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Crime et racisme

«Crime et racisme», c’est la nouvelle équation dramatique que vit la France depuis la mise à mort dans des conditions particulièrement horribles de Ilan Halimi par une bande de quartier. L’indignation n’a d’égale que la stupéfaction face à cet acte dont le mot «barbare» répond exactement à sa qualification. Ilan Halimi était Juif. Est-il mort parce qu’il était Juif? Beaucoup, en France, et particulièrement dans la communauté juive, le pense. Parce que l’antisémitisme, comme les autres racismes, est une réalité incontestable. Parce que, comme le fait remarquer le sociologue Michel Wieworka, «dans les banlieues françaises les propos antisémites jaillissent aujourd’hui sans tabou : l’antisémitisme est redevenu, dit-il, une opinion». Constat qui fait frémir. «Ce faisant, ajoute Michel Wieworka, à l’intérieur même de la société française, le racisme vécu, l’exclusion, la fragmentation culturelle fabriquent aussi ce nouvel antisémitisme.» Et Michel Wieworka qui a publié l’an dernier «La tentation antisémite. Haine des Juifs dans la France d’aujourd’hui» chez Laffont a étudié la question de près. Dans un entretien au Monde, il ajoutait que «s’il s’agit, compte tenu de ce que l’on sait, d’abord d’un crime crapuleux qui se double d’antisémitisme (…), ce serait une erreur d’expliquer ce crime par des critères ethnico-religieux ou raciaux». Dans ce drame, il est d’ailleurs assez étonnant que la justice française, qui devrait avoir quelque raison de prudence, ait d’emblée publiquement proclamé la circonstance aggravante d’antisémitisme au meurtre crapuleux alors même que l’enquête était loin de sa fin. Politiques et médias ne pouvaient que suivre au risque d’un emballement que l’on a connu en d’autres circonstances. Tous les éléments du repli communautaire sont en place. L’historienne Esther Benbassa ajoute, de son côté, qu’«il serait sage de contourner le piège de la communautarisation du calvaire d’Ilan Halimi. Celui-ci, victime d’un sort tragique et injuste, mérite certes de devenir un symbole. Mais celui qui nous exhortera à endiguer par tous les moyens cette inhumanité que génèrent nos systèmes et dont nous sommes les passifs spectateurs.» Dénonciation sans faille de l’antisémitisme et refus d’une communautarisation du crime : cette double exigence est un impératif catégorique qui conditionne le «vivre en-semble» de la société française.