Politique
Les gauches face au droit au logement
05.10.2006
La question des conditions effectives d’exercice du droit au logement pour tous me paraît l’une des plus problématiques et emblématiques que les gauches sociales et politiques aient à assumer aujourd’hui : — La légitimité de ce droit de créance rassemble un large consensus, au-delà même des forces de gauche ; — Aucune argumentation technique ne paraît à même de fonder un renoncement à l’affirmation de ce droit ou un renoncement à la recherche des conditions de son exercice : ni les coûts de la construction du logement, ni la rareté des biens immeubles, ni la pression démographique, notamment ; — Pour autant, les politiques publiques paraissent durablement impuissantes à réduire la demande sociale de logement. La principale hypothèse explicative de cette impuissance publique me paraît résider dans l’approche presque exclusivement sociale de la question, alors même que seule une politique économique du logement serait appropriée à la résoudre. L’hypothèse complémentaire, relative à la difficulté d’énoncer une politique économique du logement, est que la régulation des droits et devoirs inhérents à l’exercice de la propriété foncière — notamment la formation de la rente foncière — continue de constituer un tabou majeur, sur les plans culturel, social et politique. Ce tabou est renforcé par la structure de la propriété foncière, dans un pays marqué à la fois par un taux élevé de propriété immobilière des ménages (en Wallonie et en Flandre) et par l’étroitesse du parc public de logements. À défaut de s’attaquer efficacement à ce tabou, il y a lieu de craindre que l’exercice du droit au logement reste problématique pour une part toujours plus importante de la population. Je me limiterai ici à présenter «le noyau dur» des lignes de force des analyses et positions que présentent et défendent diverses forces de gauche, en Belgique francophone. Ces positions et analyses ont été notamment initiées dès la fin des années quatre-vingts par la plate-forme «Solidarité en plus, Pauvreté en moins» dont le Moc et le Pac furent porteurs, avec ATD-Quart Monde, la Ligue des familles et la section CPAS de l’Union francophone des Villes et Communes. Récemment, le club politique «Gauche 21ème» a publié un texte qui prolonge, actualise, développe et consolide ces propositions.
La «demande sociale» de logement
Lire notamment :
Marie-Laurence DE KEERSMAECKER et Sophie DE CONINCK, Observatoire des Loyers 2004, Observatoire régional de l’habitat, SLRB, janvier 2005.
Marie-Laurence DE KEERSMAECKER et Luc CARTON, Le droit au logement, Bilan d’une première législature bruxelloise, Bruxelles, EVO, 1995.
Marie-Laurence DE KEERSMAECKER et Luc CARTON, Action publique et droit au logement, FTU- Ministère du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, Ed. Artel, 1992 , une question de marché
L’exercice du droit au logement rencontre des difficultés structurelles et croissantes que la simple continuité des politiques publiques classiques ou leur développement quantitatif ne permet pas de rencontrer. Les évolutions contrastées du marché immobilier, d’une part, et des revenus disponibles des ménages, d’autre part, alimentent la croissance d’une «demande sociale de logement» que ni l’offre publique de logements sociaux ou moyens, ni les politiques sociales du logement, ni les politiques actuelles de soutien à l’accès à la propriété sociale ou moyenne ne peuvent aujourd’hui absorber. Les contraintes de finances publiques ne permettent pas davantage d’augurer que l’on puisse allouer des budgets susceptibles de résorber cette demande sociale de logements de manière significative en se limitant à prolonger et refinancer les politiques actuelles. Convenons d’appeler «demande sociale de logement» la situation de l’ensemble des ménages qui connaissent des difficultés d’accès — notamment budgétaires — à un logement décent et adapté, dans les conditions économiques qui prévalent sur le marché immobilier. Cette demande sociale de logement concerne donc les locataires (ou candidats locataires) contraints à habiter un logement trop cher, trop exigu, inadapté ou insalubre ; elle concerne également les propriétaires ou candidats propriétaires qui connaîtraient des contraintes comparables. Cette demande ne s’exprime que partiellement dans les demandes introduites auprès des différents opérateurs des politiques publiques (Sociétés de logement social Fin décembre 2004, par exemple, 30.000 ménages étaient inscrits comme demandeurs d’un logement social à Bruxelles. Source : SLRB , Fonds du logement, Communes & CPAS, AIS, aides et primes diverses). Elle s’exprime également dans les phénomènes croissants du «mal logement» ou du «mal habiter», par ailleurs peu recensés ni étudiés. La demande sociale de logement est donc, fondamentalement mais non exclusivement, un problème de «marché immobilier résidentiel», tant locatif qu’acquisitif, en particulier à Bruxelles, où le problème est massif et généralisé. En Wallonie, le problème s’étend à la plupart des centres urbains, dans le Brabant wallon et le long de la N4, dans le Sud Luxembourg, dans les zones frontalières de l’Allemagne et, de manière générale, le long des voies de communication (transports en commun et autoroutes et futur RER) facilitant les «migrations pendulaires» (navettes entre lieu de résidence et lieu de travail) par rapport aux principaux bassins d’emplois.
