Politique
Le rêve de Magnette
26.10.2015
À cette occasion, l’actuel chef du gouvernement wallon dessine un axe central de la « gauche réformiste » européenne selon son cœur, qui serait situé « entre la social-démocratie historique et les gauches dites radicales ». Il n’est pas tendre pour la première, pointant l’exemple français des Hollande et Valls qui tenteraient de « régénérer la gauche en la trempant dans un bain d’inspiration libérale », n’ayant rien appris du « naufrage blairiste ». Dans la même veine, il aurait pu également épingler Sigmar Gabriel, le numéro 2 social-démocrate d’Angela Merkel, ou Jeroen Dijssenbloem, socialiste néerlandais et président en exercice de l’Eurogroupe, qui ont rivalisé de zèle pour mettre la Grèce rebelle au pas. Vis-à-vis de la gauche radicale, l’heure n’est plus à l’ostracisme mais l’accusation est connue : toute posture extrême mène à l’impuissance. Le salut viendrait d’un nouvel axe auquel il annexe Corbyn mais qui s’incarnerait surtout dans des courants nouveaux vierges de toute compromission. Il cite Syriza (Grèce) et Podemos (Espagne), dont il salue l’évolution récente vers plus de réalisme. Mais pas un seul « vieux » parti social-démocrate continental ne trouve grâce à ses yeux dans sa nomenclature. On a envie de lui poser la question : pour quelles raisons son propre parti échapperait-il à cette débandade ? De façon finalement très classique, Magnette cherche à profiter du passage involontaire du PS à l’opposition fédérale pour gauchir son propos afin de recoller à sa base électorale et aux mouvements sociaux. Ce mouvement de balancier peut-il encore fonctionner ? Après l’expérience peu concluante du dernier gouvernement Di Rupo, on en doute. L’époque des compromis « win-win » où l’on pouvait donner satisfaction à toutes les couches sociales en même temps est définitivement révolue. Faute d’une croissance vigoureuse qui ne reviendra plus jamais, le logiciel social-démocrate tourne dans le vide, avec un personnel politique complètement formaté par une longue addiction au pouvoir et bien incapable de « changer de paradigme ». Voilà pourquoi, à propos de la social-démocratie européenne, on ne peut pas seulement parler d’une impasse politique, mais aussi, en de nombreux endroits, d’une déchéance morale que certains partis paient au prix fort. L’émergence de formations comme Syriza et Podemos – ou du Bloc de gauche portugais qui vient d’obtenir le score électoral le plus élevé de sa jeune histoire – marque autant une rupture avec de vieilles politiques qu’avec de vieux appareils ossifiés, voire corrompus. Elles avancent en ce moment en procédant par essais et erreurs, et nous n’ignorons pas les débats voire les ruptures qui accompagnent leurs évolutions. Mais « ça bouge », ça vit, ça agit et ça débat. En cette période de grande incertitude, c’est rafraîchissant, même si c’est parfois douloureux. Ce mouvement peut-il s’étendre à l’Europe du Nord ? On sent le malaise, dans lequel s’engouffrent, ici et maintenant, un parti comme le PTB et un mouvement social inédit comme Tout autre chose. Cela reste fragile et marginal. Pour puissantes qu’elles apparaissent, les luttes traditionnelles impulsées par les organisations syndicales ne semblent plus en mesure de forcer des résultats significatifs. Faudra- t-il attendre que, comme en Europe du Sud, les couches moyennes du salariat soient plongées dans une véritable précarité pour qu’émergent à large échelle de nouvelles formes de résistance sociale ? Magnette pense qu’il n’est pas trop tard pour régénérer la vieille gauche d’ici. Chiche ? 18 octobre 2015