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Le Pacte d’excellence en débat : jeter le bébé avec l’eau du bain ?

Depuis notre dernier débat sur le Pacte pour un enseignement d’excellence (n° 101, septembre 2017), les premières mesures sont entrées en vigueur. Deux acteurs de terrain, aux avis divergents, en évaluent la portée. Le Pacte pour un enseignement d’excellence, un effondrement programmé ? Ou plutôt un navire à barrer ? Voilà bien un dispositif qui a suscité moult discussions dès son origine et continuera de secouer les débats jusqu’à ce qu’il produise tous ses effets. Mais quels effets ? Plusieurs éléments constitutifs du Pacte attestent de ses intentions progressistes. Cependant, garder le cap nécessite de tenir la barre avec vigilance.

Un article a paru dans le numéro 115 de la revue (avril 2021). Il est complété par un deuxième article : Un effondrement piloté rationnellement.

La question de savoir si le Pacte pour un enseignement d’« excellence » sera in fine un produit du néolibéralisme est difficile à prévoir aujourd’hui. Rappelons-nous que ce chantier a commencé il y a 5 ans et a encore 8 ans  devant lui avant d’aboutir. Le tronc commun n’en est qu’à ses débuts et le Pacte évoluera tout au long de l’avancée de celui-ci. Il est vrai que l’institution scolaire fédérale, puis communautarisée, nous a toujours préparés au pire. Il suffit de jeter un regard en arrière. L’école d’aujourd’hui est toujours l’école du XXe siècle (elle-même héritière du XIXe et de l’idéologie jésuite [1. Au XVIe siècle, Ignace de Loyola fit de l’école l’instrument de la reconquête catholique (la Contre-Réforme) afin de contrecarrer l’expansion protestante sur  l’un de ses terrains de prédilection : l’accès aux savoirs  religieux et laïques. Ces écoles se voulaient élitistes. Il  s’agissait de privilégier les plus méritants et d’éliminer les autres.]) qui avait pour mission fondamentale de régler l’ordre de la société, c’est-à-dire de fabriquer, d’une part l’« élite », et d’autre part des travailleurs pour la servir. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de fabriquer des « élites », celles-ci étant bien établies dans tous les rouages rentables de notre société, mais de s’assurer que leur descendance bénéficie d’une formation qui leur permettra de faire de hautes études, au détriment des enfants des classes plus « basses ».

En Belgique, on est ministre de père ou de mère en fils, comme on aura un parcours universitaire grâce à la même filière et, au bout du chemin, un poste ou un métier de prestige. Les enfants des « autres » feront, au mieux, une haute école et deviendront infirmier·ères, instituteur·rices, infographistes, assistant·es sociaux·ales, éducateur·rices… et les serviront lorsque ce sera nécessaire. Au pire, ils sortiront sans diplôme d’un système scolaire qui n’a jamais été fait pour eux et a toujours refusé de l’être. Ces derniers seront au mieux des ouvriers peu rémunérés, ilotes des temps modernes. L’école du XXe siècle était néolibérale, celle du début du XXIe l’est tout autant.

Alors, quand on parle de changer l’école et qu’on confie la tâche aux acteurs qui sont responsables de cette catastrophe humaine (le politique, les réseaux…), on est tout à fait en droit d’imaginer le pire, tant nous avons vécu déception sur déception durant des décennies. D’aucuns craignaient déjà un simple ravalement de façade. Un peu de stuc à gauche, du préfabriqué à droite, de la couleur pour faire croire à une nouveauté et des parpaings mal cimentés pour tenir le tout. Bref, ce qu’on a toujours connu. Mais c’est oublier que, si les structures institutionnelles sont les mêmes, les êtres qui les habitent aujourd’hui sont différents. La société également a évolué. Le droit fondamental a enfin reçu la place qui est la sienne, notamment les droits de l’enfant ou de la personne handicapée. Et le droit à une école plus juste et plus inclusive a tracé son chemin. Les  associations se sont  mobilisées sans re- lâche pendant des années et ont aidé à changer les mentalités de ceux qui ont été élus par les citoyens pour améliorer la société, et qui se sont enfin mis à leur écoute. La conjonction des astres étant devenue favorable, l’ « Appel à refondation », lancé lors de la campagne électorale 2014 à l’initiative de la Plateforme de lutte contre l’échec scolaire [2. La Plate-forme de lutte contre l’échec scolaire est une initiative de la Ligue des droits de l’Enfant datant de 2003 et comportant des associations de la société civile (Aped, Cgé, la Fédération francophone des écoles de devoirs, la Fapeo, Infor-Jeunes Laeken, la Ligue des familles, Lire et Ecrire, le Moc, le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté) et les syndicats de l’enseignement (CGSP-Enseignement, CSC-Enseignement et Sel-Setca), a reçu une réponse positive du nouveau gouvernement communautaire PS-CDH, celle de mettre en place un « Pacte pour un enseignement d’excellence.] ».

