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Un spectre hante la France…

Un spectre hante la France: sa jeunesse. Il y plusieurs lectures possibles du mouvement de protestation des jeunes contre le contrat de première embauche. On peut se rappeler que tous les dix ans, environ, la jeunesse française se révolte contre des mesures ressenties comme profondément injustes, démentant à chaque fois, et sous des formes toujours différentes, les idées reçues sur la passivité et la résignation des nouvelles générations. Cette fois encore, le mouvement de protestation qui continue de se développer invente une nouvelle manière de s’exprimer mêlant l’esprit d’indépendance à celui de la solidarité, mélangeant, dans son langage propre, ironie et détermination. Mais le contexte est lourd. François Dubet, un sociologue spécialiste de la jeunesse et du monde du travail, a analysé l’inquiétude des jeunes face à la précarité. Il note que depuis une trentaine d’années les gouvernants ont traité les jeunes comme une variable d’ajustement: «c’est eux qui ont eu droit aux emplois précaires, aux stages non rémunérés, c’est eux qui ont eu droit à l’intérim, et cela alors que l’écart de salaire entre les débuts et les fins de carrière n’a cessé d’augmenter». François Dubet ajoute que «la scène sociale est dominée, depuis 20 ans, par des mouvements lourdement marqués par l’inquiétude». Le sociologue ajoute que le mouvement anti-CPE est la réplique dans les classes moyennes, de celui des banlieues. Ce que l’on appelle, par ailleurs, l’insécurité sociale gagne tous les milieux précarisés. Autre aspect, politique celui-là, de cette crise: l’incroyable obstination du gouvernement. Après les banlieues, les universités et les lycées: le premier ministre de Villepin, baptisé par Libération, «le forcené de Matignon», et le ministre de l’intérieur aux écarts de langage ravageurs, sont les artisans accomplis de la provocation, le tout sur fond d’une rivalité présidentielle aux effets dévastateurs, y compris sur l’image de la politique elle-même avec des conséquences que l’on ne peut pas encore imaginer.