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Tollé général ! L’extrême-droite au MR

L’extrême droite entre au MR : N.P. issu du parti Chez Nous et Georges-Louis Bouchez, actuel président du MR. (montage Politique)
L’extrême droite entre au MR : N.P. issu du parti Chez Nous et Georges-Louis Bouchez, actuel président du MR. (montage Politique)

Le ralliement de plusieurs cadres provenant de Chez Nous au MR, autorisé par son président en personne, a provoqué un tollé dans tous les partis… sauf chez la garde rapprochée de Georges-Louis Bouchez et – jusqu’ici – chez Les Engagés.

Le MR est une fois de plus au cœur d’un scandale. On apprend que non pas un, non pas deux, mais trois anciens membres – et responsables de section ! – du parti d’extrême-droite « Chez Nous » ont été reconnus comme membres1, de la main personnelle du président du mouvement réformateur (MR) , sans consultation des sections locales de ces partis et semble-t-il, contre leur avis général.

Le tollé est si général, la grogne interne si importante et, il faut le dire, la transgression avec les valeurs fondamentales d’un parti historiquement démocratique si évidente que, fait rarissime, les sections locales ou provinciales du MR ont signalé leur désaccord en public.

Les sections locales ou provinciales du MR ont signalé leur désaccord en public.

Certes, fort timidement pour la plupart, en commentaires et sans faire de communiqué, après avoir été interpellées sur leurs réseaux sociaux. Mais après des mois où il semblait que Georges-Louis Bouchez avait mis l’ensemble du MR au diapason, la nuance est à remarquer.

Au MR comme dans tous les autres partis ou presque, le malaise, la désapprobation et l’indignation sont massives.

Au MR comme dans tous les autres partis ou presque, le malaise, la désapprobation et l’indignation sont massives. Ou presque. Un parti, qui a pourtant construit son identité sur la lutte contre l’extrémisme, est totalement silencieux aujourd’hui : Les Engagés. Ni le parti, ni ses sections locales concernées, ni ses mandataires ou figures publiques importantes, ni son président ne se sont exprimés publiquement à l’heure d’écrire ces lignes (19h, le 12 janvier). Où est passé l’humanisme démocratique ?

Les nouvelles recrues très personnelles de Georges-Louis Bouchez

Bien sûr, l’actuel président du MR n’en est pas à son coup d’essai. Avant les élections, il avait recruté Marc Ysaye, qui avait multiplié les prises de position, soutenant des personnalités de l’extrême-droite française ainsi que des  propos que l’on peut qualifier d’extrême-droite2.

Mais ici un cap supplémentaire est franchi, puisque les recrues ne sont pas de simples personnalités médiatiques partageant des idées nauséabondes, mais des militants politiques de longue date. Il s’agit de responsables de sections provinciales d’un parti d’extrême-droite et même, pour l’un d’entre eux, le responsable belge d’un collectif d’extrême-droite européen.

Une brève description de ces jeunes recrues vaut mieux qu’un long discours : 

Premièrement, R.C., une personne récemment aperçue avec une banderole « stoppons l’immigration », et photographiée dans les locaux historiques de l’extrême-droite belge, ancien siège du Front National de Daniel Féret.

Ces personnalités n’ont renié ni leurs « convictions », ni – semble-t-il – leurs réseaux.

Deuxièmement, N.P., une seconde personne, qui signalait en août 2024 dans les médias, se reconnaître désormais dans le MR et dans un projet qui défend « la lutte contre l’immigration incontrôlée et clandestine ainsi que notre culture face aux dangers du wokisme », et précisant, pour que cela soit bien clair, que « cela ne veut évidemment pas dire que j’oublierai mon passé politique ou que je renierai mes valeurs et mes convictions profondes ».  

Jusqu’à cet été 2024, N.P. était coordinateur belge du mouvement d’extrême-droite européen du « Patriots Network », qui relaie actuellement les campagnes de déstabilisation d’Elon Musk visant à remplacer le gouvernement britannique au pouvoir par l’extrême-droite. Et encore en décembre 2024 (alors que son affiliation au MR avait été, selon nos informations,acceptée en novembre), il appelait à joindre les combats des jeunes MR et d’UNI (un mouvement étudiant d’extrême-droite français connu pour ses collusions avec Génération identitaire, Action française ou encore le GUD, avec qui il aurait, dans le passé, participé à des raids).

