Politique
L’ethnie flamande
17.11.2010
Si tous les peuples ont besoin de temps à autre de se « rappeler à l’ordre » en montrant du doigt les autres peuples et les frontières entre les uns et les autres, on franchit un pas lorsque l’autre devient obsédant au point de structurer la vie politique. Pour le dire autrement, si par magie il était possible de créer en quelque mois un État flamand indépendant, libre, homogène et autonome, il est probable que très rapidement de nouveaux ennemis fassent leur apparition et alimentent à nouveau le ressentiment. L’identité négative est une structuration polémique de l’identité, elle est insatiable et en cas de rupture avec les francophones, d’autres ennemis verront le jour : les Flamands paresseux typiques de telle ou telle province, les faux Flamands qui parlent le français, les étrangers qui ne s’imprègnent pas assez de la culture flamande, les élites européennes cosmopolites… Ce n’est pas les nouvelles réformes de l’État, ce n’est pas la reconsidération des mécanismes de transfert entre l’État fédéral et les entités fédérées, ce n’est pas la liste définitive des revendications flamandes acceptées par les francophones qui poseront problème aux Flamands, c’est la nature même de leurs attentes qui sont irréalisables. Elles sont illusoires parce qu’elles relèvent de l’identité négative, mais aussi parce qu’elles sont animées par un fantasme de pureté inévitablement utopique. Rêver d’une homogénéité culturelle, linguistique et ethnique en France ou en Allemagne au début du siècle dernier était déjà une utopie, imaginer une telle pureté en 2010 au sein de l’Union européenne (de plus en plus intégrée), et après 60 ans de flux migratoires massifs (intérieurs et extérieurs) relève tout simplement du phantasme. Sans parler du danger que peut représenter ce dernier ! Il est évident que tous les Flamands ne pensent pas « rejet de l’autre et pureté », mais il est aussi évident que ces deux logiques sont déterminantes dans la structuration du débat politique et qu’elles visent des objectifs totalement irréalisables. Ainsi, quel que soit notre destin, les Flamands se percevront comme les perdants à l’issue de toutes ces tractations, et il y a fort à parier qu’ils cultiveront encore pendant très longtemps, et encore plus, le ressentiment. C’est la seule chose qui est sûre aujourd’hui.