L’appel à refondation, porté par une société civile progressiste, faisait les constats de l’école de l’échec. Les signataires demandaient aux femmes et hommes politiques « d’affirmer leur volonté d’ouvrir le débat en vue d’une refondation de l’École pour répondre aux défis de notre société ». Nous appelions, sur base de nos constats, à identifier les freins aux changements et à débattre avec les acteurs en levant les tabous qui empêchent toute évolution globale du système. Parmi ces derniers, nous pointions le quasi-marché scolaire, ainsi que la complexité du système – en particulier du fait des réseaux –, l’articulation des différents niveaux scolaires, la hiérarchisation des filières, les modes d’évaluation des élèves, des professionnels et du système, le temps scolaire des enseignants et des élèves et, enfin, nous appelions à proposer un projet global concerté et cohérent pour l’enseignement obligatoire et la formation des enseignants.

Fonder le Pacte

Ce projet global, nous en avions tracé les grandes lignes en 2004 déjà, lors de la rédaction du mémorandum de la plateforme de lutte contre l’échec scolaire. Celui-ci appelait, entre autres, à la mise en place d’un tronc commun polytechnique jusque 16 ans afin de rendre accessible à chacun le bagage de connaissances et de compétences nécessaires pour appréhender le monde et pour participer activement à sa transformation vers plus de justice. De même, nous revendiquions des dispositifs de remédiations multiples – qui sont devenus depuis les aménagements raisonnables –, une véritable gratuité des frais scolaires ainsi que des activités pédagogiques organisées par les écoles, un vrai partenariat familles-écoles, un pilotage du système pour mieux réguler le système éducatif et une réforme de la formation initiale et continuée des enseignants. La plupart de ces revendications ont atterri dans le Pacte.

Nous avions conscience que refonder notre système d’enseignement était une démarche extrêmement complexe et délicate. C’est un immense paquebot aux multiples cheminées qui tourne en rond à  toute vapeur depuis des décennies au milieu des icebergs, malgré la houle et les brisants, et que l’on a enfin décidé de faire naviguer cap plein Sud. Cela ne se fait pas d’un simple coup de barre plein pot. À force de naviguer depuis des décennies toujours un peu plus à tribord, les résistances aux changements de directions sont importantes. S’il navigue ainsi, c’est  parce que tribord est précisément le côté des cabines de luxe, composées de suites imposantes, tandis qu’à  bâbord, se trouvent les cabines plus modestes et les dortoirs des troisièmes classes. Il s’y trouve plus de  passagers mais ceux-ci, jamais, ne mangent à la table du capitaine et donc, ne peuvent parler que trop rarement à son oreille. Il a donc fallu imposer un nouveau commandant à tête de ce gigantesque navire. Cela n’a pas empêché  que l’annonce du changement de cap ne provoque d’inévitables réactions. Les cabines de luxe ont évidemment été réticentes. Elles ont toujours imposé ou négocié la route à suivre et considèrent le paquebot comme un bien personnel qui doit leur rapporter. Parmi l’équipage, une minorité de gueulards s’écriait : « Naviguer à tribord c’était mieux ! On avait nos habitudes et donc moins de travail ». D’autres leur répondaient : « On en a marre de votre tribord, on veut pouvoir faire notre boulot pour tous les passagers sans exception ».

