Politique
Internet, libertés, marché
27.09.2005
Ce n’est pas la première fois qu’une multinationale collabore à la politique répressive d’un régime autoritaire ou anti-démocratique. L’histoire du siècle passé fourmille d’exemples où les raisons économiques ont pris le pas sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Mais cette fois la contradiction constitue une sorte de cas d’école. Les opérateurs d’Internet se veulent les champions de la communication. Les plus importants d ‘entre eux ne sont pas loin de s’affirmer comme les chantres d’une nouvelle ère de liberté. Et voilà que le géant américain — il s’agit de Yahoo — est pris sur le fait. C’est Reporters sans frontières qui a dévoilé l’affaire. Yahoo a joué, en quelque sorte, les espions pour le compte des autorités chinoises. Un journaliste chinois avait envoyé par courrier électronique à un ami à l’étranger un document officiel interdisant à la presse de faire allusion à l’anniversaire des massacres de Tien Amen en 1989. Yahoo a tout simplement fourni les informations concernant ce courrier et du même coup livré l’identité de ce journaliste à la police chinoise. Le journaliste a été condamné à dix ans de prison pour divulgation de secret d’état. « Nous nous devons de respecter les lois en vigueur en Chine » ont indiqué sans plus de scrupules les plus hauts responsables de Yahoo qui venaient, par ailleurs, d’acquérir pour un milliard de dollars 35 % du principal portail de commerce électronique chinois. Mais Yahoo n’est pas seule en cause dans ce type de relations. Un autre chevalier de la liberté de communiquer est sur la sellette. En juin dernier Microsoft a lancé un nouveau portail en Chine avec un service permettant de créer des blogs, ces journaux personnels. L’entreprise de Bill Gates a mis au banc du vocabulaire de son portail version Chine quelques mots particulièrement subversifs. L’utilisation par les internautes chinois des vocables de « démocratie, liberté ou manifestation » provoque l’apparition d’un message d’erreur indiquant qu’il s’agit de langage interdit que l’on est prié d’effacer. Le gouvernement chinois peut décidemment compter sur des collaborateurs zélés du côté des multinationales de l’Internet.