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La belgitude, une identité confortable

Les frites, ce patrimoine belge (Sq2id. CC-BY-SA-4.0)
Les frites, ce patrimoine belge (Sq2id. CC-BY-SA-4.0)

C’est un fait, le Vlaams belang est l’un des grands gagnants du triple scrutin du 9 juin 2024. Au-delà des déclarations flamingantes, les sondages montrent pourtant que les Belges du Nord – comme du Sud – demeurent attachés au Pays de Magritte et du surréalisme. Et si cet attachement révélait, en réalité, la marque d’une profonde identité belge ? Une identité certainement trop confortable pour s’en aller courir l’aventure en solitaire…

Il y a plus d’un siècle, Jules Destrée écrivait au Roi Albert, qui n’était pas encore Chevalier, qu’il n’y avait pas de Belges. Les événements allaient bientôt offrir un sanglant démenti au chantre du mouvement wallon. Même si on convoque parfois plus volontiers le souvenir des activistes flamingants et les errements du pèlerinage de l’Yser, la Première Guerre mondiale suscita bien une flambée de patriotisme dans le pays, dont les monuments aux morts qui garnissent encore aujourd’hui nos communes sont le témoignage.

Mais il faut bien reconnaître que cela ne dura guère; les Belges ne sont pas très doués pour les grands élans et la grandeur. Déjà, Léopold II en avait été pour ses frais lorsqu’il avait imaginé construire sur la colline de Koekelberg non pas une basilique mais un panthéon à nos Gloires nationales, dont seule une avenue conserve aujourd’hui le souvenir. Pas d’appel guerrier aux armes dans notre Brabançonne, qui rend prosaïquement hommage, à côté du roi et de la liberté, à… la loi. Pas de discours exalté autour des « valeurs du Royaume » rappelées le 21 juillet.

Nous avons une identité en creux, mais c’est confortable, les creux.

Mais, si nous ne sommes peut-être pas particulièrement fiers d’être belges, nous sommes très heureux de ne pas être français. Ni allemands. Ni hollandais. Nous avons une identité en creux, mais c’est confortable, les creux. On s’y vautre comme dans un vieux canapé. Pour boire une bière avec ou sans alcool et manger une frite-mayo en regardant les Diables rouges. Et si on dit que c’est seulement cela qui nous réunit, ce n’est pas tellement parce que nous n’avons pas la fierté d’une glorieuse histoire nationale, mais surtout parce qu’on aime le foot et la bière et les frites…

En fait, l’identité belge est confortable, et peu exigeante. S’extraire du vieux canapé belge, pour s’installer sur le strapontin d’une aventure nationaliste flamande exigerait un effort étranger à notre caractère. Les p’tits Belges chers au Grand Jojo ne doivent pas craindre de ne plus avoir demain d’avenir commun.