Chez ces derniers, il y avait ceux des premières classes qui disaient : « On ne va quand même pas naviguer à bâbord, ce serait une navigation par le bas ». Ceux des autres classes répliquaient : « Le bateau ne vous appartient pas, c’est un bien commun, nous voulons qu’on respecte aussi nos droits ».  L’annonce de la mise en chantier du Pacte a été une tempête au sein du système scolaire. L’objectif annoncé « Nous allons virer de bord, direction le soleil pour tous ! » a généré des réactions diverses, tant positives que négatives. Pour les conservateurs et tenants de l’école de la sélection, ce n’était pas une bonne nouvelle, tandis que pour les défenseurs d’une école de la réussite, c’était un véritable espoir. Mais un espoir mesuré ; les déceptions s’étant succédé durant des  décennies. Cependant, l’occasion qui s’annonçait serait unique et il fallait sauter dessus. Fort heureusement, le Pacte reposait sur une vision progressiste de l’école. Vision que les acteurs des mondes associatif et académique ont élaborée  et dont ils ont porté les revendications durant plus d’une décennie, faisant ainsi percoler ces idées au sein de la société et d’une partie du monde politique.

Sur cette base, il était tout à fait possible de construire un projet fort pour une école de la réussite. La question qui demeurait était : « Comment les différents partenaires appelés à construire ce Pacte, et ayant des intérêts parfois radicalement divergents, souvent éloignés de l’intérêt des enfants et des familles, vont-ils s’entendre pour fonder un projet progressiste, sans qu’à terme ils ne nous jouent Nearer, My God, to Thee [3. En français « Je crois en Toi, mon Dieu ». Selon la légende populaire, c’était le dernier air joué par l’orchestre du Titanic avant son naufrage.] ? »

Évaluer le Pacte à presque mi-parcours 

Alors, cinq ans plus tard, quelles constatations pouvons-nous déjà faire sur l’orientation de ce Pacte ? L’avis n°3 du groupe central relatif au Pacte pour un enseignement d’excellence en reprend les grandes lignes [4. Disponible sur www.enseignement.be.]. Il présente l’ensemble des initiatives et des mesures du Pacte articulées autour de 5 axes stratégiques dont les objectifs sont définis, mais pour lesquels on ne connait pas encore tous les détails. L’avis  a été adopté par le gouvernement le 22 mars 2017, chaque axe devait (et doit) encore (pour certains) faire l’objet de travaux entre experts et de négociations entre les partenaires. Même s’il ne va pas aussi loin que les mouvements progressistes l’espéraient, il balise clairement le changement de cap. C’est donc un véritable espoir pour une école de la réussite. Mais il reste à être concrétisé. Il est évident que les premières classes ont cherché à imposer une orientation néolibérale à ce changement de cap, principalement par le renforcement de leur pouvoir d’influence sur la marche du navire, mais aussi par l’acquisition de nouveaux privilèges, notamment pour donner plus de pouvoirs à leurs directions d’écoles, via la mise en place d’une culture entrepreneuriale. Et, plus récemment en voulant imposer une évaluation-sanction des membres du personnel. Enfin, en ne voyant que l’intérêt de leurs écoles-membres, au détriment des élèves et des familles mais aussi des professionnels de l’éducation  comme le démontre, par exemple, la création des Pôles territoriaux.

Le Pacte n’en demeure pas moins progressiste sur le papier. Du moins, par rapport à l’école du XXe siècle. Si l’on devait le comparer à des systèmes scolaires réellement soucieux de la réussite de tous, il y aurait sans doute à mettre beaucoup plus de nuances. Mais quand on sait d’où l’on vient, on ne peut que garder l’espoir d’un véritable changement de paradigme, et donc des pratiques. Cependant, rien n’est gagné d’avance. On a vu que  tout changement, même minime, devait être négocié, amendé, re-négocié et ré-amendé de nombreuses fois avant d’être finalisé. Si tous les acteurs autour de la table avaient la volonté de créer un projet fort au bénéfice de tous les élèves – mais aussi dans l’intérêt de tous les enseignants – les choses seraient plus simples et la question de la mainmise néolibérale ou progressiste sur le projet ne se poserait pas. Les acteurs qui, au cours des dernières décennies, se sont progressivement octroyé des pouvoirs sur le système d’enseignement, notamment dans la gouvernance des écoles, sont essentiellement là pour les renforcer plus encore. Et même s’ils tentent de se donner un verni démocratique, peu leur chaut la sélection au sein des écoles et la mise en compétition des élèves  entre eux (c’est l’intérêt de leurs écoles élitistes), les orientations abusives vers l’enseignement spécialisé (ce qui alimente leurs écoles du même nom) ou les orientations d’élèves de milieux populaires vers le technique ou le qualifiant (pour les mêmes raisons).

