Politique
La place du spectateur
15.10.2009
Marie José Mondzain développe sa réflexion à partir de l’image «originelle», cette fameuse main découverte en 1994 sur les parois de la grotte Chauvet. Cet homo spectator qui le premier «assure la production des signes qui désigne les choses en leur absence», auteur qui devient lui-même «le premier spectateur, c’est-à-dire l’homme qui entre dans l’histoire qu’il est en mesure d’inscrire, de raconter, de partager». La réflexion de Mondzain s’appuie ensuite, à travers toute son œuvre, sur l’analyse «des textes fondateurs de la tradition chrétienne occidentale pour montrer avec quelle pertinence et quelle force ils ont posé des problèmes qui sont toujours les nôtres». Et c’est à travers ce prisme et le temps qu’elle décrit le spectateur moderne notamment face «à ceux qui ont élaboré un dispositif qui identifie l’image à un règne (et) ont mis en place l’ensemble des processus qui feront dans toutes les production visuelles beaucoup plus tard une industrie au service de la domination» or, ajoute Mondzain, «dès que l’on fait régner les images, on les destitue aussitôt, on prononce leur arrêt de mort et le spectateur est de ce fait à son tour destitué» Homo spectator, op.cit., pp 61 et 154. Un peu partout, on a loué la récente série documentaire à succès, Apocalypse qui «raconte» la deuxième guerre mondiale. Elle ne manque pas de prétention quand la première phrase du commentaire proclame que «ceci est la véritable histoire de la Deuxième guerre mondiale» ! Mais surtout personne n’a noté un élément déterminant dans la réalisation de ces émissions et qui aboutit à fixer la place du spectateur. Entre le texte dense et une musique omniprésente digne d’une superproduction hollywoodienne, il n’y a pas UNE seconde de silence. Pas une seconde, pas un arrêt, pas une faille, pas un interstice. La fameuse distance est quasi impossible. «Dans la production audiovisuelle l’accélération des rythmes, leurs flux et leurs syncopes ont pour effet désiré le suspens de la pensée et de la parole» dit encore Mondzain. Apocalypse en est une illustration : une colorisation qui unifie les images alors que leurs différences de statut et d’origine sont essentielles à la compréhension du message, un rythme endiablé (800 plans par film de 52′). Mais il fallait «bluffer» le spectateur a dit un de ses réalisateurs…