Une demande sociale de logement diversifiée
En effet, celle-ci a comme traits: — l’impossibilité de se loger (personnes sans abri); — la contrainte de mal loger : insalubrité, exiguïté, inadaptation, dépendance (hébergement provisoire chez des tiers); — la contrainte de dépense excessive : paupérisation ou précarisation inhérentes à la compression d’autres dépenses essentielles des ménages, surendettement…; — la contrainte de mal vivre : difficulté d’accès à l’urbanité, à la centralité des équipements et des services collectifs, à la qualité de la vie, au choix d’un lieu (et d’un mode) de vie ainsi que diverses contraintes de mobilité; — l’insécurité de vie, à la croisée de un ou plusieurs des facteurs ci-dessus.
Une demande sociale de logement inégale
— Elle touche, par définition, une majorité de ménages à «bas revenus» – allocataires sociaux et bas salaires – ; dans les zones les plus sensibles aux évolutions haussières du marché, la précarité Mesurée au taux d’accès potentiel au marché locatif, dans l’hypothèse où le demandeur de logement est disposé à consacrer 25% de son budget au loyer. Source : Observatoire des Loyers 2004, op. cit de l’exercice du droit au logement concerne jusqu’aux ménages du 6ème, voire du 7ème décile de revenus. — Elle survient souvent à l’occasion d’un «accident de vie» : un nombre significatif de ménages séparés ou divorcés et, en particulier les familles monoparentales ; les personnes relevant de l’aide sociale ou de l’assurance chômage, les personnes malades, handicapées ou dépendantes. — Elle se focalise sur les groupes sociodémographiques dont la fragilité sociale est connue par ailleurs : femmes et familles monoparentales, personnes à faible capital scolaire, jeunes ménages à un revenu avec enfants, familles nombreuses à revenus faibles ou moyens, personnes de nationalité ou d’origine étrangère (non UE). Les causes généralement invoquées pour expliquer le développement de la demande sociale de logement tiennent essentiellement au divorce entre l’évolution des revenus disponibles des ménages, d’une part, et l’évolution des prix des logements, tant locatifs qu’acquisitifs, sur le marché immobilier, d’autre part. La tendance à l’instabilité et au fractionnement des ménages, la multiplication des ménages d’une personne et l’instabilité locative renforcent ces facteurs structurels. Par contre, ni les évolutions démographiques, ni les coûts de la construction, ni la rareté des immeubles d’habitation théoriquement disponibles ne paraissent contribuer de manière significative à la formation de la demande sociale de logement.
