Politique
Molenbeek dans la tourmente
06.09.2012
La figure de Philippe Moureaux
Sur le plan politique, Molenbeek s’identifie avec la figure de celui qui la dirige depuis plus de vingt ans : le bourgmestre Philippe Moureaux, par ailleurs ministre d’État, sénateur et icône du Parti socialiste. Une personnalité « controversée », comme on dit, qui ne laisse personne indifférent. Arrivé aux commandes de la commune en 1992, il la dirige depuis d’une main de fer sans interruption. Âgé de 73 ans, le bourgmestre a dû obtenir une dérogation pour se présenter une quatrième fois. Un mandat qu’il ne terminera certainement pas, puisqu’on lui prête l’intention de passer la main au cours de la mandature s’il était réélu. À qui ? Mystère. Dans le passé, il a démarché dans ce but Laurette Onkelinx, Fadila Laanan et Marie Arena. Sans succès. Quant aux critiques de ses détracteurs, elles visent surtout son laxisme supposé à l’égard du binôme insécurité/immigration et sa mainmise sur certaines structures paracommunales et associatives qui confinerait au clientélisme.
Personne ne conteste l’énorme influence qu’a exercée Philippe Moureaux sur la commune. Il a su se servir de son influence pour faire largement subventionner les programmes de revitalisation urbaine et plusieurs contrats de quartiers, la création d’écoles, de logements sociaux et de diverses infrastructures publiques. Une initiative dont le bourgmestre est particulièrement fier est la création de la Maison des cultures et de la cohésion sociale qui attire tant le public molenbeekois que celui des autres communes bruxelloises.
Pour ou contre le bourgmestre ?
La campagne électorale qui s’ouvre sera inévitablement cristallisée autour de la personnalité du bourgmestre. À côté du vote des personnes d’origine étrangère issues des quartiers populaires, il ne faut pas sous-estimer le poids électoral des « autochtones » qui résident plutôt dans le « haut » de la commune, ni celui des « nouveaux Flamands » installés dans la commune depuis peu, suite à la gentrification de la zone du canal. Le Mouvement réformateur, avec l’échevine-députée Françoise Schepmans, qui fait partie du collège, est candidat au mayorat. Lors des élections communales de 2006, le MR avait remporté 32,2% des voix (16 sièges) contre 39,2% (19) pour la Liste du bourgmestre (PS + CDH). Les deux listes s’allièrent ensuite pour former une majorité confortable. Cette fois-ci, le rapport de force pourrait s’inverser même si le MR sera amputé des candidats FDF. De son côté, le CDH a décidé de faire cavalier seul. Sa tête de liste, Ahmed El Khannouss, par ailleurs échevin-député, prend un pari risqué mais qui ouvre le jeu des alliances possibles. Les préférences du bourgmestre sortant le pousseraient à reconstituer une majorité progressiste avec Écolo, comme ce fut le cas entre 2000 et 2006. Le mauvais score du parti vert avait empêché la reconstitution de cet attelage en 2006. Philippe Moureaux n’a notamment jamais caché sa sympathie pour l’ex-coprésidente des Verts, Sarah Turine. Cela dit, on a pu lire dans la presse que rien n’exclurait a priori une alliance MR-CDH-Écolo qui rejetterait le Parti socialiste dans l’opposition.
Fracture territoriale
L’un des enjeux de cette commune sera celui de la cohésion sociale sur un territoire marqué par la diversité culturelle. Elle fait face à un véritable challenge : deviendra-t-elle un modèle ou un repoussoir en la matière, en articulant de façon optimale le préventif et le sécuritaire ? Il y a par ailleurs une véritable frontière sociale et culturelle entre le Molenbeek historique et le nouveau Molenbeek qui se superpose au clivage électoral gauche/droite. L’un des défis des partis politiques sera d’être présent sur plusieurs fronts de la commune pour permettre de créer plus de lien social entre ses deux parties. Désignée Métropole de la Culture en 2014, la commune de Molenbeek-Saint-Jean saura-t-elle relever le pari et promouvoir une image plus positive qui refléterait véritablement son dynamisme culturel, sa jeunesse pleine d’espoir, ses talents artistiques et sportifs… ?