Politique
Le train fou de BHV
01.02.2005
L’affaire de la possible scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde pousse les limites du surréalisme belge dans des zones stratosphériques inexplorées. C’est tout autre chose que l’affaire des facilités (provisoires ou définitives) et des mesquineries qui découlent des circulaires Peeters et Martens et qui, effectivement, enquiquinent ceux qui en sont l’objet. Mais là, au moins, et quoi qu’on en pense, on identifie l’enjeu. Mais scissionner l’arrondissement électoral BHV, quel en serait l’effet pratique? Il faut d’abord rappeler que cet arrondissement n’existe que pour les élections fédérales. Les parlementaires qui en sont issus siègent dans des assemblées bilingues, après s’être redistribués dans les groupes politiques de leurs choix. Aujourd’hui, cet arrondissement fourni à la Chambre 22 députés, ce qui le met au deuxième rang, juste derrière la province d’Anvers (24), avant la Flandre orientale (20) et le Hainaut (19). Sur ces 22 députés, on dénombre 13 francophones et 9 Flamands. Les francophones font leurs voix à Bruxelles avec un appoint substantiel en périphérie (pas seulement dans les six communes répertoriées à facilités, mais aussi à Beersel, Tervueren, Overijse, Dilbeek…) ; les Flamands font les leur dans les cantons de Hal et Vilvorde, dans la périphérie flamande de la capitale (Meise, Grimbergen) et dans les grosses bourgades anciennement villageoises, avec l’appoint de la minorité flamande de Bruxelles. La taille importante de l’arrondissement électoral, ainsi que l’équilibre des deux groupes linguistiques à l’échelle de l’arrondissement, permet à chacun d’émettre un choix au plus proches de ses convictions, sans être obligé, pour ne pas «perdre de sa voix», d’émettre un «vote utile» en se ralliant à une grosse liste. C’est un important privilège par rapport au Luxembourg, qui ne dispose que de 4 députés, au Brabant wallon (5), à la province de Namur (6) ou au Brabant flamand (7). Si l’arrondissement BHV est coupé en deux, les Flamands se trouveront en nette minorité à Bruxelles, et cette minorisation crèvera alors les yeux, tandis que maintenant, l’existence de BHV maintient un certain flou sur la légitimité électorale de ses députés (même si les votes par canton sont bien connus). Les francophones seront dans la même situation à Hal-Vilvorde. Dans un tel climat de raidissement communautaire, les uns et les autres seront obligés de former des listes de larges cartel (Fl à Bruxelles, Fr à Hal-Vilvorde) pour maintenir les positions de leurs groupes linguistiques respectifs. Au bout du compte, on n’aura pas diminué d’un iota le poids des francophones dans le Brabant central et donc au Parlement fédéral, on les aura seulement obligé à ne se déterminer qu’en fonction de leur sexe linguistique, en mettant de côté tous les autres clivages qui font le sel de la démocratie, celle-ci étant encore un peu plus réduite à l’affrontement des ethnies. On a beau retourner le problème dans tous les sens, on ne voit pas, mais alors vraiment pas, ce que quiconque pourra y gagner.