Les facteurs à l’origine du divorce
Ils sont de deux ordres. — La convergence d’un ensemble de facteurs de paupérisation et de précarisation des revenus et du pouvoir d’achat des ménages salariés ou allocataires sociaux, distribués de manière spatialement et socialement différenciée : le nombre très élevé d’allocataires sociaux, la très faible liaison des allocations sociales au bien-être et l’insuffisante prise en compte de l’évolution des coûts réels du logement dans la formation de l’index des prix à la consommation contribuent à ce décrochage entre bas et moyens revenus et coûts d’accès au logement. — La convergence d’un ensemble de facteurs de renchérissement des prix fonciers (internationalisation des villes, concurrence entre fonctions tertiaire et résidentielle,…) et des rentes attendues d’un investissement immobilier, (concurrence entre revenus mobiliers et immobiliers, inquiétude sur l’avenir des systèmes publics de pension, faiblesse des taux d’intérêts réels). Le caractère désuet et souvent injuste de la fiscalité immobilière (la croissance des revenus immobiliers est souvent étrangère à l’indexation du revenu cadastral) et l’augmentation du capital immobilier est sans rapport avec les plus-values du secteur. Quand ces facteurs structurels se superposent, comme à Bruxelles notamment, la demande sociale de logement devient un phénomène de masse. La contagion entre segments de marché, d’une part, et la mobilité (contrainte) de la demande de logement, d’autre part, concourent à diffuser les causes et les effets de cette demande sociale de logement en Wallonie. Retenons de ce bref croquis de la demande sociale de logement… la nécessité d’une politique économique et fiscale du logement au moins autant que la nécessité du refinancement et du réagencement des politiques sociales du logement… et d’une relance d’une politique des revenus plus égalitaire et solidaire. Du côté de la qualité de la vie et de la liberté des choix de vie, sans doute sera-t-il aussi nécessaire de développer les aspects «culturels» d’une politique de l’habitat et de la Ville. Nous n’aborderons ici que les aspects relatifs à la régulation publique du marché immobilier résidentiel.
Le porte-à-faux des politiques publiques
Il existe quelques paradoxes liés à la configuration générale des politiques publiques du droit au logement : Un paradoxe factuel : une demande sociale de logement en forte croissance, sans pression démographique significative (mis à part la tendance croissante au fractionnement des ménages), sans rareté des biens immobiliers bâtis, sans croissance avérée des coûts de production des logements; Un paradoxe sociologique : une préoccupation sociale majeure, dans le contexte d’un taux de propriété largement majoritaire en Flandre et en Wallonie ; une politique progressiste s’attachera à distinguer symboliquement et à dissocier fonctionnellement le sort des propriétaires occupants, des petits propriétaires bailleurs engagés dans des relations locatives équitables et des propriétaires spéculateurs ou rentiers… Un paradoxe juridique : un bien libéral – moins régulé que le prix du pain autrefois -, dont dépend l’exercice d’un droit constitutionnel essentiel; Un paradoxe institutionnel et financier : le logement est une compétence «sociale» des Régions, mais relève d’une compétence majeure – économique, fiscale (budgétaire) et juridique – du Fédéral sur le marché immobilier; Un paradoxe fiscal : encouragement à la propriété pour tous mais avantage non ciblé et donc encouragement à la multipropriété, traitement égal du «propriétaire responsable» qui pratique un loyer normal et entretient bien sa propriété et de celui qui pratique des loyers usuraires et entretient mal son bien. Un paradoxe politique : une priorité sociale de premier plan, appuyée sur des politiques publiques relativement impuissantes – à ce jour – à agir sur les facteurs structurels de la demande sociale de logement. Absence totale de cohérence entre politique économique du logement et politique sociale du logement. Manque d’équité dans les politiques sociales du logement. Très grande difficulté d’intégration des politiques du logement – fédérales, régionales et communales – dans le contexte d’un fédéralisme peu concerté… L’on peut également relever quelques aspects critiques Intentionnellement, nous ne proposons de retenir ici que l’un ou l’autre aspect particulièrement critique des politiques publiques attenantes à l’exercice du droit au logement ; il va de soi que ces considérations lapidaires ont pour unique objectif de cerner quelques nœuds essentiels La politique d’information : insuffisante connaissance de la distribution des coûts, revenus, rentes et plus-values du marché immobilier privé. Les politiques foncières : peu ou pas de politiques foncières actives ou proactives, alors même que la part du foncier s’avère de plus en plus déterminante dans le processus de hausse des coûts d’accès au logement. Sous-valorisation généralisée des réserves foncières publiques. Peu ou pas d’intégration des politiques de valorisation des réserves foncières de différents opérateurs publics ou parapublics. Tendance (notoire au Fédéral) à gérer les réserves foncières publiques comme des actifs immobiliers, sans perspective urbanistique ni utilité par rapport à la politique du logement. La politique fiscale Lire notamment la contribution remarquable de Christian VALENDUC au Colloque du RBDH et de Solidarité en Plus, Pauvreté en Moins, 15 octobre 1997, in Actes du Colloque, pages 11 à 23 : manque criant d’équité et d’efficacité de la définition de la base taxable (revenu cadastral) et des prélèvements (précompte immobilier et additionnels). Peu d’éléments d’évaluation de la politique fédérale de dépenses fiscales pour les emprunts hypothécaires de propriétaires acquéreurs de leur logement. Quasi absence d’une taxation du patrimoine ; incohérence et improductivité de la taxation des revenus locatifs (fictifs) des propriétaires bailleurs. Faiblesse avérée de la taxation des plus-values. Distorsion entre la politique fiscale immobilière et la valeur réelle des biens. Enfin, contre- productivité du régime des droits d’enregistrement (facteur de renchérissement des coûts immobiliers). La politique de soutien à l’accès à la propriété : l’efficacité des dépenses fiscales fédérales n’est pas connue. La présomption de contre sélectivité et d’effet d’aubaine de ces dépenses est forte. L’action des Fonds régionaux du logement de la Ligue des familles est généralement jugée efficace et efficiente ; important potentiel de développement en cas de refinancement. Insuffisance – pour les bas revenus – des dispositifs d’accès à la propriété sociale du logement, en dépit d’une forte demande implicite d’une majorité de locataires du secteur privé. La politique de régulation des baux et loyers d’immeubles d’habitation du secteur privé : la législation actuelle est jugée très insuffisamment protectrice, notamment à l’égard de la définition du loyer en cas de renouvellement d’un bail ou en cas de nouveau bail. La forte instabilité locative alimente cette précarité. La politique d’encadrement/conventionnement public d’une partie du secteur privé locatif : encore marginale, cette politique devrait prendre une ampleur déterminante, sous condition de synergies et de complémentarités entre différentes politiques publiques. La politique du secteur public du logement (social et «moyen») : les politiques d’offre de logements locatifs sociaux ou moyens – même dynamisées et refinancées – ne pourront contribuer qu’à la marge à l’indispensable résorption de la demande sociale de logements. La capacité de gestion de programmes de construction de nouveaux logements sociaux ou moyens dans le secteur public est en effet rapidement saturée A titre d’exemple : de 1989 à 2003, le nombre de nouveaux logements sociaux mis en location dans la Région de Bruxelles-Capitale est de 1983 unités, soit une moyenne de 132 nouveaux logements par an…. Source : RBDH, article 23, 2ème trimestre 2004, pages 6 et 7. S’y ajoutent : 193 logements /an en rénovation urbaine et contrats de quartier, 34 logements /an dans l’aide locative du FL et 62 logements / an pris en gestion par les AIS. Total : 423 logements locatifs à caractère social (et parfois moyens dans le créneau communal) / an sur les quinze dernières années. Côté propriété sociale : le Fonds du logement a attribué une moyenne de 340 prêts hypothécaires/an sur les quinze dernières années. La SDRB a vendu 124 logements moyens/an sur la même période. Total : 464 logements subsidiés à caractère social ou moyen acquis / an sur les quinze dernières années. Total général des logements subsidiés par la Région Bruxelloise : 887 logements/an en moyenne sur les quinze dernières années. L’importance de la demande sociale de logement met le secteur public du logement dans une double contrainte : — Renforcer la sélectivité sociale de l’attribution de logements contribue à déstabiliser le secteur, tant du point de vue des coûts induits que des difficultés inhérentes à une grande concentration de ménages à bas et très bas revenus… ou — Pratiquer une politique de «mixité sociale», peu équitable et juridiquement ou éthiquement contestable.
