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L’Arizona sur le grill : la mobilité
08.02.2025

Catalogue de bonnes intentions et difficultés prévisibles : ainsi pourrait se résumer le volet « transport et mobilité » de l’accord de coalition du nouveau gouvernement De Wever.
D’abord, comme le disait feu Wilfried Martens, il y a les « biscuits ». C’est-à-dire les mesures ou les intentions annoncées dont on peut estimer qu’elles sont attractives : faciliter le télétravail pendant un trajet en train, proposer une fiscalité plus avantageuse pour le covoiturage, mettre en place un leasing social de véhicules électriques, instaurer une TVA réduite pour les vélos d’entreprise ou l’acquisition de véhicules hybrides, améliorer le « budget mobilité » mis à disposition par l’employeur.
Par ailleurs, une évaluation et une amélioration du plan « Be Cyclist » est prévue. Tout comme le « verdissement » de la flotte de navires belges, ou l’encouragement au recours à des carburants durables pour le transport aérien.
Mais dans tout cela, il y a souvent plus d’intentions que de véritables mesures…
Un engagement pour la sécurité routière
Dans ce domaine, il y a une politique plutôt ambitieuse et énergique, qui veut visiblement rassurer les citoyens quant à la prise en considération des faits graves qui se produisent trop souvent sur les routes, avec un accent mis sur la répression de la récidive pour les infractions graves. Ainsi, on évoque un « verrouillage » du permis de conduire pouvant être décidé par le juge, sans pour autant mentionner le mécanisme de permis à points.
Le système de « l’alcoolock » est encouragé, et l’infraction « d’homicide routier » est créée. De plus, il est prévu d’agir pour améliorer les échanges d’informations entre la Belgique et les autres états-membres de l’Union en matière d’infractions, à partir des registres de plaques d’immatriculation.
Les véhicules
En ce qui concerne les véhicules, cet accord fédéral prévoit une homologation des trottinettes électriques afin de limiter leur vitesse et de les rendre plus sûres, oubliant ainsi que l’homologation est devenue une compétence régionale lors de la dernière réforme de l’État… En revanche, il n’est visiblement pas question d’abandonner les mesures fiscales concernant les voitures de société…
Intention louable : il est question d’organiser une offre de transport combinant le train et le bus, en collaboration avec les opérateurs régionaux (on rappellera à cet égard que De Lijn est en mauvaise posture); aucune référence toutefois à l’abonnement existant Brupass, visant la région de Bruxelles et une partie des deux Brabants.
L’accord affirme « préparer » le transport ferroviaire à sa libéralisation à l’horizon 2032.
Positive également : la volonté affirmée d’améliorer les connections entre transport ferrovaire et transport aérien ou maritime, d’une part, et le transport ferroviaire de marchandises, d’autre part.
L’accent est mis sur la lutte contre la fraude, mais aussi contre la criminalité. Mais il est également question de revoir et de « moderniser » les réductions actuelles de tarifs des billets de train, sans autre précision. Ce qui n’est pas rassurant.
La droite belge s’obstine à ne pas tirer les leçons de la libéralisation anglaise, qui fut une catastrophe et va être abandonnée.
La volonté de « préparer » le transport ferroviaire à sa libéralisation à l’horizon 2032 est affirmée, allant de pair avec l’abandon de l’organisme HR Rail pour le recrutement du personnel, qui aura lieu dorénavant par SNCB et Infrabel séparément, mais aussi avec l’ouverture de la possibilité d’investissements régionaux pour les lignes ferroviaires.
Comme on le voit, la droite belge s’obstine à ne pas tirer les leçons de la libéralisation intervenue en Angleterre, qui fut une catastrophe et qui va d’ailleurs être abandonnée.
Le contrat de service public de la SNCB et le contrat de performance d’Infrabel sont maintenus. Un reporting financier est prévu pour chaque ligne ferroviaire, destiné à déterminer les investissements prioritaires, mais « pas question de démanteler ou fermer des lignes ». L’Arizona affirme qu’il prévoira les ressources et le personnel nécessaires pour un service garanti incluant une augmentation de 30% de voyageurs, une ponctualité à 90%, et une réduction de 30% du nombre de trains supprimés.
Pour les cheminots, on peut s’attendre à une concertation sociale difficile.
Au vu de l’expérience du gouvernement Vivaldi, qui avait également affiché une vision positive, mais s’était fracassé sur les réalités budgétaires, on permettra à l’auteur de ces lignes de faire part d’un certain scepticisme.
Pour les cheminots, on peut s’attendre à une concertation sociale difficile, vu l’annonce d’une « modernisation » de la politique du personnel, mettant l’accent sur la flexibilité et l’adaptabilité, en respectant les droits acquis du personnel déjà en service (pour les nouveaux collaborateurs, c’est donc le brouillard complet).
Dans le cas de Bruxelles, « nœud de connexion international et d’interconnexion entre les différentes lignes », il est question d’élargir la capacité de passage à travers la capitale ; certains rêveraient-ils d’une deuxième jonction Nord-Midi ? L’action de Beliris est également axée sur la mobilité, mais sans aucune référence à la ligne de métro 3, qui plombe les finances régionales…
Un terrain de luttes progressistes
On le voit, les enjeux auquels seront confrontés les différentes formes de transport public sont des points sur lesquels la gauche devra se concentrer dans les mois et années à venir. Comme terrain de convergences entre les trois partis progressistes, on ose espérer qu’il leur permettra de prendre leurs responsabilités, en formant un front avec les organisations syndicales interprofessionnelles.
Jean-Paul Gailly est membre du collectif éditorial de Politique. Il a une expérience de 18 ans dans le secteur public de la mobilité.