Politique
Juste un problème de partage
08.10.2013
Il aime des pays et les quitte. (L’impossible est-il lointain ?) Il aime migrer vers toute chose, car dans le libre périple entre les cultures, il y a place pour quiconque cherche l’essence de l’homme. Voici qu’une marge avance, qu’un centre recule. L’Orient n’est pas absolument Orient, ni l’Occident, Occident. Car l’identité est plurielle, elle n’est pas citadelle ou tranchées… Mahmoud Darwich, poète palestinien
Ces quelques vers mis en exergue permettent de débuter en faisant un lien avec le thème de ce dossier, en insistant sur l’identité plurielle qui ne peut être ni citadelle ni tranchée. Surtout, ils permettent de rappeler que ce sont les violences de toutes formes faites aux peuples – guerre, occupation, pauvreté, dérèglements climatiques – qui sont le principal moteur des migrations. Au cœur de ces violences, il y a toujours, notamment, l’injustice et l’humiliation imposées quotidiennement au peuple palestinien. La responsabilité de nos pays dans le règlement du conflit israélo-palestinien est plus que jamais engagée : la question palestinienne est au cœur du dérèglement du monde et de la montée des antagonismes et des frustrations de tous ordres. Nous devons faire respecter le droit à la dignité et à l’autodétermination du peuple palestinien, d’abord pour des raisons morales, parce que nous voulons la justice et la paix, mais aussi parce qu’il y va de l’avenir du monde.
Pour ma dernière intervention en clôture de la Semaine sociale, je propose trois temps : trois objectifs politiques concrets, deux exigences fortes de société, un cadre de pensée global.
Cadre global
« Face aux défis écologiques, face aux inégalités qui menacent la cohésion de nos sociétés et la paix du monde, il n’est plus possible de distinguer ce qui doit relever du court terme et du long terme dans les réformes à conduire. Il est désormais nécessaire d’agir sans attendre, pour transformer nos modes de production et de consommation, et rendre nos modes de vie soutenables pour nous et nos enfants. » (Philippe Frémeaux, rédacteur en chef de la revue Alternatives économiques). Depuis 5 ans maintenant, le monde se débat dans une crise multiple, systémique. Cela fait bientôt 40 ans que les crises se succèdent sans discontinuer. Notre propension à ne voir que ce que nous vivons au quotidien avait tendance à nous aveugler, et nous empêchait de voir que les déséquilibres sur lesquels repose notre croissance et notre mode de vie ne pouvaient durer indéfiniment. À propos d’aveuglement, je vous propose la forte parole suivante : « Il est aussi peu probable qu’une banque belge fasse faillite que le ciel nous tombe sur la tête. » (Didiers Reynders, ancien ministre belge des finances, peu de temps avant la faillite de Fortis). Aujourd’hui, nous savons que nous ne pouvons continuer à assurer notre train de vie sur une exploitation sans fin des ressources naturelles, sur l’accaparement des richesses que nous retirons du reste du monde, sur l’explosion des inégalités que nous avons nous-mêmes organisées à l’intérieur de nos sociétés. En 2009, nous avions consacré la Semaine sociale à la crise et nous citions Luc Van Campenhoudt et Benoît Lechat : « Une crise n’est pas seulement ni même d’abord le fait d’être confronté à des problèmes majeurs : elle réside surtout dans l’incapacité de les résoudre dans et avec les cadres de pensée et d’action en vigueur… » La Revue nouvelle, février 2009 J’ai presque envie de dire : ils ne croyaient pas si bien dire… Car, qu’ont fait nos États depuis 2009 ? Ils ont volé au secours du secteur financier en perdition, se sont endettés pour sauver les banques, et ont mis en œuvre des politiques de réductions des dépenses publiques, d’austérité compétitive et de destruction des protections sociales qui conduisent les populations au désespoir. Bref, ils ont tenté de répondre à la crise avec les cadres de pensée traditionnels, en restant sous l’emprise du dogme libéral, ce qui non seulement détruit le tissu économique et plonge de plus en plus de personnes dans la précarité et dans le chômage, mais en plus ne résout rien : les pays européens appellent au secours les uns après les autres, ceux qui appliquent les traitements de choc qui leur sont imposés en échange d’une aide financière entrent dans une récession sans fin, et les investissements publics qui devraient être faits, urgemment, pour assurer la durabilité de nos sociétés sont reportés. Bref, nous sommes dans ce que Paul Krugman appelle la spirale mortifère.