Agir sur les facteurs structurels de la demande sociale de logement
1. L’information, préalable des politiques publiques
L’ensemble des politiques publiques relatives à l’exercice du droit au logement souffre d’un déficit majeur d’informations relatives à la distribution des coûts du logement, en particulier du logement locatif privé. Systématiser la collecte et le traitement de cette information peut donc être considéré comme un préalable indispensable de toute action publique en matière de logement. Sur cette base, plusieurs propositions peuvent être avancées. — Instituer l’obligation générale de conclure des baux écrits. Chaque contribuable propriétaire devra déposer, à l’appui de sa déclaration fiscale en annexe à sa déclaration de revenus immobiliers donnés en location, une copie du bail écrit en relation avec ses biens. À défaut de dépôt de ce bail ou de justification de son absence (chômage immobilier par exemple), la taxation sera renforcée. — Instituer l’obligation et la gratuité de l’enregistrement des baux. — Instituer l’obligation d’affichage du loyer dans les annonces et affiches des logements mis en location. — Déclaration à l’impôt des personnes physiques des revenus locatifs réels nets des propriétaires bailleurs (voir IPP ci-après). — Production et diffusion d’un rapport annuel sur les loyers et plus-values immobilières par l’administration fiscale fédérale. — Renforcement de la fonction publique d’«Observatoire de l’habitat et du foncier» dans les trois Régions : développement des capacités d’action et de l’utilisation de leurs données et analyses. Dans chacune des Régions, création d’un organisme A Bruxelles, la création du Service d’Inspection Régional préfigure partiellement cet objectif ; ce Service est chargé d’instruire et de délivrer les attestations (obligatoires pour la location des petits logements et meublés) et certificats (facultatifs) de conformité des logements. En Wallonie, des dispositions comparables attribuent cette responsabilité aux Communes visant à la reconnaissance de la qualité des biens à louer et à la fixation du loyer normal, notamment via l’utilisation des données et analyses de l’Observatoire.
2. Les politiques foncières, préalables des politiques du logement
En ce qui concerne, ces politiques, il s’agirait : — d’instituer l’obligation d’inventaire des réserves foncières non bâties et biens immobiliers sans affectation, détenus par les personnes morales de droit public, dans les centres urbains et noyaux d’habitat, à tous niveaux de pouvoir. — d’instituer un droit de préemption croisée (Régions sur Fédéral, Régions sur Villes et Communes et inversement) entre collectivités publiques sur la cession d’éventuelle d’actifs immobiliers publics relevant de leur domaine privé, dans les centres urbains et noyaux d’habitat. Objectiver le prix par le Comité d’acquisition. Enfin, cibler cette mesure sur les terrains et bâtiments susceptibles d’être affectés/réaffectés au logement. — de limiter la vente de biens immobiliers appartenant au domaine privé de personnes morales de droit public : instituer l’obligation de cession éventuelle de droits de superficie ou d’emphytéose, en lieu et place de la cession de propriété, dans les centres urbains et noyaux d’habitat. Cibler cette mesure sur les terrains et bâtiments susceptibles d’être affectés/réaffectés au logement. — d’instituer (régionalement) l’obligation communale d’inventaire des parcelles privées non bâties et des immeubles bâtis sans affectation situés dans les centres urbains et noyaux d’habitat ; et d’intégrer ces parcelles dans les périmètres d’application du droit de préemption défini par les Régions. Enfin, élargir et assouplir les conditions d’application des droits d’expropriation et de réquisition à l’égard de ces biens.
