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Le fédéral sans gouvernement. Affaires courantes, affaires dormantes au Parlement ?

Montage Politique – Illustration : © Jorisvo – iStock
Montage Politique – Illustration : © Jorisvo – iStock

C’est la rentrée pour tout le monde. On s’y attendait un peu, il n’y a pas encore de nouveau gouvernement fédéral. Qui plus est, il n’y a pas non plus de nouveau gouvernement flamand ou bruxellois. Cela, c’est plus surprenant, même si l’organisation des élections communales quatre mois après le scrutin du 9 juin avait, de longue date, semblé augurer des négociations longues et difficiles.

A l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes encore dans la période dite des « affaires courantes ». C’est-à-dire une période pendant laquelle le gouvernement démissionnaire se contente de gérer le quotidien et l’urgent, sans pouvoir mettre en œuvre de nouvelles politiques. Pendant ce temps, et puisqu’il n’y a plus – et pas encore – de majorité gouvernementale, les parlementaires peuvent travailler, et sont libérés des contraintes d’un accord de majorité, à mettre en œuvre en suivant une stricte discipline de partis.

Cela, c’est la théorie… En pratique, les assemblées parlementaires tournent un peu en roue libre, et n’avancent guère. Leurs membres déposent certes des textes, en nombre au moins aussi élevé qu’en d’autres temps… Mi-septembre  2024, on comptait déjà plus de 200  propositions de loi à la Chambre. Mais il est extrêmement rare que de tels textes aboutissent. L’adoption du « fonds blouses blanches » pour refinancer le personnel soignant à l’automne 2019, alors que le gouvernement Wilmès (ex-gouvernement Michel) était en affaires courantes, constitue l’exception notable à la règle… Pour l’essentiel, ces propositions resteront donc lettre morte. Les députés posent certes des questions aux ministres, mais de quelle importance sont les comptes que rendent ces derniers, quand ils ne peuvent être démissionnés, puisqu’ils le sont déjà ?

Et si on en profitait ?

La période pourrait pourtant être propice au travail sur des thématiques délicates, qui réclament précisément une approche non partisane. On peut penser au statut des parlementaires – on se rappellera que la législature précédente a été marquée par une controverse à propos de leurs pensions complémentaires… Ou encore à la réforme du financement des partis politiques, que les citoyens réclament de façon insistante, et à laquelle une majorité de parlementaires de tous horizons politiques se sont pourtant déclarés prêts.

La période pourrait être propice au travail sur des thématiques délicates, qui réclament une approche non partisane.

On peut aussi penser à la délicate question de la réforme de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse… Rappelons-nous, à l’été  2020, alors que plus d’un an après les élections du 26 mai 2019, un nouveau gouvernement n’avait pu encore être constitué, une large majorité s’était dégagée à la Chambre afin d’adopter une proposition de loi libéralisant les conditions de l’IVG (allongeant notamment le délai pour y recourir à 18 semaines et raccourcissant le délai de réflexion à 48h). Las, le CD&V avait alors fait de l’abandon de ce texte une condition de sa participation au gouvernement De Croo. Lequel avait promptement « encommissionné » la question, confiant à un comité d’experts scientifiques la rédaction d’un rapport sur le sujet. Le dépôt de leurs conclusions au printemps 2023, recommandant d’avancer dans la voie de la libéralisation, n’avait pas réussi à débloquer le dossier, faute d’accord du gouvernement.

Quatre ans plus tard, en des circonstances politiques similaires, il existe à nouveau une large majorité politique (libéraux, socialistes, écologistes, PTB et DéFI) pour faire avancer rapidement le dossier; des textes ont été redéposés et doivent être examinés en urgence. Mais cette fois, ce n’est plus seulement le CD&V qui risque de bloquer ; le principal partenaire de la future Arizona, la N-VA, n’est pas non plus favorable à une extension du délai légal pour l’IVG. Aussi le dossier va-t-il être mis au frigo… Car les cinq partis ont unanimement décidé que tout texte agendé au parlement serait rejeté s’il ne faisait pas consensus entre eux. Bref, l’institution parlementaire est dépouillée de son pouvoir.

Conclusion ? En vérité, aucune autre période que les affaires courantes ne met autant en lumière la faiblesse de l’institution parlementaire…