Politique
La banlieue et les symboles
14.11.2005
Cela fait 25 ans que les éducateurs et les sociologues mettent en garde, cela fait un quart de siècle que des rapports, des enquêtes et même le cinéma de fiction l’annoncent : la banlieue française va brûler ! De haut en bas de la société française d’excellents diagnostics avaient été posés. Il y cinq ans un ancien éducateur de rue d’origine immigrée publiait un livre où il constatait : « C’est quand les gens sont blessés ou meurent qu’on commence à s’inquiéter, parce que quand rien ne se passe de violent dans les quartiers, on oublie les habitants. Les petits ont retenu la leçon ; il n’y a aucun intérêt à être citoyen, il vaut mieux casser ». L’éducateur évoquait les «émeutes les voitures brûlées » des années 90 dans les banlieues, les mêmes qu’aujourd’hui. A peu près à la même époque le candidat Chirac dénonçait la « fracture sociale » avant de s’en prendre plus tard « à la fracture urbaine » et aux «territoires perdus de la République». De l’éducateur au chef de l’Etat tout le monde savait donc ce qu’était le mal des banlieues françaises, chacun était conscient du danger qui planait sur la cohésion sociale et nationale. Et pourtant d’hésitations en détricotages, les deux derniers gouvernements de la droite française ont réduit la plupart des moyens attribués aux quartiers en difficultés tandis que le concept de police de proximité était battu en brèche par un ministre de l’intérieur qui choisit l’insulte comme slogan électoral. La banlieue française a donc brûlé. En réponse, le gouvernement Villepin a pris deux décisions spectaculaires : l’instauration du couvre feu sur base d’une loi coloniale de 1955 et la réduction de fait de l’âge de l’obligation scolaire. Quel signal ! Quel symbole ! Rétablir l’ordre est la mission première d’un état de droit mais le faire sur base d’une loi qui est le symbole juridique de la guerre d’Algérie alors même que le passé colonial continue de hanter les relations entre communautés en France, résonne comme une provocation. De même la proposition gouvernementale d’organiser l’apprentissage dès 14 ans pour les enfants en décrochage revient de fait à abaisser l’âge de l’obligation scolaire. Voilà, en tous cas, deux mesures lourdes de sens et de nouvelles révoltes.