3. Les politiques fiscales, levier d’une régulation du marché immobilier
Afin de pallier divers risques inhérents à d’éventuelles stratégies de report des coûts induits par des normes nouvelles, les propositions qui suivent supposent une mesure préalable de blocage temporaire des loyers (pour de nouveaux baux ou lors du renouvellement des baux) à leur niveau actuel, moyennant indexation et prise en compte d’éventuels travaux de rénovation ou d’embellissement, dûment attestés. Cette mesure de blocage doit faire l’objet d’une large information. Elle est essentielle pour assurer la période de transition le temps que les modifications législatives prévues dans la présente note soient adoptées. Il s’agirait donc : — de taxer les plus-values sur revente d’immeuble : la taxation des plus-values immobilières nous paraît particulièrement importante, les plus-values immobilières étant par définition un «enrichissement sans cause» généré par la vente d’un bien dont l’usage est reconnu, par ailleurs, comme relevant d’un droit de créance essentiel. À ce sujet, il faudrait, primo, allonger le délai de revente En France, les plus-values immobilières sont taxables jusqu’à la 15ème année de détention (abattement de 10%/an à partir de la cinquième année).. (actuellement dans les 5 ans) à 10 ou 15 ans ; deusio, adapter la clause de majoration automatique (actuellement de 5% / an) du prix d’acquisition initial pour l’estimation de la plus-value (Hypothèse : le taux retenu serait celui de l’indice santé + taux d’intérêt sur carnet d’épargne, par exemple.) ; tertio, augmenter le taux d’imposition de 16,5 à 33% En France, le taux global d’imposition des plus-values immobilières est de 27%. Avant la réforme de 2004, ces plus-values étaient intégrées aux revenus imposables globalement et maintien l’exclusion du bien d’habitation personnelle du revendeur. — concernant, l’impôt des personnes physiques (IPP), d’aller vers : — une déclaration des revenus locatifs réels nets dans le chef tant du propriétaire que du locataire (déduction faite des dépenses réelles (et non plus forfaitaires, comme actuellement) d’entretien, de transformation ou d’embellissement -dûment certifiés- mais aussi de l’amortissement des coûts d’acquisition) des propriétaires bailleurs. — une taxation différenciée et progressive des revenus locatifs réels nets des propriétaires bailleurs. Cette taxation progressive doit tenir compte du nombre d’immeubles appartenant au propriétaire et/ou du niveau des loyers pratiqués. Les loyers nets annuels inférieurs à un pourcentage déterminé de la valeur vénale de l’immeuble feront l’objet d’une taxation distincte dont le taux (modéré) sera défini par le gouvernement Les loyers nets supérieurs à cette valeur feront l’objet d’une taxation dont le taux (dissuasif) sera défini par le gouvernement Enfin, les impôts payés par les propriétaires bailleurs pourront être diminués à due concurrence des dépenses d’amélioration de l’efficacité énergétique des logements mis en location. — et une suppression de l’imposition des revenus cadastraux à l’IPP, y compris pour les propriétaires bailleurs. — concernant le revenu cadastral et le précompte immobilier : — La valeur vénale du bien devient la base taxable, quel que soit le statut du bien (occupé ou non, donné ou non en location). En cas de vente, le prix de vente devient la base taxable pour une durée de dix ans, indexé annuellement. Pour les biens acquis dans les dix dernières années, le prix d’acquisition constitue la valeur vénale, indexée annuellement, pour une durée de 10 ans à dater de l’acquisition. Pour les biens acquis antérieurement, la valeur vénale est définie par l’administration de l’enregistrement ; elle est indexée annuellement. Dans la onzième année qui suit la définition de la base taxable, l’administration de l’enregistrement procède à la redéfinition de la base taxable : appréciation de l’évolution du prix du bien (valeurs intrinsèque et extrinsèque). — La valeur vénale ainsi estimée définit l’assiette taxable au titre du droit des successions. — Le précompte immobilier devient une taxe régionale sur le patrimoine immobilier (+ additionnels communaux) — Introduire une modalité de surtaxe régionale du patrimoine immobilier applicable aux biens dépourvus d’affectation ; veiller à l’automaticité de l’application de cette surtaxe, lors de la deuxième année d’abandon présumé du bien (quand le bien ne fait pas l’objet d’un usage personnel et qu’aucun revenu n’est déclaré à l’IPP). — Adaptation conséquente des clés de répartition du Fonds des Communes, dans chacune des Régions., compte tenu de la variation spatiale des effets de la réforme du PI. — concernant les droits d’enregistrement, voir ci-après (accès à la propriété sociale ou moyenne).