Le moment est donc venu de penser autrement, de sortir du cadre. Finissons-en avec les discours incantatoires sur la croissance qu’il faut relancer et qui devrait permettre de reprendre la vie comme avant : c’est un leurre, un mythe, et même une véritable imposture quand elle est présentée comme la solution à tous nos problèmes, et notamment au problème de l’emploi pour les jeunes. Les chiffres sont très clairs : le taux de croissance annuel moyen du PIB pour l’ensemble des pays de l’OCDE a baissé, de 0,5% chaque décennie depuis 1960, passant ainsi de 4,58% durant les années 60 à 70, à 1,64% durant les années 2000 à 2010. On est bien parti pour la continuation de cette courbe descendante. Bien sûr, on ne peut rester passifs face aux destructions d’emplois, aux restructurations qui ne cessent de se multiplier un peu partout chez nous et en Europe. Bien sûr on doit éviter la désertification industrielle de nos régions. Bien sûr il faut apporter une réponse durable aux travailleurs qui sont licenciés et à tous ceux qui sont en recherche d’un emploi. Bien sûr, nous avons besoin de relance. La question est : la relance de quoi ? Relancer la croissance du PIB, c’est à coup sûr foncer dans le mur, car c’est renforcer un modèle qui a atteint ses limites sur le plan social, et environnemental, finalement intenable à terme sur le plan économique. Comme le démontre bien cette jolie formule : « Dans un embouteillage, on crée de la croissance, car on consomme de l’essence, mais quand on apprend un poème à un enfant, on est improductif. » (Bernard Maris, rédacteur en chef de Charlie Hebdo). Puisque cette croissance du PIB est hypothétique, et qu’en outre elle produit frustration, désenchantement, violence, désespérance, et épuisement des hommes et de la planète, c’est bien d’une autre croissance dont nous avons besoin. J’ai retrouvé ces mots, adressés par Jean De Munck Carte blanche de Jean De Munck dans La Libre Belgique du 21 mars 2013 en réponse à Étienne de Callataÿ Carte blanche d’Etienne de Callataÿ dans La Libre Belgique du 16 mars 2013 , qui proposait de retirer les allocations de chômage aux chômeurs qui auraient suivi des formations inutiles, comme la philosophie, la sociologie ou le journalisme Soit dit en passant, si ces formations devaient un jour disparaître pour cause d’inutilité, il deviendra difficile d’encore organiser des Semaines sociales !… Jean De Munck se réjouit au contraire que notre société permette à des jeunes de chercher à donner un sens à leur vie en déchiffrant, en profondeur, le monde dans lequel ils entrent, en cherchant à s’interroger sur leur humanité avant de chercher à rentrer dans un créneau professionnel précis : « Aujourd’hui, il ne suffit pas de relancer à tout prix la croissance. Il faut en transformer, radicalement, l’orientation. Nous devons redéfinir la prospérité et inventer de nouvelles formes de travail, plus épanouissantes. Nous devons aussi mettre un terme à l’abrutissement du consommateur et rouvrir la question philosophique léguée par les Grecs : qu’est-ce qu’une vie réussie ? ».
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, pour l’avenir de notre société et de l’humanité tout entière, c’est d’une croissance de la qualité de vie, du bien-être, de l’épanouissement humain. Cela passe par l’investissement collectif dans ce qui conduit au mieux-être pour chacune et chacun, qui contribue à l’égalité entre les hommes et les femmes, qui donne de l’avenir aux jeunes et apporte de la confiance et de la sérénité aux plus âgés. Cela passe par la justice sociale et par la répartition des richesses. Cela passe par un modèle de développement complètement refondé, basé sur la coopération et la solidarité, seul capable de nous mener, nous en sommes convaincus, vers une société juste, heureuse et sensée.
