Europe sociale • Politique
La météo du progrès social : hiver 2024-25
03.01.2025
Chaque trimestre, l’équipe et les coordinateurs de la Météo politique font le choix d’épingler des tendances et des événements significatifs pour le progrès social, la gauche et ses idées. Des éléments susceptibles de faire la pluie et le beau temps politiquement, choisis en fonction de leur pertinence ou de leur originalité. Fruit d’un choix éditorial, la Météo politique ne donne pas la température moyenne d’un pays, ni un tableau exhaustif de la situation sociale. Comment le pourrait-elle ? Une tempête est si vite arrivée.
Retrouvez la carte interactive en ligne.
FRANCE — Vie politique.
Victoire pour la démocratie, puisque le gouvernement Barnier vient d’être censuré après avoir essayé de faire passer son budget au moyen du très autoritaire 49.3, balayant d’un revers de la main tout le travail législatif qui avait été fait pour concilier les demandes des différents groupes politiques. Pendant ce temps, les ennuis judiciaires du Rassemblement national semblent sérieux : dans l’affaire des assistants parlementaires européens, le parquet a en effet requis cinq ans de prison dont trois avec sursis, ainsi que cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour Marine Le Pen – une perspective dont on est en droit de se réjouir. Le jugement est attendu dans les prochains mois. Difficile, cependant, d’anticiper l’effet que cela aura sur le vote RN. Cela pourrait-il freiner le parti dans sa quête de respectabilité et de séduction d’un électorat modéré ? Le cas Trump enseigne que, dans un contexte de forte polarisation, cela ne décourage pas forcément la mobilisation des électeur·rices convaincu·es.
ESPAGNE — Féminisme.
Tempête #MeToo sur la gauche espagnole : le porte-parole parlementaire de Sumar (mouvement de coalition de gauche participant au gouvernement), Íñigo Errejón, a brusquement démissionné le 24 octobre 2024 suite à une série de témoignages anonymes l’accusant de comportement sexiste et d’agressions sexuelles. Figure centrale du cycle « populiste de gauche » des années 2010, Errejón a été un acteur clé dans quatre mouvements – Podemos, Más País, Más Madrid et Sumar – ayant mis en avant le féminisme comme un enjeu de premier plan en Espagne. Ces accusations posent question quant à la manière très verticale dont la gauche radicale espagnole s’est construite, permettant à des acteurs comme Errejón d’abuser de leur position de pouvoir de différentes manières. Pendant ce temps, la droite espagnole tente de mettre sur le dos du gouvernement national de Pedro Sánchez les inondations tragiques qu’on pourrait plutôt imputer (outre le changement climatique et l’inaction générale) à la gestion calamiteuse du gouvernement de droite – extrême droite régional de la communauté de Valence. En combinaison avec le cas Errejón, il semble y avoir une hausse du sentiment antipolitique, qui pourrait déforcer la gauche à l’avenir.
EUROPE DU NORD — Conflit.
Le ciel se couvre sur les pays nordiques, en proie à une angoisse sécuritaire de plus en plus palpable, induite par le conflit russo-ukrainien. Dans ce contexte, l’ensemble de la population suédoise a récemment reçu une brochure prodiguant des conseils sur la manière de se préparer et de faire face à l’éventualité d’une guerre. Cette brochure, qui existait déjà, vient d’être mise à jour en raison de ce que le gouvernement suédois appelle « l’aggravation de la situation » en matière de sécurité. En clair : l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie. La Finlande voisine a également décidé de publier en ligne ses propres conseils sur la « préparation aux incidents et aux crises ». Les Norvégiens ont également reçu une brochure, les préparant à se débrouiller seuls pendant une semaine en cas de conditions météorologiques extrêmes, de guerre ou d’autres menaces. Au cours de l’été, l’agence danoise de gestion des urgences a quant à elle envoyé un courrier électronique aux adultes danois contenant des informations sur l’eau, la nourriture et les médicaments dont ils auraient besoin pour faire face à une crise. Si les nuages ne sont pas encore dans la ligne d’horizon, c’est toute la région qui semble se préparer à l’orage.
AUTRICHE — Vie politique.
Vague noire redoutée sur l’Autriche, qui a vu le parti d’extrême droite FPÖ de Jorg Haider remporter les élections législatives du 29 septembre pour la première fois de son histoire. Bien qu’annoncé favori, le FPÖ a fait mieux encore que la prédiction des sondages, avec un score de 28,9 % des voix et 26 sièges supplémentaires par rapport aux précédentes élections fédérales. Le Parti populaire (ÖVP) du chancelier sortant, Karl Nehammer, a pris la seconde place avec 26,3 % des voix, perdant pas moins de 20 sièges. Sur la plus petite marche du podium, on retrouve le premier parti de gauche, le Parti social-démocrate (SPÖ) conduit par Andreas Babler, avec 21,1% des suffrages. Il gagne ainsi un siège tandis que les Verts, qui faisaient partie d’une coalition gouvernementale doublement contre nature, en perdent 10.
ITALIE — Vie politique.
Comme l’expliquait récemment Hugues Le Paige sur son blog, la « mère de toutes les batailles » (G. Leoni) est en train de se jouer en Italie autour d’une possible réforme de la Constitution. Conçue initialement comme un rempart au retour du fascisme, la très progressiste Constitution de 1948 présentait un grand nombre de dispositions visant à protéger les Italiens de tout pouvoir personnel excessif et consacrait le rôle décisif des partis, du parlement, des syndicats et des associations de citoyens. Le grand objectif de Meloni est désormais de transformer cette Constitution, en permettant la concentration du pouvoir aux mains de l’exécutif, par le biais d’une élection directe du Premier ministre au suffrage universel et d’une prime majoritaire pour le parti arrivé en tête des suffrages, lui garantissant une très large majorité en sièges afin de pouvoir gouverner sans entraves. Et cela tout en diminuant considérablement le pouvoir et l’influence du président de la République, traditionnel garant des institutions. L’heure est donc à la vigilance extrême face à un possible tremblement de terre constitutionnel.