4. Accès à la propriété sociale (ou moyenne) du logement affecté à la résidence du ménage
Ici, quatre mesures seraient à prendre. — Re-ciblage progressif des dépenses fiscales fédérales pour capital et intérêts d’emprunts hypothécaires : — limiter le bénéfice de la déductibilité des intérêts d’emprunts hypothécaires aux seuls emprunts relatifs à la maison d’habitation du contribuable (éviter un incitant à la multipropriété); — transformer cette déduction fiscale en crédit d’impôt forfaitaire remboursable (permettre aux contribuables à bas revenus d’en bénéficier); — dans ce cadre, à dépense fiscale constante, augmenter le crédit d’impôt forfaitaire remboursable; — éventuellement, moduler le montant du crédit d’impôt forfaitaire en fonction de la localisation du bien (Centres urbains et noyaux d’habitat). — Soutien des Régions à l’accès à l’emphytéose sociale ou moyenne (SDRB, SWCS, FLFNW, FLB) : dans les centres urbains et les noyaux d’habitat, instituer un accès subsidié au logement de candidats «propriétaires» via des baux emphytéotiques, éventuellement reconductibles par succession en ligne directe, sur des immeubles appartenant à des personnes morales de droit public. Le canon emphytéotique ne concernera donc que l’usufruit du bâti. La propriété foncière restera publique. Ciblage : conditions d’accès aux Fonds régionaux du logement. — À propos des droits d’enregistrement : — Diminuer drastiquement le coût de l’enregistrement relatif à l’achat du premier immeuble d’habitation : abattement forfaitaire de 100 000 euros + 10% par personne à charge (par exemple) pour l’acquisition du premier immeuble d’habitation en vue d’y établir sa résidence principale, dans les centres urbains et noyaux d’habitat (actuellement : de 45 000 euros à 60 000 euros à Bruxelles). — Réserver le bénéfice de cette mesure aux acquéreurs dont les revenus sont inférieurs aux plafonds de revenus des Fonds régionaux du logement. L’institution d’une augmentation et d’une progressivité du taux (actuellement 12,5%) sur les tranches supérieures pourrait servir à financer cette mesure. — De manière générale, toutes les formules d’accès subsidié à la propriété du logement doivent être associées à des conditions évitant la spéculation immobilière et limitant la captation privée des plus-values éventuelles : généralisation du droit de préemption, détermination d’un plafond de prix de revente et d’un plafond de loyers sur une durée à déterminer (25 ans).
5. Développer l’encadrement public d’un secteur privé locatif conventionné
Il s’agit: — concernant le droit de gestion publique d’immeubles inoccupés susceptibles d’être affectés au logement, d’évaluer l’effectivité de ce nouveau droit et assouplir ses conditions d’exercice, tant en Wallonie qu’à Bruxelles Nicolas BERNARD (FUSL), Le Code bruxellois du Logement et les Communes, in Trait d’Union n° 7, août 2003, pp. 1 à 7. Pour ce faire, il faut : — instituer, comme en Flandre, l’usage systématique des inventaires communaux d’immeubles inoccupés, sans en faire une condition limitative ; — supprimer la disposition du Code bruxellois du logement permettant de tenir pour occupé un logement vide, via la domiciliation fictive du propriétaire ; — supprimer la disposition du Code wallon du logement prévoyant le recours au Juge de paix pour obtenir le mandat de gestion publique ; — introduire dans les Codes wallon et bruxellois la disposition du Code flamand du logement : en Flandre, le propriétaire ne perçoit pas de loyer mais une indemnité équivalente au revenu cadastral (lequel, on le sait, est largement inférieur à la valeur locative réelle), sans que cette indemnité puisse dépasser le loyer reçu par l’opérateur immobilier; — introduire dans le Code bruxellois du logement, à l’instar du Code wallon, le droit de gestion publique pour les Agences immobilières sociales. — de développer l’aide publique à la création de logements conventionnés à loyers modérés par des personnes physiques. — concernant l’action publique en matière de médiation sociale sur le marché locatif privé: — d’améliorer l’efficacité du dispositif AIS et élargir le champ d’application de leur action. Il faudrait préciser les