Le secteur financier
Chacun le sait, la presse en a beaucoup parlé : le MOC a jugé opportun de conclure avec la banque Belfius les conditions d’un nouvel accord, en remplacement de celui qui le liait, pour des raisons historiques, à Dexia. Réglons tout de suite la question des accusations de la N-VA à l’encontre de l’ACW et du MOC : c’est du pipeau. La preuve va en être faite très rapidement. À ce propos, et au vu de toutes les bêtises qu’on a pu lire et entendre ces dernières semaines, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer celle-ci : « Je salue l’engagement altruiste des milliers de bénévoles de l’ACW et du MOC. Là où j’ai un problème, c’est quand les citoyens sincèrement mobilisés dans ces associations sont instrumentalisés pour des logiques de pouvoir occulte. » (Charles Michel, président du MR). Si le MOC a conclu cet accord, de manière parfaitement légale et morale – j’y insiste –, c’est d’abord pour une question de viabilité financière. Mais nous avons aussi été motivés par le fait que Belfius est une banque publique. Je sais ce que tout le monde pense : Belfius n’est pas une banque publique par choix, mais par défaut ; elle aurait donc la forme d’une banque publique, mais s’en écarterait dans son fonctionnement quotidien ; ce n’est pas la délégation syndicale du personnel qui va contredire sur cela. Je sais aussi que le gouvernement ne cesse de dire qu’il souhaite la revendre dès que possible. Pourtant, n’avons-nous pas là une occasion unique de redévelopper une vraie banque publique, éthique, durable, qui agit comme doit le faire une banque au service des citoyens, qui investit dans des projets porteurs d’intérêt collectif, qui refuse toute spéculation et tout investissement présentant des risques démesurés ? Belfius appartient aujourd’hui à l’État belge, elle appartient donc à la population de ce pays. C’est à la population et aux mouvements sociaux qui structurent la société belge de dire ce qu’ils veulent en faire ! Il y a une réelle opportunité à saisir, ainsi que nous le réclamons depuis des années, c’est-à-dire depuis la disparition de la CGER et du Crédit communal. Je plaide pour qu’on ne jette pas le bébé avec l’eau du bain : je reconnais que, pour le moment, l’enfant n’est pas très beau ; il est néanmoins de notre responsabilité de mouvement de gauche qui soutient une finance éthique et responsable, de le faire grandir et de l’embellir, de faire en sorte que Belfius devienne une banque publique, éthique et durable. Pour cette même raison, si nous accueillons avec sympathie et même enthousiasme l’élan citoyen qui conduira peut-être à la création de la « New Banque », je redis aux promoteurs de ce projet : contactez les dirigeants de Belfius, proposez-leur une coopération qui suivra scrupuleusement les principes que vous défendez, réclamez-leur de proposer des services et des produits qui respectent les objectifs légitimes que vous poursuivez. Je pense sincèrement que c’est la meilleure voie à suivre pour permettre aux citoyens de confier leurs économies à une institution dont ils seront alors assurés qu’elle utilise leur argent en parfaite conformité avec ce qu’ils souhaitent.
Exigence 1 : l’égalité
Venons-en à nos deux orientations politiques majeures, nos deux exigences pour construire une société viable, une société solidaire, fraternelle, juste. D’abord, l’égalité. Car : « L’égalité, c’est l’étoile polaire de la gauche. » (Noberto Bobbio, philosophe italien)
Nous avons toujours soutenu la thèse d’économistes comme Frédéric Lordon ou Pierre Larrouturou : la crise est une crise de la répartition des richesses ; une crise de la pression salariale ; ses racines, ce sont 30 ans de chômage et de précarité croissante ; c’est la crise d’un système qui s’est développé sur des travailleurs souspayés et en situation d’insécurité, contraints à s’endetter pour consommer et faire tourner la machine. La crise s’est nourrie des inégalités qui ont atteint des sommets, dans le monde et dans chaque région du monde. Or, les politiques menées en Europe ont pour effet d’accroître ces inégalités. Et ce, y compris chez nous, quand on décide d’augmenter la dégressivité des allocations de chômage, d’élargir la définition de l’emploi convenable, d’étendre le stage d’attente des jeunes demandeurs d’emploi. Depuis plus de 30 ans, ce sont 10% de la richesse qui sont passés du monde du travail vers celui des actionnaires dans tous les pays de l’OCDE. La précarité est une réalité quotidienne pour les femmes, confrontées massivement au temps partiel, au travail précaire, aux salaires insuffisants pour vivre décemment. Depuis la vague néolibérale qui a déferlé sur les pays européens il y a près de 40 ans, la course à la compétitivité et à la flexibilité a conduit des millions de travailleurs à travers toute l’Europe à devoir accepter des boulots sous-payés, précaires. Le chômage est en croissance un peu partout en Europe, mais c’est dans les pays où les politiques d’austérité sont les plus drastiques qu’il atteint des sommets. Plus de 26% en Grèce et en Espagne, par exemple. Même dans ce qu’on nous présente souvent comme « le modèle » allemand, 10% de la population active et plus de 50% des personnes sans emploi se trouvent en dessous du niveau de pauvreté. Allons-nous rester aveugles encore longtemps ? Croyons-nous un seul instant qu’une société qui fonctionne sur de telles inégalités est durable ? « Comme des somnambules, nous marchons vers l’abîme », nous dit Edgar Morin www.terraeco.net. Jamais, depuis 60 ans, nos pays et nos sociétés n’ont été aussi riches ; pourtant jamais nous n’avons connu de tels niveaux de chômage, de précarité, de pauvreté. En Belgique, on ne cesse de parler du niveau inégalé de l’épargne des Belges, qui est effectivement supérieur à ce qu’il était avant la crise. Mais on ne dit cependant jamais que 40% des ménages de ce pays n’ont aucune épargne ! Parce qu’ils sont locataires, qu’ils consomment chaque mois la totalité de ce qu’ils gagnent, en salaire ou en allocations sociales. Pour 40% des Belges, mettre de l’argent de côté est tout simplement impossible ! Plus que jamais, la recherche de l’égalité est notre combat, la seule voie à suivre pour une sortie durable et solidaire de la crise.
