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Introduction

Après les combats fondateurs des années 1970 autour de la construction de centrales nucléaires, le degré de conflictualité politique autour des technologies émergentes avait pu sembler se relâcher, à la notable exception des combats spectaculaires autour des OGM, de la lutte plus diffuse autour du brevetage, ou encore, sous l’impulsion de la droite chrétienne américaine, les avancées de la génétique. Reste que, à l’abri d’un acronyme euphémisant, les NTIC – Nouvelles technologies de l’information et de la communication – avaient échappé en grande partie à la réflexion et la mobilisation militantes. Avec ce dossier, consacré aux nouvelles technologies, en général, dans leurs rapports aux droits de l’Homme et aux gouvernement des Hommes, en particulier, nous espérons modestement que cette thématique atteigne au moins un des premiers des stades de la délibération démocratique.

Le village global comme mirage et écran de fumée

Aveuglés, peut-être par le mirage utopique du village global – et globalement démocratique – de Marshall MacLuhan, les acteurs sociaux ont en effet concentré l’essentiel de leur attention et de leur action en matière de NTIC sur la question de la fracture numérique, et de l’inégalité d’accès à ces nouvelles technologies dont le caractère intrinsèquement positif n’était jamais remis en question, ni les effets démocratiques interrogés. Ce n’est qu’à l’occasion de luttes très ponctuelles et minoritaires que ces enjeux ont pu émerger, de manière malheureusement éparse. C’est ainsi, par exemple, que les assistants sociaux ou encore les travailleurs de l’insertion socio-professionnelle bruxelloise ont pu se mobiliser autour de la question de l’informatisation du travail social lors de la mise en place d’un réseau informatique dans le cadre du RPE (Réseaux des plates-formes locales pour l’emploi). Leur inquiétude se fondait non seulement sur la nature – et les destinataires – des données transmises mais également sur l’incidence que pouvait avoir dans les relations avec l’usager, la présence envahissante d’un ordinateur au cours des entretiens.

Une société de surveillance

Plus généralement, c’est l’émergence d’une société de surveillance globalisée, appuyée sur la convergence des technologies informatiques, biométriques, de traçabilité (puces RFID) et de surveillance qui est en cause. Loin d’être un fantasme gratifiant déployé par quelques militants des droits de l’Homme justifiant leur combat par l’invention de dangers fictifs, cette convergence fait l’objet d’un travail actif et méthodique fortement soutenu par les pouvoirs publics, au premier rang desquels l’Union européenne, dans le cadre de plusieurs programmes de recherche – voir à cet égard l’article d’Antoinette Rouvroy dans ce numéro. Cette convergence préfigure vraisemblablement – et rend possible – l’avènement d’un nouveau mode de gouvernement par la statistique et les algorithmes, obsédée par la recherche des corrélations plutôt que des causes et opérant par là-même, sous l’apparente neutralité de l’outil statistique, une reproduction des stéréotypes sociaux et un enfermement dans ceux-ci. C’est d’ailleurs, un peu restrictivement, à ces nouvelles technolgies-là, potentiellement constitutives de la société de surveillance à venir, que se consacre le présent numéro. Sans plonger dans la description d’un cauchemar dystopique, ses contributeurs évoquent également leurs possibles atouts démocratiques, fussent-ils controversés (le bracelet électronique comme alternative «humaine» à la prison ou encore les caméras de vidéosurveillance retournées contre les policiers pour éviter, ou au moins objectiver et réprimer, les bavures) et leur potentiel émancipateur ou subversif – les logiciels libres comme pointe avancée d’une économie de la connaissance fondée sur la gratuité, et le caractère non marchandisable du savoir. Ce dossier a été coordonné, pour la Ligue des droits de l’Homme, par Edgar Szoc, son secrétaire général. La Ligue des droits de l’Homme organisera du 23 au 28 février 2010, à Bruxelles et en Wallonie, une Semaine thématique consacrée à la question des rapports entre Nouvelles technologies et droits de l’Homme.