons-nous par renouveau démocratique ? S’il s’agit de renouveler les têtes et de remplacer des élus identiques depuis plusieurs législatures et cumulant les mandats, il y a des chances que ces trois mouvements présentent de la nouveauté. Mais c’est une approche très restrictive et très macronienne du renouveau démocratique. Les ministres et candidats d’En Marche sont souvent nouveaux, mais ils sont majoritairement issus des mêmes cercles de pouvoir. Ils sont passés par les mêmes écoles élitistes françaises et représentent la « France qui gagne », celle de la méritocratie, l’analyse des candidatures montrant une forte représentation du patronat, mais très peu d’employés et pratiquement aucun ouvrier, chômeur, allocataires sociaux/ales. Cette partie de la France qui, aujourd’hui, souffre peu des coupes budgétaires, de la politique de l’offre, de la Loi travail, des crises sociales et de l’état d’urgence. On ne peut pas vraiment dire non plus que ces nouveaux candidats souffrent d’un déficit de représentativité dans les assemblées et les conseils communaux, régionaux, départementaux… ou qu’ils sont incapables de faire entendre leur voix par les outils démocratiques existants. Mais les visages ont changé, l’honneur est sauf.

Cependant, on peut espérer que ces mouvements émergeant à Liège sont plus ambitieux et qu’ils veulent présenter des candidats qui ne parviennent pas à faire entendre leur voix. VEGA avait tenté de présenter, sans succès en 2012, une liste plus hétérogène qui ne soit pas constituée de personnes bénéficiant d’un capital social et/ou culturel élevés ou issues d’une classe moyenne intellectualisée. Il reste à ces trois mouvements 18 mois pour prouver qu’ils sont plus ambitieux que lors des élections précédentes, plus ambitieux que les premiers articles le laissent croire, sinon les populations qui ne sentent qu’exceptionnellement touchées par les discours écologistes choisiront de se tourner vers des partis plus enclins à tenir compte de leur situation de demain, mais aussi d’aujourd’hui.

Heureusement pour tout le monde, le vote est obligatoire en Belgique !