Exigence 2 : la jeunesse
« Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et la frappe a toujours tort. » (François Mitterrand, ancien président de la République française Discours à l’Assemblée nationale, le 8 mai 1968 ) Pierre Mendès-France disait Pierre Mendès-France, Sept mois et dix-sept jours, Julliard, 1955, repris dans « Gouverner c’est choisir », tome 3 des Œuvres complètes, Gallimard, 1986 : « À partir du moment où, dans un pays, s’établit un divorce entre l’orientation du régime et les aspirations de la jeunesse, alors, oui, la catastrophe est proche, alors le totalitarisme menace à plus ou moins long terme. » Ce cri d’alarme résonne comme une terrible prémonition dans l’Europe qui se dessine sous nos yeux. Une Europe qui compte plus de 5 millions et demi de jeunes chômeurs. Chez nous, en Belgique, un jeune de moins de 25 ans sur 5 est au chômage. En France, c’est plus d’un sur 4, en Espagne et au Portugal, c’est 1 sur 2 ! Au Royaume- Uni, on a dépassé le chiffre record de plus d’un million de jeunes chômeurs. Avec de tels chiffres, il devient difficile de considérer, comme l’a fait cyniquement David Cameron, que les révoltes de Londres en 2012, n’étaient qu’une explosion de simple et pure criminalité… L’Europe, et la Belgique en particulier, doit cesser de faire des choix de vieux… C’est-à-dire des choix privilégiant la rente et l’épargne au détriment de l’investissement dans l’avenir. Il faut cesser de tourner le dos à la jeunesse, il faut investir dans ce qui fait sens pour elle et peut lui redonner confiance en l’avenir. Il est insupportable que l’Europe condamne sa jeunesse au chômage, à la précarité, au désœuvrement, au désespoir. Deux grandes figures qui nous ont quittés en ce début 2013, Stéphane Hessel et Robert Castel, et dont nous nous sommes souvent inspirés, nous ont sans cesse rappelé la honte d’une société qui refuse de donner un avenir à ses jeunes générations. Pour remettre l’égalité au cœur de nos politiques, et pour redonner espoir aux jeunes en leur offrant un avenir, nous avons trois propositions incontournables, sur lesquelles nous revenons inlassablement.
Proposition 1 : le temps de travail
Toutes ces dernières années, nous avons constamment tenu à remettre la question de la réduction collective du temps de travail à l’agenda politique. En effet, nous allons devoir travailler moins ! D’abord, parce qu’il nous faut créer une nouvelle économie : nous entrons dans une nouvelle société, où nous allons devoir produire moins et mieux, de manière à consommer moins et mieux : nous ne pouvons pas continuer à épuiser les ressources de la planète et à produire des biens de moins en moins durables. Dans le projet de société que nous devons développer, il y aura davantage de place pour le temps hors travail, pour la formation permanente, pour la culture et les relations humaines, pour la participation citoyenne. Et pour plus d’égalité dans les modes de vie et dans la répartition des rôles sociaux entre les hommes et les femmes.
