Politique
Anti-syndicalisme primaire
14.10.2005
Parfois la longueur du temps parcouru se mesure à la légèreté de la pensée en action. Il y a longtemps que dans la pensée dominante et son expression médiatique, le syndicalisme n’est plus considéré comme une fonction déterminante dans la société démocratique, sauf dans sa partition éventuelle de contrôle social ou de régulateur des conflits. Qu’un syndicat revendique, le voici accusé d’obstacle à la compétitivité, qu’un syndicat défende des droits durement acquis, le voilà classé dans la ringardise anti-économique. L’adjectif « acquis » pèse son poids de mépris et condamne celui qui le prononce du moins s’il est de provenance syndicale. Car les droits acquis des actionnaires ou des propriétaires ne souffrent évidemment pas de la même opprobre sémantique. Deux épisodes récents illustrent cet air du temps. La manière dont la grève générale décidée par la FGTB a été accueillie et commentée la semaine dernière en dit long sur les rapports de force idéologiques dans notre société. Déferlante de condamnations, de stigmatisations, ou de dérisions — du moins jusqu’à la démonstration du succès de la grève qui dépassait les espérances des organisateurs et les frontières des organisations. La presse était pratiquement unanime dans ses commentaires, tous médias confondus- sur la condamnation de cette action syndicale, un véritable tir de barrage. Alors, on peut certes mettre justement en cause certains aspects du fonctionnement des syndicats, mais la contestation systématique de leur représentativité et de leur rôle devient essentiellement idéologique. De bons esprits, rappelant de sombres époques, souhaitant même « en finir avec les syndicats ». L’autre élément éclairant est la manière dont on a argumenté sur l’allongement global du temps de travail dans les négociations sur les pensions. Même mépris ou même ignorance de toute pensée alternative. L’argumentation de la pensée économique dominante ressort désormais de l’infaillibilité pontificale. Si l’on ne craignait nous-même les poncifs on dirait que décidemment jamais la pensée n’a été aussi unique.