Politique
Les deux Italie(s)
13.04.2006
Il y a toujours eu deux Italies, deux pays, deux identités qui s’affrontaient tout au long de l’histoire. Deux adversaires parfois complémentaires, quelques fois irréductibles. Italie monarchiste et républicaine, unitaire ou séparatiste, fasciste et antifasciste, démocrate-chrétienne ou communiste. Des adversaires qui, au gré du temps devenaient aussi des partenaires et en vertu de cette pratique typiquement italienne qu’on appelle le «transformisme» intégraient les contraires. Aujourd’hui l’Italie est profondément divisée. Le mot est faible, dans la péninsule on utilise celui de «spaccatura», la brisure, la fracture, la cassure. Jamais, sans doute, cette fracture n’a été aussi forte depuis le temps de la guerre froide. Silvio Berlusconi a tout fait pour qu’il en soit ainsi. Par la politique qu’il a conduite durant cinq ans, par la campagne électorale d’une extrême violence qu’il a menée ces derniers mois. Entre le grotesque et le vulgaire, entre le cynisme et le trivial, la virulence populiste de Berlusconi visait précisément à accentuer la fracture de l’Italie. Et contrairement ce que pensaient beaucoup d’observateurs, cette violence a été payante. Berlusconi a limité les dégâts, il a même frôlé la victoire et il demeure, en tous cas, à la tête du premier parti italien. Et cela parce qu’en dépit des promesses non tenues, il a réussi à maintenir l’alliance contre-nature des deux groupes sociaux sur lesquels il a construit sa force politique : l’Italie des petits entrepreneurs et celle les laissés pour compte. Celles qui pour des raisons contradictoires en veulent aux élites et à l’Etat. Il faut lire à ce sujet les analyses très fines du politologue Marc Lazar qui vient de publier chez Perrin, «L’Italie à la dérive». Face à cela, et bien d’autres choses encore, la tâche de Romano Prodi s’annonce très délicate. La victoire réelle mais étriquée du centre gauche l’oblige à la fois à répondre aux attentes de ses partisans qui ont été humiliés par le berlusconisme et à retisser les liens d’un Italie éclatée. La plus noble et la plus difficile mission de la politique.