« Le MOC pour la réduction du temps de travail. Nous voici revenus trente ans en arrière. C’est ça, la relance ? » (Thierry Castagne, président d’Agoria, fédération de l’industrie technologique) Revenir 30 ans en arrière, ce serait revenir à 40 heures de travail par semaine, voire davantage dans certains secteurs, alors que sur les 40 dernières années, nos économies ont fait un gain de productivité supérieur à ce que nous avions fait durant les deux siècles précédents. Imaginez la situation du sous-emploi si nous étions toujours à 40 heures ! Mais la question fondamentale n’est finalement pas d’être pour ou contre la réduction du temps de travail. Car elle se fait depuis des années : le chômage et le sous-emploi sont, de fait, les formes les plus inégalitaires et les plus violentes de la réduction du temps de travail. Le temps de travail moyen n’a cessé de baisser dans nos pays ces dernières années, mais sous la forme de contrats précaires, de temps partiel, de chômage. En Allemagne, par exemple, avec la multiplication des petits jobs initiée par Gerhard Schröder, la durée moyenne du travail des actifs en 2010 était de 30 heures par semaine ! Voilà le miracle économique allemand !
Proposition 2 : un financement durable de la sécurité sociale
Tout le monde le reconnaît : notre sécurité sociale est ce qui a permis à notre pays de résister mieux que d’autres à la crise économique et sociale qui touche l’Europe entière. En 2007, nous nous réjouissions du pas important réalisé par le gouvernement qui décidait d’opérer un prélèvement sur le précompte immobilier et sur les revenus de certaines branches d’assurances en sorte de l’affecter à la sécurité sociale. Depuis lors, plus rien ! À l’époque, nous rappelions que, de notre point de vue, la formule la plus indiquée restait celle d’une cotisation sociale généralisée (CSG), faisant contribuer tous les revenus, capital et travail, en assurant l’équilibre de la sécurité sociale et en garantissant sa durabilité. Nous rappelions d’ailleurs à cette occasion que la CSG figurait au programme du PS, d’Écolo et du CDH.
En particulier, une contribution perçue sur les capitaux du troisième pilier de pension Troisième pilier : l’épargne-pension individuelle (NDLR).., fortement défiscalisé, en vue d’alimenter le premier pilier Premier pilier : la pension légale. Deuxième pilier : la pension complémentaire liée à l’activité professionnelle. (NDLR).., reste une des meilleures voies de solidarité pour assurer l’avenir de la pension légale, essentielle pour chacune et chacun. Enfin, la question de l’individualisation des droits L’individualisation des droits en sécurité sociale est l’idée de permettre à chaque individu un accès direct aux droits sociaux, quel que soit, par exemple, son « mode de vie » (isolé ou cohabitant…) ou sa situation familiale (chef de ménage ou non). Elle s’oppose généralement au système de droits sociaux dits dérivés, octroyés aux bénéficiaires en fonction d’une « relation de parenté, d’alliance ou de cohabitation qui lie un attributaire à son ou ses ayants droit ». Voir H. Peemans- Poullet, Un bon mari ou un bon salaire ?, Université des femmes, coll. Pensées féministes, 2009. (NDLR).. reste une question incontournable dès lors que l’on veut davantage d’égalité en matière de protection sociale.
Proposition 3 : la justice fiscale
Nous plaidons pour une véritable révolution fiscale : nous ne pouvons construire une nouvelle société avec une fiscalité de moins en moins progressive et redistributive. Je n’ai pas le temps de détailler les nombreuses réformes qu’il conviendrait de mettre en œuvre pour en finir avec cette course au moins-disant fiscal, à l’échelle européenne et dans chacun de nos pays. Cela va dans le sens exactement inverse de celui qu’il faudrait emprunter : plus d’égalité, plus de redistribution, plus d’harmonisation. Parmi ces mesures, je voudrais simplement rappeler que la multitude des cadeaux fiscaux en tout genre, qu’ils profitent aux entreprises ou aux particuliers, outre que cela représente un manque à gagner considérable pour le budget de l’État, conduit à un impôt qui est aujourd’hui largement déséquilibré, et qui profite essentiellement aux grandes entreprises et aux ménages les plus fortunés. Une disposition simple consisterait dès lors à fixer un plafond pour les déductions fiscales : celui-ci permettrait un impôt minimum pour les entreprises, et un seuil de déduction maximale pour les particuliers.
