Politique
Catastrophes et crise de la modernité
25.02.2006
De canicule en tsunami, de tempête en grippe aviaire, la planète du XXIe siècle vit dans le «catastrophisme» généralisé. Il faut bien sût distinguer la réalité incontestable d’un état du monde qui paye aujourd’hui le prix des politiques dictées par la course au profit maximal et immédiat. Et l’accélération du sentiment d’insécurité, et parfois de panique, provoqué par la mondialisation de l’information et son martèlement permanent. Rien n’est inventé, tout est surmultiplié. Face à ce scénario, l’imprévoyance ou l’impuissance des États aux prérogatives limitées et aux budgets rognés empêchent de lutter contre les causes structurelles des dérèglements et de construire un développement durable, sinon harmonieux. Un chercheur français, Erwan Lecoeur, spécialiste du néopopulisme, analyse les conséquences de cette perception du monde sur le comportement politique des Français – mais le problème dépasse de loin l’hexagone – : il appelle cela la «tentation romantique de la ruine» qui aboutit puisque tout se vaut à une sorte de mutinerie permanente contre les dirigeants politiques et les institutions traditionnelles. De son côté, Jean Claude Guillebaud soulignait il y a peu dans Le Monde, le paradoxe de l’ Occident. Une modernité, notamment technique, qui séduit et appelle l’imitation par la planète entière et en même temps un refus souvent dans la violence et le terrorisme du modèle culturel et social et d’un nouvel impérialisme fondé sur «une étrange sûreté de soi». «La modernité occidentale tend à diaboliser ce qui la conteste, à négliger ce qui la questionne, à combattre ce qui lui résiste», écrit Guillebaud. Et l’auteur de «La Force de conviction» et «Le Goût de l’avenir», ces deux derniers ouvrages qui permettent de mieux interpréter le monde contemporain, conclut que «si l’occident est en crise, c’est parce qu’il a cessé d’exercer sur lui-même la capacité critique qui le constituait. Il a fait de sa modernité et de la mondialisation libérale, non plus un questionnement mais un privilège et une injonction, non plus une subversion mais une idéologie conquérante.» Finalement, en poussant un peu le raisonnement, le règne d’un certain catastrophisme et la crise de l’Occident ne sont pas totalement étrangers l’un à l’autre.