Ne rien lâcher

Maintenant, la balle reste dans les mains des progressistes, que ce soient les syndicats, les associations, les académiques et les politiques (s’il en reste). Prenons, par exemple, le chantier du tronc commun polytechnique « et pluridisciplinaire ». On sait que l’efficacité d’un tronc commun dépend de sa durée. Plus  celui-ci est long, plus il est efficace. Initialement prévu jusque 16 ans, il a été limité à 15 ans, très probablement pour protéger les écoles techniques et professionnelles, à l’encontre de l’intérêt des élèves. C’est avant tout un échec du capitaine du navire qui n’a pas su garder le cap, mais ce sursaut de l’école néolibérale ne peut en aucune manière justifier que nous
baissions les bras.

Par exemple, sur le caractère authentiquement polytechnique, il faudra que nous soyons extrêmement attentifs afin que l’objectif du Pacte – éviter de recréer des filières – soit une réalité. On peut craindre que les écoles dont les troncs communs sont suivis par des filières techniques ou professionnelles aient des conceptions très personnelles de l’approche éducative de l’orientation [5.Groupe central relatif au Pacte pour un enseignement  d’excellence, Avis n°3, « Définir l’orientation et pérenniser l’approche éducative de l’orientation », p. 68.]. De même, sur la conception  polytechnique, réseaux et spécialistes n’ont pas la même vision, tout comme sur l’utilité même d’un  tronc commun.  Un tronc commun, s’il est bien construit, c’est  un projet résolument progressiste. C’est d’abord la concrétisation d’un idéal qui nous vient des Lumières, c’est l’idéal d’égalité. C’est l’égalité d’un droit, celui du droit à l’éducation. C’est le droit à la maîtrise par tous d’un essentiel qui leur permettra de devenir des citoyens actifs et responsables, bref des citoyens critiques. C’est la mise en place de ce tronc commun qui confirmera ou non l’objectif d’égalité. En effet, on peut faire un tronc commun rempli de vent, avec des référentiels bricolés par des profs et des inspecteurs qui ont toujours enseigné la même chose ou choisir de les construire avec des scientifiques et des didacticiens. De même, l’aspect « polytechnique » peut n’être qu’un cours de bricolage un peu élaboré ou construit scientifiquement de manière à réellement permettre « d’ouvrir tous les élèves à une importante diversité de champs et de domaines, qui les préparera à poser, à son issue, un choix de filière plus mature et plus documenté, notamment par la découverte progressive de nouveaux horizons et de nouveaux métiers et l’exercice de différentes formes d’activités [6. Groupe central relatif au Pacte pour un enseignement d’excellence, Avis n°3, « Les conditions d’une mise en œuvre réussie d’un tronc commun redéfini et renforcé », p. 55.]».

Sur les plans de pilotage, il est bien clair que ce sont les réseaux qui se sont mis à la manœuvre en proposant des méthodologies venues du monde de l’entreprise. Mais cela ne veut pas dire que ceux-ci auront nécessairement une odeur néolibérale. Les enseignants et les syndicats ont tout pouvoir pour orienter ces  plans de pilotage dans le sens d’une école plus inclusive, plus citoyenne, plus progressiste. C’est un combat qu’ils doivent prendre à bras le corps, dans leur intérêt, mais surtout dans celui de leurs élèves. D’autres aspects progressistes sont à relever dans  le Pacte, à commencer par l’avancée de l’enseignement obligatoire à 5 ans. Celle-ci est une vieille revendication du secteur associatif, mais également du monde enseignant. Peu d’élèves ne fréquentaient pas la 3e maternelle, mais cela représentait pour ceux-ci un facteur d’échec à l’école primaire. L’objectif est donc de lutter contre les inégalités et les discriminations dont sont victimes les enfants de familles populaires. Cette année supplémentaire permet également de détecter précocement les difficultés d’apprentissages et de mettre rapidement des aménagements raisonnables en place.