Actualité du dossier énergétique
Un mot encore sur un dossier qui nous tient vraiment à cœur. Construire un autre modèle de développement passe aussi par une série de politiques qui relèvent aujourd’hui des entités fédérées : énergie, logement, mobilité, aménagement du territoire, mais aussi enseignement, recherche et culture. À ce sujet, nous tenons à réaffirmer notre soutien total au projet de tarification progressive de l’électricité En mai 2013, le gouvernement wallon a adopté un projet d’arrêté sur une tarification « progressive et solidaire » de l’électricité. Le principe : moins on consomme, moins on paie cher. En pratique : le gouvernement wallon octroie 500 kilowatts/heure par an à chaque ménage ; les ménages dont la consommation sera inférieure à 5000 kWh par an auront une facture réduite. Les personnes qui bénéficient de certains tarifs sociaux spécifiques et les familles nombreuses sous tarif social spécifique seront avantagées : leur allocation sera, respectivement, de 700 et 900 kWh par an. La mesure doit rentrer en vigueur en 2014. (NDLR) Oui, il faut mettre en place la gratuité d’une première tranche de consommation : c’est tout simplement une réponse concrète pour rencontrer le droit de chaque ménage à un usage énergétique qui correspond à ses besoins de base ; oui, il faut bien entendu prévoir des mesures spécifiques pour protéger les familles nombreuses et celles qui se chauffent à l’électricité ; oui, il faut développer une progressivité du prix au-delà de la part gratuite, car cela permet de faire contribuer davantage ceux qui consomment davantage. « Le “bobo” polluera toujours plus que le pauvre, même s’il met un gros pull chez lui, s’il trie consciencieusement ses vieux papiers, même s’il roule à vélo ou en voiture hybride. » (Philippe Defeyt, président de l’Institut du développement durable.) Nous regrettons vraiment que ce projet politique majeur ait donné lieu à une guéguerre politicienne au sein du gouvernement wallon, car l’essentiel est ailleurs : il faut encourager les ménages à réduire leur consommation énergétique, quelle qu’elle soit, mais il faut aussi et surtout venir en aide à ceux qui, aujourd’hui déjà, et en raison de leur facture énergétique, se trouvent dans une grande précarité. Nous restons convaincus que la tarification progressive et solidaire est le meilleur outil pour ce faire, et nous tenons à ce que le gouvernement wallon mette ce projet en œuvre avant la fin de la législature. La tarification progressive est un projet-phare pour la gauche. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avions accueilli les déclarations politiques progressistes et ambitieuses des coalitions Olivier. Des progrès ont été faits, des réalisations sont en cours, c’est incontestable. Il reste un an pour faire aboutir encore nombre d’autres projets de la plus grande importance ; nous ne pourrions accepter que les entités fédérées à Bruxelles et en Wallonie se mettent en position « off » dès un an avant les prochaines élections. Un petit clin d’œil à cet égard : « Il y a un problème de comportement de la part des responsables politiques. Il faut de la confiance entre les partenaires. Elle n’existe pas. Il faut de la confiance, de la déontologie, de l’éthique. C’est surprenant, surréaliste. Je ne comprends pas. Et cela n’amuse pas les gens. Dans mon petit village, on dit : “Mais vous vous disputez tout le temps”. C’est cela que les gens retiennent. » (Josly Piette, ancien ministre de l’Emploi, à sa sortie de charge.) Je demande aux partenaires PS, Écolo et CDH : ne nous décevez pas ! Ressaisissez-vous ! Les responsabilités que les entités fédérées vont recevoir dans les années qui viennent seront grandes, et essentielles pour la population. Nous comptons sur vous pour que les matières de sécurité sociale qui seront transférées soient gérées sur le modèle de la sécurité sociale, en garantissant le rôle des partenaires sociaux et des mouvements qui gèrent concrètement ces matières. Le défi est gigantesque ; avec toutes les forces de gauche, nous serons extrêmement attentifs à ce que les droits sociaux soient maintenus, et à ce que les besoins soient rencontrés. « Ce serait faire preuve de grande naïveté que de renoncer à la “marche à gauche”, au renouvellement de l’espérance qu’elle doit incarner, aux combats qui en exprimeront la fierté. » (La Bande FM, groupe de militants du MOC et amis de François Martou.) Concluons sur un message d’optimisme. Nous savons que notre combat est juste et que l’avenir est dans le projet de société que nous portons. Selon un tweet reçu, dont j’ignore l’auteur : « On n’a sans doute jamais été si près du bonheur. C’est juste un problème de partage. » Texte établi le 12 avril 2013.