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« L’extrême droite fasciste impose son agenda, il faut lutter » : Sam, militante antifa’

(Politique n°126. Illustration : Simpacid)
(Politique n°126. Illustration : Simpacid)

Organisée par la Coordination antifasciste belge (CAB), la mobilisation du dimanche 16 juin 2024 contre l’antifascisme a réuni près de 10 000 personnes sous la pluie de Bruxelles. Plus tôt dans la semaine, au lendemain des élections du 9 juin, quelque 4000 personnes se sont données rendez-vous à Liège et à Bruxelles pour déclarer que, face aux résultats électoraux, la lutte continue. Rencontre avec Sam, militante antifa’, à l’heure où l’extrême droite s’avance vers les portes du pouvoir.

« Pour le moment, il n’y a pas de violence physique directe entre les fachos et les antifachos, mais il faut être conscient que ce qui se passe, et qui doit nous inquiéter, c’est que les policiers protègent les fachos dès que ceux-ci organisent des événements. On l’a vu à Saint-Josse, avec un meeting réunissant l’extrême droite européenne, on l’a vu lors du dernier rassemblement du parti Chez nous à Bruxelles. On n’a pas le choix, il faut faire rempart, parce que le fascisme, ça s’infiltre partout. Il ne faut jamais ouvrir la porte. »

Combattre l’extrême droite

Lorsque l’on se rencontre, ni Sam ni moi ne savons quelle sera l’issue du dimanche 9 juin 2024. Une chose semble pourtant se dessiner, au gré des sondages et des déclarations de campagne, à la fois diffamantes et racistes, le fascisme a de beaux jours devant lui, en Belgique, pour les cinq ans à venir.

« On ne se laisse pas faire et clairement on ne se laissera pas faire» exprime Sam quand je lui demande comment s’est structuré son militantisme antifasciste, ces derniers mois. « L’actualité amène chaque jour des éléments contre lesquels on doit s’opposer. Il est difficile d’organiser un agenda antifasciste, car on est toujours en réaction aux attaques menées par l’extrême-droite. On s’organise pour que partout, en Belgique, une présence antifasciste perturbe et empêche les évènements de l’extrême droite. »

Je réalise que le fascisme se glisse dans toutes les sphères de la société

C’est dans cet état d’esprit qu’un événement capital et décisif s’est tenu le samedi 17 février 2024, en Cité ardente.

À l’initiative du Front antifasciste de Liège (FAL), qui célébrait ses cinq ans d’existence, des participant·es se sont réuni·es pour préparer ensemble le lancement de la Coordination antifasciste belge (CAB). Venu·es de Gand, Anvers, Leuven, Namur, Bruxelles, des Pays-Bas, de France et d’Allemagne, des centaines de militant·es se sont ainsi retrouvé·es, pour « se coordonner et lutter ensemble contre la montée et la présence de l’extrême droite en Europe, comme en Belgique. »

L’objectif ? « Réagir à l’extrême droitisation du champ politique en créant un front regroupant le plus largement possible toutes les sensibilités de l’antifascisme sans jugement de valeurs sur les méthodes ou les degrés d’engagements mais ayant un objectif clair et précis : la lutte contre les propos, idées, actions de personnes ou de groupement d’extrême droite. »

Le monde néolibéral n’a aucun intérêt pour la vie des gens et leur bien-être.

« Parce que l’extrême droite est partout, précise Sam, il faut se mobiliser, il faut l’étudier, se former, aller au-delà de l’image et lutter explicitement contre. »

Sam est convaincue depuis ses 16 ans qu’il est nécessaire de mener une lutte antiraciste : « ma famille n’était pas particulièrement politisée, mais on discutait de politique. Ce n’était pas un tabou et même sans être tout le temps d’accord sur certains sujets, la limite, qui a toujours été claire, c’est celle de l’extrême droite ». Déjà avant de voir l’extrême droite flamande exploser dans les sondages en mai 2019, « je réalise que le fascisme se glisse dans toutes les sphères de la société » explique-t-elle.

« Les visites domiciliaires et les propos de Francken sont deux éléments qui rendent tangible le danger de l’extrême droite en Belgique. En fait, je réalise alors que le monde néolibéral n’a aucun intérêt pour la vie des gens et leur bien-être. Et c’est encore pire qu’un manque d’intérêt, on agit concrètement pour rendre la vie de certaines personnes encore plus dure » exprime-t-elle, entre rage et dégoût.

Que faire face au fascisme ?

« La lutte antifasciste n’est pas intrinsèquement violente, même si l’Histoire montre qu’elle a déjà dû l’être. On lutte contre des idées, contre des partis et, face au danger de la violence fasciste, on ne peut pas se priver par principe d’une forme ou d’une autre d’action » explique Sam, posément, lorsque je l’interroge sur les stratégies à adopter. « Les actions menées sont toujours le résultat d’un choix, une décision qui est prise par des militant·es dans un contexte précis, mais qui doit être réfléchie collectivement en fonction des objectifs que l’on se fixe. » Avec un léger ton exaspéré, Sam ponctue : « Il faut être bien conscient qu’une lutte aussi fondamentalement émancipatrice que la lutte antifasciste, ne pourra jamais égaler la violence institutionnelle et la violence fasciste. »