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Téléscopages chinois

«Les mouvements sociaux se multiplient en Chine», «Comment le luxe français envahit le marché chinois»: à deux semaines de distance ces titres du quotidien Le Monde consacrés à la Chine se télescopent pour mieux rendre compte des profondes — et brutales — contradictions qui secouent un pays qui est en train de battre tous les records de développement économique avec une croissance annuelle de 9,5 %. Les héritiers du mao stalinisme découvrent une nouvelle lutte des classes dont la nature ne figurait pas dans le «Petit livre rouge» de leurs parents. D’un côté une multiplication des conflits sociaux: une ONG en a recensé 57.000 en 2004. Des protestations contre des conditions de travail dignes de notre XIXe siècle, des salaires impayés ou sous- payés, des licenciements arbitraires. Des mouvements qui débordent les usines d’état pour éclater dans le secteur privé et les usines de la Chine côtière tournées vers l’exportation. Le tout, bien sûr, à l’insu ou à l’encontre des syndicats officiels inféodés au Parti communiste toujours tout puissant. De l’autre coté, une débauche de luxe pour les 300.000 millionnaires chinois — millionnaires en dollars — et les quelques millions de ceux qui atteignent les plus hauts salaires occidentaux. En témoigne, parmi d’autres signes, le succès des plus grandes marques du luxe français qui viennent d’inaugurer une exposition à Shanghai et qui multiplient les points de vente dans le pays. Cette Chine qui fascine les investisseurs et les importateurs, sidère ses concurrents et exploite à outrance ses travailleurs est une invention inédite de l’histoire humaine. Elle est le fruit des amours contre-nature du capitalisme le plus débridé et du socialisme le plus bureaucratique. Certes des mouvements traversent la société chinoise, des débats surgissent et des luttes d’influence agitent le Parti unique. Mais la lutte pour la démocratie et contre les inégalités sera dure dans cet univers chinois qui semble cumuler tous les maux idéologiques des défunts XIXe et XXe siècle.