Politique
Droits de l’homme : le leurre de Guantanamo
09.03.2006
On sait que la présidente du Sénat belge est rapporteuse de la commission des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE — l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe — ; elle est également rapporteuse spéciale pour Guantánamo. À ce titre, et en compagnie de deux experts belges, Anne-Marie Lizin a fait un voyage éclair au centre américain de détention à Cuba. Ils ont visité les lieux, rencontré des officiels et des gardiens mais pas de détenus. On a déjà beaucoup commenté les bons points décernés par cette délégation à propos du fonctionnement d’un centre éminemment contesté sur le plan juridique comme sur le plan humanitaire. D’autant que les visites guidées organisées et soigneusement préparées et encadrées par les Américains apparaissent désormais comme un leurre puisque les centres de détention où, selon différents témoignages, l’on pratique sévices et tortures ont été «délocalisés» en Afghanistan. Voilà qui ressemble étrangement à de la manipulation librement consentie. Curieux aussi quand des représentants d’une commission des droits de l’homme semblent se livrer à des conseils en matière d’interrogatoire. Ou qu’un membre de la même délégation, par ailleurs policier antiterroriste belge — qui dit s’être déjà rendu cinq fois à Guantanamo; dans quelles conditions et à a quel titre, on se le demande? — «n’a jamais constaté d’actes de violence ou de choses qui l’aient choqué» ajoutant «qu’au niveau carcéral c’est une prison modèle». Voilà qui doit rassurer les vrais défenseurs des droits de l’homme. Avant de remettre leur rapport à l’OSCE, les uns et les autres auraient peut-être intérêt à lire les 317 procès verbaux d’interrogatoires de détenus que le Pentagone a été contraint de publier sous la pression juridique de la presse américaine. La confusion qui règne à Guantanamo et ailleurs sur l’identité exacte d’une bonne partie des détenus, sur l’arbitraire de leur sort et les traitements qu’ils subissent mérite l’attention de nos rapporteurs.