Politique
Les nouveaux parasites
25.06.2008
Enfermer et diaboliser
Les individus susceptibles d’être caricaturés dans la rhétorique producériste sont nombreux et à chaque fois le processus est le même, des caractéristiques sociales et des comportements sont associés à des caractéristiques physiques ou des origines ethniques, raciales ou nationales en vue d’enfermer des gens dans des stéréotypes solides et efficaces. On trouve depuis toujours cette logique dans le racisme qui naît avec l’association de comportements sociaux à des caractéristiques raciales (couleur de peau…) : tel ressortissant de République démocratique du Congo a volé une voiture, tel Marocain a volé un GSM, et on déduira que tous les Africains sont des voleurs. En associant abusivement l’origine nationale ou ethnique (Afrique) à un comportement social (voler quelque chose), le raciste enferme des individus dans des comportements définitifs et immuables. De même , on trouve cette logique dans le sexisme qui naît également de l’association de comportements sociaux à des caractéristiques physiques sauf que dans ce cas, on passe de la race au sexe : telle femme est gentille mais pas intelligente, telle fille est bonne cuisinière mais pas bonne en mathématique et on en déduira que les femmes sont moins intelligentes que les hommes en associant par généralisation abusive l’appartenance sexuelle (féminité) à un comportement social (les femmes sont juste bonnes pour le ménage). L’antisémitisme naît également de l’association de comportements sociaux à des caractéristiques physiques ou religieuses : tel «Juif» est avare, tel ressortissant israélien est très riche et on en déduira que tous les Juifs sont riches et avares, qu’il n’y a pas de différences entre les Juifs et les Israéliens ou entre les croyants et les non-croyants considérés comme juifs ou israéliens, et que surtout, ils cherchent tous à nous ruiner pour s’enrichir davantage ou pour dominer le monde (complot juif…). Par association et par généralisation abusive d’une origine nationale ou religieuse (israélienne ou juive) à un comportement (enrichissement personnel de tel individu), on enferme des hommes et des femmes dans une caricature.
Les jeunes parasites
Le Mosquito est un petit boîtier muni d’un haut-parleur émettant des ultrasons douloureux pour les oreilles et audibles uniquement par les adolescents, il est utilisé par des acteurs privés ou publics qui cherchent à éloigner les jeunes de leurs établissements sous prétexte que ceux-ci sont naturellement susceptibles de provoquer des nuisances sur la voie publique. Le Mosquito fait l’objet d’une polémique en Belgique Voir notamment la campagne des Territoires de la mémoire contre le Mosquito et la pétition mise en ligne : http://www.trianglerouge.be (../mosquito/signature.php?lang=fr) et en France parce qu’il associe les jeunes à des individus «nuisibles». Et à bien y regarder, son fonctionnement et sa finalité s’inscrivent clairement dans le processus d’association et de généralisation dénoncé plus haut. N’étant techniquement efficace que pour les jeunes, le service proposé par le Mosquito naît de l’association de comportements sociaux (nuisances) à des caractéristiques physiques (jeunesse) : tel jeune a fait des graffitis, tel jeune écoute la musique très fort le soir sur la place publique et on en déduira que tous les jeunes sont des parasites et qu’ils nuisent à la société. «Toute société, explique Tzvetan Todorov, possède ses stratifications, se compose de groupes hétérogènes qui occupent des places inégalement valorisées dans la hiérarchie sociale. Mais ces places, dans les sociétés modernes, ne sont pas immuables : le vendeur de cacahuètes peut devenir président. Les seules différences pratiquement ineffaçables sont les différences physiques : celles dites de ‘race’ et celle de sexe. Si les différences sociales se superposent pendant suffisamment longtemps aux différences physiques, ajoute Todorov, naissent alors ces attitudes qui reposent sur le syncrétisme du social et du physique, le racisme et le sexisme» T. Todorov, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, 1989, p.139. L’association systématique de caractéristiques physiques à des caractéristiques sociales est le point de départ du racisme, du sexisme, de l’homophobie… Par association et par généralisation abusive d’une caractéristique physique (jeunesse) à un comportement (nuisance sonore…), le Mosquito s’inscrit à son tour dans ces nombreux processus qui poussent régulièrement une partie de la société à s’en prendre à une plus petite partie d’elle-même sous prétexte qu’elle est responsable de tous les maux. Si c’est déjà dramatique quant il s’agit des étrangers, des femmes, ou des Juifs, que pensez d’une société qui enferme sa propre jeunesse, et donc son avenir, dans l’image du parasite…