M.B., un troisième personnage, aurait quant à lui tenté de se présenter, encore en octobre 2024, sous la bannière du Rassemblement démocratique du Peuple wallon, une liste issue de l’extrême droite populiste, à Mouscron.

On constate donc que ces personnalités n’ont renié ni leurs « convictions », ni – semble-t-il – leurs réseaux, les affichant et assumant, encore très peu de temps avant leur affiliation au MR, voire après leur affiliation au Mouvement réformateur.

Violation du cordon sanitaire politique

Le cordon sanitaire a un versant médiatique  consistant à refuser les interviews en direct non contextualisées à l’extrême-droite. Il a également un versant politique. Celui-ci résulte d’un accord entre les principaux partis représentés au Parlement.

Sa première version date de 1999, mais il a été réactualisé plusieurs fois. La dernière fois en 2022, suite à la rupture par un certain… Georges-Louis Bouchez, ayant été débattre avec le Vlaams Belang en Flandre, ce que le cordon francophone proscrit.

La version 2022, signée personnellement par Georges-Louis Bouchez (MR), Paul Magnette (PS), Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet (Ecolo), François de Smet (DéFi) et Maxime Prévot (Les Engagés) réactualise ses engagements à l’heure des réseaux sociaux.

Le cordon sanitaire, version 2022, ne proscrit pas uniquement des alliances locales ou nationales des partis avec l’extrême-droite. Prenant conscience du risque que l’extrême-droite et ses idées gangrènent des partis démocratiques dans une stratégie d’entrisme,  l’accord qu’a cosigné Georges-Louis Bouchez vise aussi à régenter l’espace que les partis pourraient risquer de donner à des personnalités et des propos racistes et xénophobes.

En « retweetant » fréquemment des comptes identifiés à l’extrême-droite sur X (ex-twitter), le président du MR ne s’est jamais privé personnellement de briser allègrement cet accord.

Trois règles spécifiques sont donc prévues pour éviter cette « infiltration » des idées et personnes d’extrême-droite à l’intérieur des partis traditionnels :

1) Ne pas banaliser, donner de la visibilité ou amplifier des propos discriminatoires ou racistes.

2) Ne pas banaliser, donner de la visibilité ou amplifier les propos de personnes d’extrême-droite (qu’elles soient belges, ou étrangères).

3) Modérer les propos d’extrême-droite sur les comptes réseaux sociaux des partis politiques.

Évidemment, intégrer une personnalité d’extrême-droite, dont il est clair qu’elle n’a renoncé en rien à ses convictions et en a éventuellement juste modéré la forme dans des structures partisanes, c’est lui donner accès à un réseau, des structures, des espaces de développement personnels et politiques… C’est donc bien banaliser, donner de la visibilité, ou amplifier ces personnes et leurs propos.

Au passage, en « retweetant » fréquemment des comptes identifiés à l’extrême-droite sur X (ex-twitter), le président du MR ne s’est jamais privé personnellement de briser allègrement cet accord, qu’il a pourtant lui-même signé3. Et rares ont été les partis à s’en alarmer régulièrement.

Levée de boucliers dans les sections locales du MR

Mais revenons au cas des transfuges de « Chez Nous » vers le MR. Dès que l’information a parue, les réactions politiques ont plu. PS, Ecolo, PTB, Défi, et plusieurs mandataires du MR ont rejeté la présence de ces personnalités d’extrême-droite dans le parti dit « libéral ». On a ainsi pu entendre Diana Nikolic, cheffe de file du MR en terres liégeoises. Voici sa déclaration in extenso :

On a ainsi pu entendre Diana Nikolic, cheffe de file du MR en terres liégeoises, expliquer qu’ils n’avaient pas été consultés.

 « Je confirme que les libéraux liégeois n’ont été ni consultés ni même informés quant à l’adhésion de Noa Pozzi au MR. Je ne peux que le regretter. Au sein du MR, j’ai toujours défendu les valeurs libérales et progressistes qui fondent notre mouvement politique. Et je serai intransigeante là-dessus.  Je crois au droit à l’erreur ainsi qu’à la possibilité de détourner des personnes, spécifiquement les plus jeunes, des idées extrémistes, populistes, haineuses, etc.

