Politique
Les tourments du PS ne sont pas inhérents au socialisme
03.05.2011
Ces écarts répétés dans le temps trahissent la perte des repères qui apparaissent pourtant comme évident au commun des mortels ou, du moins, à sa frange la plus politisée. C’est le fameux « estompement de la norme ». Ils révèlent également l’existence d’autres règles, nées au fil d’une occupation ininterrompue du pouvoir. En effet, à force de n’être plus contestés (en raison d’un rapport de forces électoral déséquilibré), les mandataires pris en défaut ont oublié certains principes élémentaires que seule la vigilance maintient à l’esprit. Cette omniprésence au soleil du pouvoir a mis à mal les « défenses immunitaires » internes au parti, à l’administration, en même temps qu’elle les rendait sourds aux critiques extérieures, quand celles-ci n’étaient pas étouffées par le renoncement démocratique des « petits ». La machine était lancée. Elle pouvait ronronner, jusqu’à ce que la divulgation vienne enrayer le mécanisme des jeux de pouvoir. Ce mode de fonctionnement porteur de dérives, est-il pour autant propre au PS, au socialisme ? Non, il relève plutôt de l’exercice prolongé du pouvoir et de sa quête ultime : l’efficacité, vertu suprême quand il s’agit d’obtenir sa réélection et d’ainsi se maintenir aux commandes. Preuve s’il en est, en d’autres temps et d’autres lieux, d’autres formations politiques ont vécu les affres de la dénonciation médiatique et de la condamnation judiciaire. Pensons notamment au grand CVP d’hier, quand les sociaux-chrétiens du Nord dominaient la Flandre. Ou aux pratiques du RPR de Jacques Chirac, quand ce parti occupait la mairie de Paris. Livrés à la vindicte publique, les divers coupables ont à peu de choses près répété la même chose : ils avaient pour eux la paix de leur conscience et n’avaient rien commis de répréhensible que d’autres n’eussent fait en pareilles circonstances. Ces allégations n’ont pas été prises au sérieux. Or, l’hypothèse de la bonne foi des inculpés, dans ce dossier, est digne d’un intérêt exploratoire. Elle ouvre en effet sur une autre perspective du fonctionnement politique de la démocratie locale.
Maturité démocratique
Qui a séjourné durablement dans le sérail politique ne peut qu’avoir été frappé par sa subculture modale, particulièrement sensible au cœur des majorités absolues de grandes anciennetés. Elle est celle de l’efficacité dans le délai raisonnable. Peu de politiciens locaux sont des juristes accomplis. Leur volonté d’aller vite pour répondre à l’urgence politique les conduit alors à prendre des libertés avec les contraintes légales. Liberté d’autant plus facile et tentante d’avoir pour elle des décennies d’impunité. À quoi renvoie ainsi ce fameux syntagme, entendu à maintes reprises chez des excellences du PS carolo : « Tout le monde fait pareil ».
En bord de Sambre, les « affaires » ont produit un soupçon de vénalité sur la gestion publique, dans le chef d’une véritable caste, assimilée aujourd’hui au « vieux PS ». Elles ont négligé l’autre hypothèse de la transgression dénoncée : l’incompétence. Celle d’un personnel politique local, nourri le plus souvent de pragmatisme ostentatoire et peu construit par les exigences du Droit. La sélection électorale n’est pas un examen d’entrée. C’est la rançon du suffrage universel. Elle doit s’assumer. Elle ne dispense pas de s’interroger. Les urnes confient ainsi à des hommes et à des femmes peu préparés à l’exercice de la gestion publique et à son éthique une responsabilité de poids. Cette impréparation peut alors les conduire à des dérapages dont ils ne voient pas la nature. Cette hypothèse, des professionnels du droit peuvent difficilement l’admettre, voire simplement la comprendre. Elle a cependant son mérite : éclairer autrement le dossier carolorégien et son tellurisme que par l’indignation dramatisée. Car elle sort du refoulement vertueux une évidence sociologique : dans une société de plus en plus complexe, nul n’est à même de connaître la Loi, toute la Loi, quand bien même il lui a juré obéissance. Il y a là une maturité démocratique que de faire face à une telle évidence.