Politique
L’ancienne Belgique
12.09.2011
Dans les années nonante, dans la Belgique fédérale où nombre de Flamands se sentaient encore à l’étroit, le cyclisme a changé de fonction idéologique. Après avoir signifié la lutte des classes et participé à l’orgueil national flamand grâce à des champions hors du commun, il s’est fondu dans la masse, il s’est vu assigner un rôle modeste dans le grand mouvement d’émancipation. En 1994, la Région flamande crée une équipe cycliste professionnelle : Vlaanderen 2002. Le maillot jaune et noir frappé du lion compte davantage que les coureurs, hommes-sandwichs d’une cause qui les dépasse. Il n’y a plus de champions, il y a une équipe anonyme, et une date fétiche : 2002, 700e anniversaire de la bataille des Eperons d’or, dont le président CVP de la Flandre Luc Van den Brande compte bien qu’il coïncidera avec l’autonomie de sa région. Il devra encore patienter… Le combat nationaliste sera plus long – et plus douloureux que prévu pour le CVP, mais la ligne d’arrivée se rapproche. Et l’équipe cycliste fondée en 1994 court toujours, en division 2 au classement UCI Union cycliste internationale.., après avoir changé quelques fois de sponsor : « T- Interim », « Chocolade Jacques », « Topsport », « Mercator ». En 30 ans, le cyclisme flamand sera passé de l’épopée à l’épicerie. Mais on assiste aujourd’hui à une nouvelle évolution symbolique, liée sans doute aux changements et aux blocages politiques. Il y a comme un retour des choses et des signifiants. Le meilleur cycliste belge est un Wallon, de Remouchamps, il s’appelle Philippe Gilbert. Numéro 1 mondial jusqu’au Tour de France, champion de Belgique 2010, il court dans une équipe à majorité flamande Omega Pharma-Lotto.. ; au Tour il a fait chambre commune avec son équipier et meilleur ami, le Flamand Jelle Vanendert. Bref, nous voici soudain renvoyés par la grâce de la mythologie cycliste à une Belgique qu’on croyait révolue. Elle a pris la forme d’une amitié virile et d’une chambre partagée : Philippe et Jelle, inséparables, nuit et jour, à la vie à la mort, parlant tout deux français à la RTBF et néerlandais à la VRT, portant haut les couleurs de cette ancienne Belgique, condamnée à mort par Bart De Wever et ressuscitée pendant trois semaines sur les routes de France.