L’objectif de gratuité progressive va dans le même sens et on ne peut que s’en réjouir. C’est une revendication de la société civile. La Communauté française est désargentée, mais l’objectif d’avancer année après année vers une gratuité totale à terme est une mesure que l’on peut qualifier de progressiste. Son objectif est bien de permettre aux familles les moins nanties et qui ont le plus de mal à assumer les frais de scolarisation de leurs enfants de pouvoir consacrer leurs revenus à des choses plus essentielles. Là encore, nous devrons être attentifs et veiller à ce  que les budgets prévus ne soient pas orientés vers d’autres projets, comme l’équipement numérique, par exemple.  L’adaptation des rythmes scolaires est une vieille revendication de la Ligue des familles, soutenue par le monde associatif. La crise du Covid-19 nous a montré que 15 jours de vacances à la Toussaint permettaient, non seulement à la pandémie de reculer, mais surtout aux élèves de se reposer et d’être plus aptes à suivre les cours après 2 semaines de congé. Une école plus soucieuse de ses élèves devient progressivement citoyenne. Et donc, plus progressiste.

Sur les aménagements raisonnables, et même si le décret qui les impose est largement imparfait, nous avons également de quoi nous réjouir. C’est un timide début, mais l’objectif est d’aider les enfants à besoins spécifiques à bénéficier d’aménagements physiques ou pédagogiques qui leur permettront de poursuivre leur  scolarité de manière  plus sereine. C’est une légère ouverture sur l’école inclusive, et celle-ci devra rapidement être amplifiée. Dès lors, la lutte est loin d’être terminée. Tant qu’il restera des élèves sur le bord du chemin, notamment ceux qui ont une déficience mentale ou un trouble du comportement[7.Le 2 septembre 2020, la Belgique a été condamnée  à l’unanimité par le Comité européen des droits sociaux pour violation de la Charte sociale européenne au motif  qu’en Communauté française, le droit à l’éducation inclusive des enfants ayant une déficience intellectuelle n’est pas effectivement garanti (article 15§1) et les enfants atteints d’une déficience intellectuelle ne jouissent pas d’un droit à l’éducation inclusive (article 17§2).], nous devrons continuer le combat.

Si la volonté de rendre l’école plus inclusive est une contrainte juridique, sa mise en œuvre est évidemment une très bonne chose. L’école inclusive est, par excellence, l’« École Pour Tous et Pour Chacun », que l’on soit un élève ordinaire ou un élève à besoins spécifiques avec ou sans déficience. Cependant, sa mise en œuvre en Communauté française interpelle et nous devons rester mobilisés, interpeller les responsables politiques, les acteurs du Pacte, rappeler les droits fondamentaux. La mise en place des Pôles territoriaux, qui auront comme objectif d’aider les écoles à intégrer les élèves, ne se fait visiblement pas sans heurts. Les réseaux – encore eux – tirent la couverture à eux dans l’objectif d’avoir un maximum de pôles territoriaux dans leur escarcelle, loin de l’intérêt des dizaines de milliers d’enfants à besoins spécifiques. Le combat n’en est qu’à ses débuts.

Investir l’avenir

Alors néolibéral ou progressiste, le Pacte ? Évidemment un peu des deux. Aux acteurs responsables à tous niveaux (enseignants, parents, associations, syndicats, académiques, politiques) de peser dans la balance pour que l’école devienne progressivement enfin un lieu de droits, un lieu de coopération et non plus de compétition, un lieu d’acquisition des savoirs et non plus de sélection, une école pour tous, équitable, et donnant une formation citoyenne de grande qualité, afin de rendre accessible à chacun le bagage de connaissances et de compétences nécessaires pour appréhender le monde et pour participer activement à sa transformation vers plus de justice.

Quand on monte sur un navire, c’est avec l’espoir d’arriver au bout du voyage, sans sombrer en chemin. Le voyage que nous avons entamé avait pour objectif de quitter les eaux polaires de l’échec scolaire où tout le monde ne peut survivre, pour gagner des eaux plus chaudes où chacun a une place égale aux autres. Surtout les plus fragiles, ceux que l’école néolibérale a, depuis toujours, destinés aux tâches les plus ingrates : servir les premières classes, ou travailler à fond de cale sans jamais pouvoir prendre l’air sur le pont. C’est un combat progressiste, celui d’un monde plus juste, moins libéral. Un combat citoyen ! La route est encore longue, et nous nous devons de peser sur la barre !

(Image de la vignette et dans l’article sous copyright CC BY 2.0 ; photo prise par Elizabeth Albert le 10 septembre 2010.)