C’est d’ailleurs là l’objectif de tous les partis démocratiques et des acteurs de l’éducation permanente.  Noa Pozzi n’avait pas 20 ans quand il a rejoint le parti Chez Nous et il est à peine plus âgé maintenant je pense. Qu’il se détourne de l’extrême-droite (comme il l’explique dans l’article) encore si jeune est plutôt une bonne nouvelle. Mais je ne suis pas naïve, il n’a pas été un simple militant au sein du parti d’extrême-droite, il en a été la tête de liste aux élections fédérales.

Ça implique d’être extrêmement prudent avant de l’accepter éventuellement. Pour moi, il est clair que ceux qui souhaitent s’affilier au MR, et c’est particulièrement vrai dans ce cas-ci, doivent le faire dans une optique d’assimilation totale de nos valeurs démocratiques et non pour y importer des idées nauséabondes qui n’auront jamais leur place chez les libéraux.  Je serai vigilante et intransigeante. »

Le conseiller CPAS du MR à Sprimont, Cédric de Buf : « M. Pozzi ne fait pas partie du MR à Sprimont, sa demande d’adhésion ayant été refusée par notre section. »

« La section MR de Mouscron n’entend d’aucune manière accueillir en son sein ce monsieur » (David Vaccari, échevin MR à Mouscron)

David Vaccari, échevin MR à Mouscron : « Il n’y a pas de place pour ce genre de personnage au sein de notre parti, s’il a voulu s’affilier il sera exclu » ; « la section MR de Mouscron n’entend d’aucune manière accueillir en son sein ce monsieur. Cette position est claire et nette pour notre section. Nous avons également décidé d’adresser un courrier de doléances auprès des autorités compétentes pour l’affiliation générale, afin de dénoncer le pedigree de l’individu. Je n’ai jamais eu le moindre échange avec cette personne, et jamais je ne concéderai rien aux extrêmes. »

La section MR de Mouscron : « J’ai eu l’occasion de prendre connaissance de l’article de RésistanceS et de me renseigner. Ce triste personnage est en effet affilié au MR Tournai (et non Mouscron). J’ai fait le nécessaire ce jour pour qu’il soit exclu. J’ai également prévenu le président de Tournai qui a demandé également son exclusion. »

Le Cercle des étudiants libéraux de l’ULB : « Le Cercle des étudiants Libéraux condamne fermement l’ouverture du Mouvement Réformateur à l’extrême-droite (…) Nous condamnons ceci avec fermeté, et considérons que c’est une honte, et une insulte envers l’histoire et l’héritage du parti. (…) Lui ouvrir la porte, c’est laisser entrer le loup dans la bergerie. C’est ouvrir la boite de Pandore à un ennemi de notre humanisme et de notre société. Plus que jamais, nous disons : « No pasaran ! » ».

Les sections locales et les étudiants se rebiffent donc ! En revanche, dans les cercles proches du président du MR, chez les nouvelles figures publiques qui comptent en son sein aujourd’hui, un silence gêné paraît respecté à l’heure d’écrire ces lignes : Adrien Dolimont, Hadja Lahbib, Valérie Glatigny, David Leisterh, Corentin de Salle, entre autres, restent bien silencieux.

Le silence des Engagés (sic)

Des membres de tous les partis, dont le MR, ont donc pris position pour dénoncer la situation sauf… Les Engagés ! Au pouvoir et en négociation avec le MR au gouvernement fédéral, ils seraient pourtant les mieux placés pour exercer une réelle pression, ceci afin d’enjoindre Georges-Louis Bouchez de respecter le cordon sanitaire que lui et Maxime Prévot ont personnellement signé.

Silence radio… Pire que le bruit des bottes : le silence, gêné ou complaisant, des pantoufles.

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Dernière minute – mise à jour. A l’heure de publier ce papier, nous lisons sur le site de RTL la première réaction publique des Engagés (ainsi que celle de tous les autres présidents de partis). Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle confirme notre propos.

« Du côté des Engagés, la présidence du parti s’est abstenue de tout commentaire. Sans se prononcer sur une personne qu’il avoue ne pas connaître, le président des Engagés Bruxelles, Christophe De Beukelaer a souligné que l’enjeu de « l’immense retard économique, technologique et géopolitique pris par Bruxelles, la Belgique, et l’Europe » retenait toute son attention. Il a toutefois tenu à rappeler que les Engagés « n’ont et n’auront jamais aucune connivence avec les extrêmes ».