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La Louisiane et le Niger

On n’a pas fini d’épiloguer sur les conséquences du cyclone Katrina ni sur ce qu’il a révélé sur la vraie nature de l’état selon Bush. Mais il ne faudrait pas oublier les autres nombreuses catastrophes de l’été. Et surtout l’une d’entre elles dramatiquement significative du fonctionnement de la planète. Il s’agit de la famine au Niger qui menace aujourd’hui l’existence de plus de 3 millions d’êtres humains. Famine annoncée puisque les experts évoquaient dès octobre 2004 les conséquences de l’invasion des criquets et de la sécheresse sur les récoltes à venir. Le plus étonnant est encore ailleurs : il n’y a eu ni indifférence, ni imprévoyance des autorités nationales ou des organisations internationales. Les mécanismes d’alerte ont fonctionné, les stocks d’urgence mis en place. Mais le gouvernement nigérien encouragé sinon contraint par des organismes comme le FMI ou la Banque Mondiale a refusé jusqu’à la dernière extrémité la distribution gratuite des aides alimentaires. Pour protéger les marchés régionaux et le développement agricole, les gouvernants locaux et mondiaux ont imposé la vente de ces aides. La sécurité alimentaire plutôt que l’assistance, disaient-ils. Louables intentions mais effets dramatiques. Car, bien entendu, pour la plupart des habitants d’un des pays les plus pauvres au monde, même à bas prix, les denrées étaient inaccessibles. Seuls en ont profité les spéculateurs qui rachetaient les stocks pour les revendre ailleurs au prix fort. Alors, certes, des éléments naturels ont déclenché le processus mais c’est bien la décision politique et économique qui a provoqué la famine et porté la mort. Les institutions internationales ont une fois encore voulu imposer le marché comme règle absolue. Et une fois de plus, cette obstination dogmatique a provoqué la catastrophe humanitaire. Cette politique dite d’ajustement structurel s’est accompagnée de privatisations (de l’eau notamment) et de réductions drastiques des budgets sociaux aux effets ravageurs. Elève modèle du FMI, le Niger s’est vu décerné le brevet de « bonne gouvernance », cette méthode qui consiste à gérer le pays comme une entreprise. On lui a promis, sans l’appliquer jusqu’ici, une réduction de la dette dont la charge représente 30 % de son budget. Pour le prix sa bonne gouvernance, le Niger n’a eu que la famine. Et finalement le Niger n’est pas loin de la Louisiane…