modalités, notamment : 1/ étendre leur rôle au conseil et soutien à la gestion locative, tant des propriétaires bailleurs que des locataires (Cfr. Woonwinkels, en Flandre) et les soutenir dans ce rôle, 2/ modifier l’article 1717 du Code civil afin de permettre aux intercommunales et associations de CPAS de sous-louer des logements destinés à servir de résidence principale, 3/ évaluer la pertinence de la division et de la répartition du travail entre SISP, AIS, FL et autres opérateurs publics ou parapublics; améliorer le potentiel de synergies, d’actions communes ou de substitution de rôles). — d’améliorer le fonctionnement des régimes des Adil, Adel et Huursubsidies et, le cas échéant : 1/ élargir leur champ d’application de manière à faciliter leur usage pour les personnes sans abri, les personnes sortant de détention, les résidents permanents de camping et les personnes menacées d’expulsion, 2/ étudier l’opportunité d’intégrer dispositif des AIS et régime des Adil, Adel et Huursubsidies,3/ prévoir une procédure d’attribution d’urgence pour les familles avec enfants en difficulté de logement, éventuellement co-financée par le secteur des allocations familiales et 4/ Mettre en place une solution juridique relative à l’utilisation de l’adresse de référence pour les personnes sans domicile fixe.
6. Créer un Fonds commun de garantie locative
Un des problèmes les plus difficiles pour les candidats locataires a trait au paiement de la garantie locative. Celle-ci représente souvent trois mois de loyer qu’il est extrêmement difficile pour le locataire de présenter lorsqu’il signe le contrat de bail. L’intervention des CPAS pour garantir cette caution locative présente des difficultés puisque le propriétaire s’effraie souvent et en déduit que le candidat locataire présente des risques certains d’insolvabilité quant au paiement de loyers. Une solution serait donc de dissocier complètement la constitution de la garantie locative des négociations relatives au bail. Actuellement, ces garanties locatives sont déposées auprès de banques. Celles-ci rémunèrent le locataire par un taux d’intérêt égal au taux d’intérêt du carnet de dépôt. Comme ces montants sont bloqués pour des périodes relativement longues (3, 6 ou 9 ans), les banques bénéficient donc d’un différentiel d’intérêts substantiels. Il avait été envisagé de créer un seul lieu de dépôt de garanties locatives qui serait la Caisse de dépôts et consignations. Ce système paraît cependant fort lourd et particulièrement difficile quant au déblocage des garanties. Une autre solution, inspirée de ce qui se passe en matière d’assurance responsabilité civile automobile, serait de créer un Fonds de garanties locatives avec la collaboration active des diverses banques auprès desquelles les dépôts de garanties sont opérés. Chaque locataire constitue auprès d’une banque une garantie locative dont il assume la couverture soit par un versement unique soit par des versements morcelés pouvant s’étaler au maximum sur trois ans. En échange, et sans que soit détaillé le mode de constitution de la garantie, le locataire produit une attestation auprès du propriétaire de ce que garantie locative a été constituée. La relation locataire-banque est ainsi rendue totalement indépendante de la relation locataire- propriétaire. En cas d’appel à la garantie locative, à l’expiration du bail, soit la garantie a été entièrement constituée et joue son rôle normal soit elle est insuffisamment constituée. Dans ce cas, le Fonds de garantie se substitue au locataire défaillant avec un droit de recours à son égard. L’alimentation du Fonds de garantie se fait par les banques participant au système. Si les garanties défaillantes ne représentent que 5 ou 6% des montants globaux (ce qui paraît énorme, la situation devant se situer plus près des 1 ou 2%), les banques peuvent supporter le coût du Fonds de garantie puisqu’elles tirent un avantage du taux d’intérêt bas qu’elles servent. Si le risque était plus grand, une contribution partielle de l’État permettrait d’assurer la couverture du risque. Propriétaire et locataire se retrouvent dans pareil système qui complète avantageusement l’ensemble des autres mesures.