Politique
L’Europe, la confusion et le chômage
13.05.2005
«Nous avons respecté les horreurs, euh…pardon les horaires» ce magnifique lapsus du journaliste vedette de la principale chaîne privée française concluait lundi dernier le débat sur le référendum consacré à la constitution européenne. Enfin un débat sans paillettes qui permettait à chacun d’aligner des arguments dont la pertinence n’était pas réservé à un seul camp. Mais le dispositif du studio en disait plus long que tous les discours. Un studio tout en longueur: deux pupitres se font face. Debout les partisans du «oui» font face aux défenseurs du «non». Le premier mouvement de caméra fait découvrir ce que l’on sait mais qui est encore plus frappant quand on le voit: l’hétérogénéité des camps, les rapprochements contre-nature. D’un côté, côte à côte, souverainiste, extrême droite et extrême gauche dans des connivences de fait qui font frémir. En face rassemblés, socialistes, libéraux, démocrates-chrétiens et écologistes dans une confusion qui ne contribue pas à la réhabilitation de la politique. Voilà pourquoi, en dépit des efforts de chacun pour se distinguer, les horreurs furent, en effet, respectées. Dans Le Monde, l’économiste Jean-Paul Fitoussi, nous rappelait, lui, que le véritable centre du débat européen en France, c’est d’abord l’état de la France elle-même. Et principalement l’oubli de notre révolte devant l’inacceptable, le chômage de masse, simplement parce que nous nous y sommes résignés. Et pas seulement en France, peut-on ajouter. Fitoussi le répète justement: le chômage est le mal le plus périlleux qu’une société puisse affronter en temps de paix. Il agit comme un trou noir en expansion au sein de nos systèmes sociaux en avalant toutes les logiques d’intégration. Précarisation sociale, ségrégation urbaine, augmentation de toutes les inégalités: l’origine est toujours la même. Et l’Europe dans tout cela? La campagne référendaire agit comme un révélateur de l’état des nations. Et puis, ajoute Fitoussi, «la promesse essentielle que les citoyens associent aujourd’hui à la construction européenne n’est plus la paix, c’est la prospérité. La délibération actuelle doit porter sur les moyens de mieux la tenir» conclut Fitoussi, sans préciser — c’est important à noter — s’il faut pour autant approuver on non la constitution. Comme si l’enjeu était ailleurs…