Politique
L’indignation salutaire
21.10.2011
Stop au mépris
Un ras-le-bol général, un refus massif dans le monde d’être soumis à des décisions politiques de plus en plus absurdes obéissant aux pseudo « lois du marché », d’être écartelé entre un possible technologique qui ouvre des possibilités extraordinaire de mieux-être et une réalité qui plonge de plus en plus de monde dans la survie et non la vie… Marre d’être… les pauvres et les faibles de service, les délinquants urbains, les populations cibles, les cohabitants, les isolés, le capital humain, les ressources humaines, ceux qui ne sont pas assez employés et employables, adaptés et adaptables, flexibles et flexiblables, ceux qui vivent trop longtemps et qui n’ont pas fait assez d’enfants soit les dégoupilleurs de la bombe démographique, ceux qui auront la chance d’être en vie à 70 ans car ils seront les fleurons de la nouvelle croissance, ceux qui menacent la planète car ils passent trop de temps à laisser couler l’eau du robinet quand ils se lavent les dents…
S’il fallait trouver un trait d’union entre tous les mouvements de protestation et de contestation actuelles dans le monde, ce serait cela : un énorme stop au mépris des élites politiques et économiques à l’égard des peuples, ces fameux « individus » des rapports politiques qu’il serait nécessaire de guider et canaliser fermement. Le discours politique est devenu un bruit qui fait mal, pas seulement aux oreilles mais surtout à l’intelligence et la dignité humaines. Au-delà de ces constats, le regard scientifique oblige à étudier les caractéristiques socio-économiques et les chronologies politiques de chaque pays pour comprendre comment et pourquoi se structurent cette contestation et ses nombreuses formes, nécessairement variées avec des traits peu convergents, comme le sont les conditions d’existence entre les différentes classes et catégories sociales. Savoir dans quelle condition, atmosphère, milieu de vie et de socialisation… les personnes nées depuis les années 1980 ont eu la possibilité « d’encaisser » ou non un quotidien façonné par « la crise » ou au moins l’ombre de celle-ci. Un tel travail sociologique est d’autant plus difficile à remplir que l’heure n’est plus, chez les gouvernants, au financement de grandes enquêtes sociales quantitatives générales pour comprendre quels sont les besoins à remplir afin de développer une société de bien-être social collectif. Ici, beaucoup plus modestement, je me contente d’attirer l’attention sur la question du mépris, sur cette nouvelle arrogance élitiste dont se parent les principaux dirigeants du monde d’aujourd’hui pour pouvoir mieux se distancier des peuples et leur passer la corde au cou.
Du mépris À l’indignation
Nous le voyons aussitôt : nous avons affaire à une dynamique de type moral, protopolitique. Car cela fait plus de 20 ans que les discours officiels (des élites politiques, économiques, médiatiques…) sont saturés par la morale. De facto, comment serait-il possible d’avoir une société de haute maturité politique, une société de plein débat, dès lors que la doctrine du libre-échange (soit le libéralisme économique) est devenue le nouvel opium du pouvoir et des médias officiels ? Une seule voie/voix possible : la voie/voix du marché. Celle-ci serait naturelle, équilibrée, rationnelle… et donc indiscutable, au-delà de toute considération politique possible. Car c’est la voie morale du bien ; tout le reste relève de l’inconcevable (… et du mal ?). The best and the one way : le consensus au pouvoir. La contestation politique ne peut jamais qu’être l’image inversée dans le miroir du pouvoir politique tel qu’il s’exprime. Un régime de pouvoir qui se veut apolitique, « centriste », « technique », dont l’objet principal est d’assurer la compétitivité de l’économie, ne dispose plus que de l’argument moral pour gouverner vu que le plein débat contradictoire – fondement d’une démocratie aboutie – lui serait néfaste. Toute réforme prônée serait dès lors nécessaire, il n’y aurait pas à discuter… et si nous ne nous y soumettons pas, la punition s’abattra sur l’ensemble de la société (bombe démographique, bombe écologique, bombe salariale…). Ras-le-bol d’être transformé en mineurs politiques, en mineurs sociaux, en mineurs économiques… L’on ne peut installer une société pleinement politique que si l’on accepte et respecte le principe de base qu’est l’égalité (en matière de distribution des richesses mais aussi politique et je renvoie aux tensions communautaires belges). Sans quoi, la peur (et son pendant moral, le mépris) domine et dominera toujours… La peur de l’autre, la peur des pauvres, la peur des peuples… L’on reprocherait aux indignés d’être « trop peu politisés » ? Mais comment l’être dans une société qui a mis entre parenthèse le principe du suffrage universel, qui vise à abolir le droit des peuples à l’auto-détermination ? Pour ce qui concerne l’Europe et ses États, qu’est-ce d’autre en effet que de vouloir inscrire ad vitae aeternam le programme libéral de libre-échange dans les Constitutions, de passer plus d’un an à négocier la formation d’un gouvernement dans un état de négociation secrète, d’avoir peur d’aller aux urnes, d’obliger les peuples à refaire un referendum lorsque le premier acte ne convient pas aux élites, de modifier à son gré la Constitution pour rester à tout prix au pouvoir, d’avoir mis en place des politiques essentielles sans ratification et contrôle parlementaires tel que cela fut le cas en 2004 avec la création de l’Agence européenne de Défense… ? Cette indignation est extrêmement salutaire car elle remet les pendules à l’heure : le contrat social suppose que la classe politique fasse son travail en le fondant sur l’article 21§3 de la déclaration des droits de l’Homme de 1948 : « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ». Si ce n’est pas le cas, la classe politique n’est moralement plus digne de représenter sa population. À partir de là, tout redevient possible… pour le meilleur comme pour le pire.