Politique
Le Tabac t’abat
01.12.2003
«C’est une non-fumeuse radicale qui vous le dit: actuellement, on en fait trop dans la culpabilisation des fumeurs. D’accord, il y a les goujats qui vous soufflent leur fumée dans la figure, ceux qui jettent leur mégot à terre, encore fumant de préférence, ceux qui bleuissent les pièces communes… Mais il y a aussi tous les discrets, qui tirent sur leur cigarette presque clandestinement ou qui sortent sur votre balcon en plein hiver à trois heures du matin pour ne pas vous importuner… Alors, pour tous ceux-là, je dis haut et fort : qu’on leur foute la paix! — Oui, mais quand même, tu ne peux pas nier le coût social… — Le coût social? Imagine la catastrophe si soudain, l’ensemble des citoyens d’un pays arrêtaient de fumer! Les pertes d’emplois! Le trou dans le budget de l’État! Et puis, d’accord, il y a les coûts de la santé, mais au moins, si les fumeurs vivent moins longtemps, ça fait autant de seniors en -moins. Ce n’est pas le vieillissement de la population, notre plus gros souci budgétaire? — Et tu fais quoi de ceux qui s’intoxiquent avec la fumée des autres? — Tu veux parler du tabagisme passif ? Et le “voiturisme” passif, ce n’est pas gênant? Moi, je n’ai pas de voiture, mais je n’en respire que mieux les gaz d’échappement quand je marche ou que je me déplace en vélo… Alors d’accord, il faut dissuader les jeunes, mais diaboliser le tabac n’est peut-être pas le moyen le plus efficace. — C’est vrai qu’il y a un petit côté hypocrite dans ces mises en garde contre un produit qu’on n’ose quand même pas interdire. C’est comme si on mettait l’arsenic en vente libre, avec une tête de mort sur les paquets pour se donner bonne conscience… — Tant qu’à faire, on pourrait aussi graver sur les fusils de la FN : “Attention, les balles tuent”… — … ou sur les paquets de chips, “ce produit peut conduire à l’obésité”. — À mon avis, on est moins préoccupé de santé que de moralisation. Pour avoir droit aux soins, il faudra être riche… ou alors méritant. Vous pensez que j’exagère? Voyez le gouvernement français qui suggère de ne pas rembourser de la même façon une fracture de la jambe occasionnée dans la rue et celle encourue au ski. La première mérite la compassion nationale. La seconde, c’est du luxe. — Mais d’abord qu’est-ce qu’on faisait dans la rue? Il faudrait aussi faire la différence entre “la rue pour aller travailler” et “la rue pour aller boire un verre”… — Un verre! Tu n’y penses pas! — On aurait deux tarifs de remboursement : “cancer fumeur” et “cancer non fumeur”. Le tarif “greffe du foie” avec ou sans alcool… — Le tarif grippe avec ou sans écharpe… — À lire la presse, le développement du tabagisme nous menace principalement, nous, mes sœurs. « Une catastrophe sanitaire », titrait Le Monde, qui n’a pas l’habitude de plaisanter. Et vous savez pourquoi nous nous sommes mises à fumer? — Parce que la cigarette est apparue comme une forme d’émancipation… — … et parce que la pub, dans les années cinquante, recommandait aux femmes d’abandonner les friandises pour le tabac. Pour rester mince! — Mince alors! Le chocolat, lui au moins, a de vraies vertus curatives! Si, si, c’est scientifique… — Très bien, mesdames, alors revenons à la sagesse. Écrasons nos cigarettes et ouvrons nos tablettes. Blond ou brun? Non, noir amer s’il vous plaît. Et puis, balançons notre balance! Le stress, lui aussi, nuit gravement à la santé.»